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VIGNE

Variétés résistantes Patience et longueur de temps

MICHÈLE TRÉVOUX - La vigne - n°295 - mars 2017 - page 32

L'Inra a donné son feu vert pour une diffusion très contrôlée des variétés résistantes d'Alain Bouquet. Néanmoins, les viticulteurs qui veulent en planter devront patienter.
LE 3328-306 N, dont le dernier parent est le marselan, ne fait pas partie des sept variétés qui vont être implantées. Mais après l'avoir dégusté, les producteurs ont demandé à l'Inra de pouvoir l'expérimenter. © INRA PECH ROUGE

LE 3328-306 N, dont le dernier parent est le marselan, ne fait pas partie des sept variétés qui vont être implantées. Mais après l'avoir dégusté, les producteurs ont demandé à l'Inra de pouvoir l'expérimenter. © INRA PECH ROUGE

Les Languedociens attendaient cette bonne nouvelle. L'Inra a donné une réponse favorable à leur demande de tester les sept variétés résistantes d'Alain Bouquet qu'ils ont choisies parmi la trentaine de variétés obtenues par ce chercheur. Soixantaine viticulteurs, répondant à l'appel de la commission technique du CIVL, se sont portés candidats pour planter ces hybrides chez eux sur une surface totale de 89 ha.

La mobilisation des professionnels, soutenus par douze parlementaires de la région, a payé. Longtemps opposé à la diffusion des variétés Bouquet, l'Inra a revu sa position. Début janvier, Philippe Mauguin, nouveau président de l'institut, donnait son accord pour le déploiement en Languedoc et en Charentes des variétés Bouquet, mais dans un cadre très contrôlé, baptisé Oscar.

« Cette surveillance doit permettre de détecter l'éventuelle apparition de mildiou ou d'oïdium résistants. Elle vise également à recueillir des données sur le comportement de ces variétés dans différents terroirs », indique Laurent Delière, de l'Inra de Bordeaux, qui pilote l'observatoire Oscar. L'Inra estime en effet que la résistance des variétés Bouquet risque fort d'être concernée car elle ne tient qu'à un seul gène. Il veut être en mesure de détecter ce phénomène au plus tôt pour pouvoir l'enrayer.

Le parcours reste semé d'embûches, même si ce feu vert constitue une belle avancée dans le dossier laborieux du développement des cépages résistants.Au point que les demandeurs devront faire preuve de bien plus de patience qu'ils ne l'imaginaient.

Le premier verrou est physique. Pour cette année, il n'y a pas de plants. Il faudra attendre l'an prochain, le temps que la production se mette en route. Et ces plants seront standards. L'IFV qui les multiplie ne sera pas en mesure de proposer des plants certifiés avant quelque temps. Les viticulteurs qui les planteront ne pourront donc pas obtenir d'aide à la restructuration du vignoble. Le second est réglementaire. En effet, les sept variétés retenues doivent encore obtenir leur DHS (distinction, homogénéité, stabilité). Ce certificat est le préalable obligatoire pour toute inscription au catalogue. Il garantit qu'une variété est distincte de celles existantes, qu'elle est homogène et stable. Il faudra attendre 2019 pour que les variétés Bouquet l'obtiennent.

D'ici là, la surface de plantation autorisée est limitée à 3 ha par variété. L'unité expérimentale de Pech Rouge ayant déjà planté 0,5 ha de chacune d'elles, les viticulteurs n'auront droit qu'à 2,5 ha par variété en 2018. En outre, un autre problème se pose pour l'une d'entre elles (la référence 3322-339), il n'y a tout simplement pas assez de plants à Pech Rouge pour produire les bois nécessaires à sa multiplication rapide. Seul 0,5 ha pourra être planté en 2018.

Une fois l'obtention de la DHS obtenue, les surfaces autorisées passeront à 20 ha par variété et par bassin de production. Les demandes des producteurs devraient donc être satisfaites en 2019... sauf pour la variété la plus plébiscitée qui est proche du grenache (voir encadré ci-dessous). Les Languedociens souhaitent en planter 37 ha. Ils devront se rationner dans l'attente d'une inscription définitive au catalogue, envisageable à partir de 2022.

Comment seront sélectionnés les heureux viticulteurs qui pourront planter dès l'an prochain ? « Nous allons tenir compte de la représentativité des terroirs, des surfaces demandées et de la technicité des hommes. Puis on établira un calendrier d'attribution des plants. Certains devront patienter un ou deux ans de plus que d'autres. Mais, à terme, la plupart des demandes seront satisfaites », précise Guy Bascou, vice-président de la commission technique du CIVL.

« Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage », disait La Fontaine, mais on peut comprendre la rage de certains quand gronde la pression sociétale contre l'utilisation des pesticides.

