Lorsqu'un viticulteur contracte un prêt professionnel, plusieurs questions se posent quant à l'assurance de ce prêt. Est-il utile de l'assurer en cas de décès ou d'invalidité de l'exploitant ? Si oui, avec quel contrat ? En règle générale, la banque exige la souscription d'une assurance décès invalidité (ADI) pour s'assurer du remboursement du prêt en cas de décès ou d'invalidité du contractant. L'exploitant contracte une assurance qui remboursera, le cas échéant, le capital restant dû directement à la banque.
Ce schéma est sécurisant pour la banque, mais ne l'est pas toujours pour l'exploitant ou ses héritiers. Si l'exploitant devient invalide ou décède, l'assureur rembourse le capital restant dû, ce qui efface la dette et génère, par la même occasion, un profit exceptionnel pour l'exploitation. Cette entrée générera des cotisations sociales et des impôts supplémentaires, comme le montre le tableau ci-joint. L'impact est loin d'être neutre, surtout si le décès survient en début de prêt. Il se peut que le bénéfice agricole soit alors multiplié par deux ou trois.
Cette hausse des impôts et cotisations peut mettre en péril la poursuite de l'exploitation ou la situation personnelle des héritiers. Pour prévenir ce risque, les banques et les comptables conseillent à l'exploitant de souscrire, en plus, une assurance risque fiscal. Il s'agit d'un contrat d'assurance décès à fonds perdu qui prévoit le versement d'un capital à un bénéficiaire en cas de décès ou d'invalidité du souscripteur. Dans la logique de ce montage, le versement du capital servira à payer le surplus de MSA et d'impôts généré par le remboursement du prêt. Ce capital n'est pas imposable. À noter que le coût de l'assurance risque fiscal n'est pas considéré comme une charge de l'exploitation. C'est une démarche privée. Il est conseillé de réajuster à la baisse le capital assuré au fur et à mesure que le prêt est remboursé.
Il est envisageable d'opter pour une autre organisation. Au lieu de nommer la banque comme bénéficiaire du capital décès au contrat d'assurance (ADI), il s'agit d'en faire bénéficier le conjoint de l'exploitant ou un autre membre de sa famille. En cas de décès, le capital est versé à ce bénéficiaire qui rembourse ensuite à la banque le capital restant dû selon l'échéancier initialement prévu. Ainsi, il n'y a pas d'entrée exceptionnelle d'argent sur le compte de l'exploitation. Avec cette option, il n'est plus nécessaire de souscrire une assurance risque fiscal. Mais cette formule est peu connue et les banques sont souvent réticentes à l'accepter. D'où leur absence de communication sur cette possibilité.
« Pour nous, banquiers, le schéma le plus sécurisant est d'être le bénéficiaire de l'ADI et que l'exploitant souscrive une assurance risque fiscal pour pérenniser son exploitation en cas de problème, résume le directeur d'une agence bancaire. Il y a des situations où nous n'acceptons pas de prêter si nous ne sommes pas bénéficiaires de l'ADI : quand l'exploitation démarre ou qu'elle n'est pas très assise financièrement. Avec sa dépendance aux conditions météorologiques, l'agriculture reste une activité risquée pour un banquier. Mais il y a des cas de figure où il est possible que le conjoint soit nommé bénéficiaire, ce qui éviterait des coûts fiscaux et sociaux exceptionnels. Personnellement, j'attends que le client m'en parle. Je n'en prends pas l'initiative. Les professions libérales sont mieux informées sur cette possibilité. En agriculture, cela reste très méconnu. »
Pour rassurer la banque et contraindre le bénéficiaire de l'ADI à rembourser le prêt, il est souvent prévu de signer une convention séquestre. Le capital de l'assurance sera versé sur un compte mis sous séquestre au profit de la banque, chez un notaire par exemple. Le prêt peut aussi faire l'objet d'un nantissement de créance de la part du bénéficiaire au profit de la banque.
Le Point de vue de
HERVÉ WAXWEILER, CONSEILLER D'ENTREPRISE CHEZ AS ENTREPRISES (MARNE)
« Il faut réfléchir aux conséquences du décès de l'exploitant »
« Nommer un proche comme bénéficiaire de son assurance décès invalidité peut être une option intéressante. Cependant, les banques l'acceptent rarement. Cela vaut néanmoins la peine d'y réfléchir et de négocier cette possibilité auprès de votre banque si l'exploitation est solide financièrement. Mais au-delà de la question du bénéficiaire de l'ADI, il est important de réfléchir au devenir de l'exploitation et de sa famille en cas de décès ou d'invalidité de l'exploitant. C'est évidemment un sujet délicat qui oblige à se projeter dans des scénarios anxiogènes. Mais c'est important de le faire à plusieurs reprises dans la vie de l'exploitation, la situation évoluant au fil des décennies. »