Rendements
Mieux que Madame Soleil
« On peut jouer les Madame Soleil et dire que, pour le moment, le millésime 2017 à Bordeaux a un potentiel de production normal », s'amuse Marc Raynal, lors de la 13e matinée technique du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB), le 14 février. Pour avancer son pronostic, cet ingénieur de l'IFV se fonde sur les résultats obtenus sur du merlot par le projet Cap Physio Rendement.
Dès la fin juillet de l'année N, après l'induction florale, l'outil Potentiel Système Merlot prévoit le nombre potentiel de grappes de l'année N +1. « Le nombre de grappes est l'élément essentiel du rendement », résume la chercheuse Aurélie Métay, de Montpellier SupAgro. Cet indice du potentiel de récolte est ensuite affiné tout au long du millésime N +1 : fin mai avec la charge réelle en bourgeons, fin juin avec le nombre de grappes par rameau et à la véraison avec le poids par grappe. Ce nouvel outil donne un plafond de production plutôt qu'un niveau de rendement assuré, les aléas climatiques pouvant toujours entamer sans préavis le potentiel initial.
En comparant les rendements prévus à ceux obtenus dans 24 parcelles bordelaises de merlot, entre 2007 et 2016, les chercheurs concluent que Potentiel Système Merlot a vu juste neuf fois sur dix. S'il s'est trompé au sujet des rendements en 2012, année de forte coulure, il a prévu la faible production de 2014, conséquence des difficultés connues par le millésime 2 013.
Le Potentiel Système Merlot a l'ambition de devenir un indicateur régional du potentiel de production. L'outil doit proposer, à terme, des leviers pour concrétiser ces possibilités : taille, fertilisation, ébourgeonnage, éclaircissage...
Flavescence dorée
Un nouveau vecteur venu d'Asie
« La diversité des cicadelles dans le Sauternais et les Graves est surprenante », s'exclame le chercheur Denis Thiéry, de l'Institut des sciences de la vigne et du vin. Ce 14 février, il présente les résultats du projet Risques d'invasion en vignobles aquitains, qui a recensé 78 espèces de cicadelles dans six parcelles en 2016.
Le chercheur tique notamment sur la présence répétée d'Orientus ishidae, appelée aussi cicadelle japonaise. « Il est avéré qu'il s'agit d'un autre vecteur de la flavescence doré », souligne-t-il. Sur 345 adultes capturés en 2015, 49 étaient porteurs du phytoplasme de la flavescence dorée, soit 15 %. Ce qui retire donc à Scaphoideus titanus le titre de « cicadelle de la flavescence dorée », cet insecte n'ayant plus l'exclusivité de la transmission du pathogène. « Mais cela ne veut pas dire que O. ishidae soit plus à même de transmettre la flavescence que S. titanus », précise Denis Thiéry.
D'abord repéré en Suisse, en 2014, l'insecte est aussi présent en Alsace et en Bourgogne. Il est cependant plus rare que S. titanus puisqu'il n'a été capturé que dans 4 % des pièges du réseau, alors que S. titanus était présent dans 35 % d'entre eux. Contrairement à S. titanus, O. ishidae n'est pas inféodée à la vigne. La cicadelle japonaise se nourrit de divers végétaux. L'enjeu est désormais d'élargir le réseau de surveillance bordelais préconise Denis Thiéry.
Biodiversité
Travail du sol et enherbement
« Très répandue, la stratégie mixte de gestion des sols induit une plus grande diversité de la flore que les pratiques 100 % tonte ou 100 % travail du sol », résume Maxime Christen, technicien à la chambre d'agriculture de Gironde (CA33), qui cherche à « augmenter la présence de couverts végétaux tout en maîtrisant la concurrence hydrique et minérale ».
Pour mener à bien ce travail, la chambre d'agriculture a évalué la diversité floristique de 75 parcelles dans 50 domaines. Elle a identifié 51 espèces en moyenne par parcelle et 218 espèces en tout dans l'ensemble des parcelles étudiées. Cinq espèces sont dominantes et ont été observées dans la moitié des vignes : le pissenlit, le géranium, l'agrostide stolonifère, le plantain lancéolé et le trèfle blanc.
La plus grande diversité végétale a été décrite dans les vignes dont les rangs sont travaillés et les interrangs enherbés. Les plus mauvais résultats sont obtenus avec le travail intégral du sol et avec le désherbage chimique du rang, combiné à l'enherbement ou au travail du sol de l'interrang.
Pour favoriser la diversité, le technicien conseille de tondre plus tard et plus haut. Ainsi, des annuelles peuvent se développer. Il recommande également le renouvellement des vieux enherbements par le travail du sol et/ou par l'implantation de semis.
Réchauffement
Des vins plus cuits et plus tuilés
Les chercheurs de l'Institut des sciences de la vigne et du vin (ISVV) de Bordeaux étudient les effets du changement climatique. Ils ont augmenté artificiellement la température des grappes grâce à des panneaux de polycarbonate. « Il s'agit d'un réchauffement modéré, de 1 à 2 °C, mais prolongé », explique le chercheur Philippe Pieri. Il a livré les premiers résultats des expérimentations réalisées en 2015 et 2016, dans le Bordelais, sur du cabernet-sauvignon et du sauvignon blanc. La maturité technologique (soit le rapport sucre/acide) est plus élevée dans les essais que dans les témoins. Et cet écart est plus important pour le sauvignon que pour le cabernet-sauvignon. En revanche, la concentration en glutathion et en polyphénols est moindre. Dans tous les cas, les vins issus de grappes « réchauffées » se distinguent nettement lors des dégustations à l'aveugle : ils sont plus mûrs, plus « cuits ».
Reproduits sur du cabernet-sauvignon en Australie et sur du sauvignon blanc en Allemagne, ces essais donnent des résultats identiques. « On retrouve ces déviations dans les vins, souligne la chercheuse Laurence Geny-Denis (Inra-ISVV). Leur couleur est plus tuilée. Et les arômes de fruits sont plus mûrs, plus cuits. » L'excès de chaleur semble entraîner des pertes en anthocyanes et une moindre polymérisation des tanins dans les rouges.
L'étude n'étant pas achevée, les chercheurs se gardent bien d'émettre des conclusions définitives sur les effets du changement climatique sur la vigne.
La zéolite pour éliminer les phytos
Alors que les exigences des acheteurs quant aux résidus de phytos dans les vins vont crescendo, le besoin d'éliminer ces contaminants se fait pressant. Mais les solutions manquent. Le charbon actif est certes efficace, mais il est interdit. Un remède oenologique pourrait être la zéolite, à en croire Arnaud Massot, le responsable scientifique d'Amarante Process. Utilisé pour la purification de l'air et de l'eau, ce cristal d'aluminosilicate réalise un tamisage moléculaire grâce à sa structure en feuillets et en pores. Arnaud Massot a contaminé trois vins avec une vingtaine de pesticides, puis les a traités à la zéolite. Il a éliminé 88 % des substances ajoutées dans ces vins mais s'est heurté à des difficultés avec le diméthomorphe dont le taux d'élimination n'a pas dépassé 40 %.
Sur le plan analytique, les vins traités ne se distinguent pas des témoins. Les qualités gustatives du blanc sec et du liquoreux étudiés n'ont pas été altérées par la zéolite. Hélas, cela n'a pas été le cas pour le rouge. En laboratoire, le coût estimé est de 1,5 centimes par litre, précise Arnaud Massot. Actuellement, le chercheur bordelais travaille à l'amélioration du traitement en cherchant la meilleure combinaison entre la dose de zéolite et le temps de traitement.