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VIGNE - POUR APPROFONDIR

Virus du pinot gris Attention, il est partout !

CHRISTELLE STEF - La vigne - n°295 - mars 2017 - page 38

Ce parasite émergent inquiète les Italiens car il semble se disséminer très rapidement. En France, des analyses effectuées par l'IFV en 2016 montrent qu'il est présent dans toutes les régions.
 © IFV

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Le virus du pinot gris est soupçonné d'être responsable d'une maladie qui se caractérise par des marbrures chlorotiques, des déformations de feuilles, le raccourcissement des entre-noeuds, le rabougrissement des ceps, une baisse des rendements. © IFV

Le virus du pinot gris est soupçonné d'être responsable d'une maladie qui se caractérise par des marbrures chlorotiques, des déformations de feuilles, le raccourcissement des entre-noeuds, le rabougrissement des ceps, une baisse des rendements. © IFV

Colomerus vitis  Cet acarien responsable de l'érinose est un vecteur du virus. © INRA

Colomerus vitis Cet acarien responsable de l'érinose est un vecteur du virus. © INRA

Le virus du pinot gris est un trichovirus. Il se présente sous la forme d'un filament souple long de quelques centaines de nanomètres. © G.P MARTELLI

Le virus du pinot gris est un trichovirus. Il se présente sous la forme d'un filament souple long de quelques centaines de nanomètres. © G.P MARTELLI

Compagnon blanc (ci-dessus) et chénopode blanc. Les Italiens ont montré que ces deux plantes peuvent héberger le virus. Quel est leur impact sur sa propagation au sein des vignobles ? Les chercheurs l'ignorent. © G. MÉNANTEAU/BIOSPHOTO

Compagnon blanc (ci-dessus) et chénopode blanc. Les Italiens ont montré que ces deux plantes peuvent héberger le virus. Quel est leur impact sur sa propagation au sein des vignobles ? Les chercheurs l'ignorent. © G. MÉNANTEAU/BIOSPHOTO

 © FLPA/M. WEBB/BIOSPHOTO

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Qu'est-ce que le virus du pinot gris ?

Le virus du pinot gris ou Grapevine Pinot Gris virus (GPGV) est un nouveau virus observé sur la vigne, appartenant au genre Trichovirus. Il se présente sous la forme d'un filament souple long de quelques centaines de nanomètres pour un diamètre d'une dizaine de nanomètres. C'est un brin d'ARN protégé par une coque protéique. Il est inféodé au phloème, c'est-à-dire au tissu qui conduit la sève élaborée.

Pourquoi l'appelle-t-on ainsi ?

Parce qu'il a d'abord été identifié sur des pinots gris italiens présentant des déformations foliaires et des marbrures. Ce cépage s'avère très sensible à ce parasite. Mais il est loin d'être le seul : le virus du pinot gris infecte d'autres cépages.

Quand a-t-il été découvert ?

En 2012, dans le Trentin, en Italie. Puis dans d'autres pays : en 2013 en Corée, en 2014 en Slovénie, en Slovaquie et en France. Cette année-là, « il a été trouvé sur du merlot et du cabernet franc dans le Bordelais », précise Monique Beuve, virologue à l'Inra de Colmar. En 2015, il est décrit en Chine, en Turquie, en Uruguay et aux États-Unis. En 2016, il est retrouvé dans bon nombre de pays européens et au Canada. Il semble donc se propager rapidement. « Les données de séquençage du génome du GPGV montrent qu'il existe peu de diversité génétique. C'est exceptionnel pour un virus de la vigne. Cela va dans le sens d'une dissémination récente », indique Monique Beuve.

De quoi le soupçonne-t-on ?

D'être responsable de la maladie du pinot gris. Elle se manifeste par des marbrures chlorotiques, des déformations des feuilles, le raccourcissement des entre-noeuds et le rabougrissement des ceps. Ces symptômes peuvent être confondus avec ceux du court-noué, de l'acariose ou de l'eutypiose. Dans certains cas, leur gravité est telle qu'ils provoquent une baisse des rendements et une altération de la qualité des baies.

« Toutefois, le lien entre le virus et les symptômes observés au vignoble n'est pas clair », indique Monique Beuve. En effet, quantité de pieds sont infectés par le virus sans qu'ils en soient affectés. Des tests effectués dans le Nord de l'Italie montrent ainsi que 70 % des pieds sont des porteurs sains. Comment l'expliquer ? Les chercheurs avancent plusieurs hypothèses : « Il pourrait exister des souches plus agressives que d'autres ou alors une certaine concentration du virus dans la plante serait nécessaire pour qu'elle exprime des symptômes. Enfin, le climat, le sol, le stress hydrique ou nutritionnel favoriseraient l'expression de la maladie. Une hypothèse n'exclut pas les autres. Peut-être même faut-il que toutes ces conditions soient réunies pour que les plants infectés soient malades », explique Anne-Sophie Spilmont, de l'IFV.