Des cépages à teneur modérée en alcool

Depuis 2015, Montpellier SupAgro, l'Inra et l'IFV ont initié un programme de sélection de variétés résistantes aux maladies et accumulant peu de sucres pendant la maturation. Les chercheurs travaillent sur deux variétés d'Alain Bouquet - G5 et G14 - qui combinent ces deux caractères. Ils les ont croisées avec de la microvigne, mutant naturel du pinot noir, qui produit des raisins de façon continue six à huit mois après la germination des pépins ou le bouturage. Les chercheurs vont vérifier sur deux cycles si l'aptitude à produire peu de sucres est bien transmissible. Passé cette étape, les plants présentant les deux caractères recherchés seront à nouveau croisés avec des variétés dotées d'autres gènes de résistance pour sécuriser leur résistance. Une dernière hybridation sera ensuite réalisée avec le cabernet franc afin d'obtenir des profils aromatiques proches des cépages bordelais, ce travail étant entrepris à la demande de l'interprofession des vins de Bordeaux. « Si tout va bien, nous devrions être en mesure de proposer en 2020-2021 du matériel qui offre à la fois la résistance aux maladies, l'adaptation au climat et le profil aromatique des cépages bordelais », indique Laurent Torregrosa, professeur à Montpellier SupAgro.

Cognac teste quatre variétés Bouquet

Le Bnic a initié en 2002, avec Alain Bouquet, un programme de création de variétés adaptées à la production de cognac. Il a ainsi demandé au chercheur montpelliérain de recroiser certains de ses cépages résistants avec de l'ugni blanc. Le Bnic a retenu quatre de ces obtentions qui ont été plantées en 2015 sur deux sites à raison de 100 souches par cépage, dans le cadre de la plateforme Dephy Expé Ecophyto. Ces quatre variétés ont été sélectionnées sur des critères correspondant aux exigences du cognac : cépage blanc, productif, niveau d'acidité élevé et profil aromatique neutre. « Nous espérons pouvoir déposer les premiers dossiers d'inscription définitive en 2021 », confie Gérald Ferrari, de la station viticole du Bnic.

Les 7 obtentions qui seront testées dans le Languedoc

Le G9 (3196-57), une des 7 variétés qui vont être testées dans le Languedoc. © PECH ROUGE

Le G9 (3196-57), une des 7 variétés qui vont être testées dans le Languedoc. © PECH ROUGE

Voici les variétés que l'Inra va diffuser (elles ne portent encore que des numéros) :

- 3176-21-11. Avec 37 ha, c'est la variété la plus demandée. Alain Bouquet l'a obtenue après cinq rétrocroisements dont le dernier avec du grenache. Vinifiée en rouge comme en rosé, elle donne des vins très ronds et fruités, au profil aromatique proche du grenache.

- G9 (ou 3196-57). Sélectionné pour sa faible production d'alcool, ce cépage blanc arrive en seconde position (14,5 ha). Son dernier parent est l'italia blanc. Il est productif (2,7 kg par cep) et donne un vin fruité et floral avec une belle acidité. Il pourrait être intéressant pour la production d'effervescents.

- 3322-339. Demandé sur 9,5 ha, il est issu de six rétrocroisements, dont le dernier avec le cabernet-sauvignon. C'est l'obtention qui contient la plus forte proportion de Vitis vinifera dans son génome (99,62 %). En 2015, le rendement moyen a été de 1,4 kg par cep. Elle donne un vin concentré, bien typé cabernet-sauvignon.

- 3184-1-9 N. Variété noire qui fait partie du programme « petit degré », son dernier parent est l'alphonse-lavallée. Elle donne un vin à la fois léger et fruité avec des notes fumées.

- 3159-4-12. C'est un blanc dont le dernier parent est le chasan.

- 3160-12-3. Son dernier parent est le fer servadou. Vinifié en rouge, ce cépage donne des vins puissants et concentrés, vineux avec du gras en rosé. Ces trois variétés (3184-1-9, N3159-4-12 et 3160-12-3) sont demandées pour 5 à 6 ha chacune.

- G5 (3197-81). Demandé sur 2,6 ha, c'est un cépage blanc à faible degré d'alcool. Son dernier parent est le muscat de Hambourg. Il donne des vins très aromatiques avec des notes muscatées.

Le Point de vue de

JEAN-MICHEL SAGNIER, PRÉSIDENT DES VIGNERONS DE LA VICOMTÉ D'AUMELAS

« Une solution d'avenir »

« Nous nous sommes portés candidats pour expérimenter six des variétés résistantes d'Alain Bouquet. Nous souhaitons les tester sur 1 ha par variété afin d'avoir une production suffisante pour juger de leur potentiel agronomique et oenologique. Ces variétés résistantes sont une solution d'avenir non seulement pour les viticulteurs bio, mais pour toute la viticulture. Mais nous sommes frustrés d'apprendre qu'il n'est pas sûr qu'on puisse en planter en 2018. On avait prévu de créer le vignoble expérimental dès l'an prochain. C'est encore partie remise », déplore le président de ce groupement de producteurs réunissant quatre caves coopératives de la vallée de l'Hérault : Gignac, Le Pouget, Puilacher, Saint-Bauzille-de-la-Sylve et Saint-Pargoire. Les Vignerons de la Vicomté d'Aumelas cultivent 8 000 ha et produisent plus de 500 000 hl de vin.

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