Les souches atteintes meurent-elles ?

Les chercheurs n'ont aucune certitude. « Les Italiens ne signalent pas de mortalité des souches mais, dans les régions concernées, notamment en Vénétie, les vignerons arrachent les souches faibles pour les remplacer », indique Anne-Sophie Spilmont.

Quand faut-il observer les symptômes ?

Au printemps : les symptômes sont visibles en mai-juin. La plupart du temps, le développement de la végétation est ensuite normal. « L'expression des symptômes est assez fugace », explique Anne-Sophie Spilmont.

Existe-t-il un test de laboratoire ?

Oui, il existe un test PCR qui s'effectue sur les feuilles. Il peut être réalisé à différentes périodes de l'année mais l'idéal est de prélever les échantillons au printemps, lors de l'apparition des symptômes. Son prix est de 22 € (tarif dégressif selon le nombre d'échantillons).

Certains cépages sont-ils plus sensibles ?

Oui. Tous les pinots (noir, blanc ou gris) le sont, ainsi que le chardonnay et le gewurztraminer. Le glera, le cépage utilisé en Italie pour élaborer le prosecco, l'est également. « Toutefois, cette liste n'est pas exhaustive », souligne Anne-Sophie Spilmont.

Comment se transmet-il ?

Principalement par le matériel végétal. Et aussi par Colomerus vitis, l'agent de l'érinose. Les Italiens ont montré que cet acarien peut transmettre le virus. « Mais l'efficacité de cette vection est plutôt moyenne. Vu la vitesse de propagation du virus, il n'est sans doute pas le seul vecteur », suppose Anne-Sophie Spilmont.

Les Italiens ont également prouvé que le GPGV est présent dans des plantes herbacées, notamment le compagnon blanc et le chénopode blanc. Ces plantes servent de réservoir au virus. Quel est leur impact sur sa propagation au sein des vignobles ? Les chercheurs l'ignorent.

Est-il présent dans tous les vignobles français ?

Oui. Pour évaluer sa dispersion dans le vignoble français, l'IFV a prélevé en 2016 des échantillons dans différentes régions, sur différents cépages, dans des vignes jeunes (moins de 5 ans) et d'autres plus âgées (plus de 10 ans), sur environ 200 parcelles. Les résultats ? L'IFV a détecté le virus dans 72 % des échantillons. « Il a l'air d'être présent partout en France. Mais nous n'avons pas de données concernant la présence de la maladie car les symptômes sont difficiles à caractériser. C'est un sujet sur lequel nous allons travailler », explique Anne-Sophie Spilmont.

Faut-il s'en inquiéter ?

Il est trop tôt pour le dire. « Plus de 60 virus ont été identifiés sur la vigne mais les plus inquiétants restent le court-noué et l'enroulement. D'autres ne posent pas de soucis. C'est le cas du GRSPaV (Rupestris stem pitting). Il est présent dans presque 100 % des pieds de vigne mais il n'est pas connu pour provoquer des symptômes. À ce jour, nous ne savons pas dans quelle catégorie nous allons classer le GPGV », indique Anne-Sophie Splimont. Mais ce virus se dissémine rapidement. « En Italie, les chercheurs ont fait des tests génétiques sur des plants de vigne en collection prélevés en 2002, puis conservés au froid. Ils ont fait les mêmes tests sur des prélèvements de 2014 effectués sur les mêmes plants. À chaque fois, ils ont analysés 34 échantillons. Parmi ceux de 2002, aucun n'était positif. En revanche, 27 échantillons de 2014 étaient porteurs du virus », rapporte Monique Beuve.

Comment lutter contre le virus ?

Il faudrait d'abord agir à la source en plantant du matériel végétal sain. Ceci suppose la mise en oeuvre d'une sélection sanitaire du matériel végétal, comme pour le court-noué et l'enroulement. Toutefois, le GPGV n'est pas un virus à détection obligatoire. Celle-ci n'est pas exigée pour la certification des plants. « Nous avons informé la DGAL et FAM de la situation. Mais, pour rendre obligatoire le dépistage de ce virus, il faut une décision européenne », précise Anne-Sophie Spilmont.

De son côté, l'IFV a mis en place un programme de recherche avec plusieurs partenaires (Inra, interprofessions...). « Différents axes d'étude vont être initiés dès cette année. On peut citer des prospections complémentaires pour approfondir les connaissances sur la présence du virus et de la maladie en France, la caractérisation plus fine des symptômes, l'évaluation des conséquences agronomiques au vignoble et le test de moyens d'intervention pour favoriser le développement des souches et augmenter la vigueur comme indiqué par les Italiens (engrais, SDN...) », détaille Anne-Sophie Spilmont.

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