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VIN

Filtration La pompe compte aussi

MARION BAZIREAU - La vigne - n°295 - mars 2017 - page 50

À l'occasion du 16e Forum oenologique de Davayé, les experts ont distillé de précieux conseils aux viticulteurs pour bien choisir leur pompe et leur média filtrant lorsqu'ils préparent les vins à la mise en bouteilles.
ANTOINE LARDY, oenologue chez Zaegel Œnologie, aide les vignerons à vérifier que leur pompe sera capable d'assurer un bon débit de filtration. © C. FAIMALI/GFA

ANTOINE LARDY, oenologue chez Zaegel Œnologie, aide les vignerons à vérifier que leur pompe sera capable d'assurer un bon débit de filtration. © C. FAIMALI/GFA

La filtration ne se résume pas au choix du filtre. « Il faut l'envisager comme un système complet comprenant le vin, la cuve de départ, la pompe, la tuyauterie, le filtre et la cuve de réception », a insisté Antoine Lardy, gérant de Zaegel OEnologie, à Morey-Saint-Denis, lors du 16e Forum oenologique de Davayé (Saône-et-Loire), le 7 février dernier.

Selon l'oenologue, il n'y a qu'en adoptant un raisonnement « global » que le vigneron peut clarifier et stabiliser son vin tout en maintenant ses qualités organoleptiques. Pour capter l'attention des vignerons présents dans l'assemblée, Antoine Lardy a pris l'exemple d'une situation rencontrée chez l'un de ses clients.

Une cave bourguignonne a vinifié cinq cuvées distinctes de pinot noir, quatre de 50 hl et une de 100 hl. Elle les a toutes élevées en fûts pendant 14 mois. Les vins ont été soutirés dans des cuves puis collés en novembre. La levée de colle a eu lieu trois semaines plus tard. « Nous sommes début décembre, le vigneron embouteille dans un mois. Il dispose d'un filtre lenticulaire pouvant accueillir trois modules de 12 pouces à baïonnette et d'une pompe à queue-de-cochon à débit variable de 3 à 45 hl/h. »

Tolérant un léger dépôt dans ses bouteilles, le vigneron se fixe un niveau maximum de turbidité de 7 NTU. Une cuvée est déjà dans les clous, à 6 NTU. « Mais mieux vaut réaliser un essai au laboratoire pour évaluer l'impact organoleptique d'une filtration », explique l'oenologue. Après l'essai, ce vin se révélera plus précis. Il sera donc filtré.

Les autres cuves ont des turbidités comprises entre 16 et 30 NTU. Lors des analyses, le vigneron découvre que le vin le plus trouble est également contaminé par des Brettanomyces, à hauteur de 1 369 cellules/ml. Cette cuve doit être filtrée sur membrane. Pour les autres, une filtration clarifiante sur module lenticulaire ou sur plaque suffira.

Reste à définir le seuil de filtration. Pour cela, le vigneron envoie ses vins au laboratoire, qui réalise différents tests de filtration pour évaluer les chutes de turbidité de toutes les cuvées et le Vmax de celle qui doit passer sur cartouche. « Pour que le vin ne colmate pas, il faut que le Vmax soit supérieur à 3 500 », explique Antoine Lardy.

Décision est prise de filtrer les quatre cuvées non contaminées sur des modules lenticulaires Fibrafix (de Filtrox) AF23, au seuil de rétention nominal de 6 µm. Les essais montrent que des modules moins perméables (AF33, AF43, AF73...) n'abaissent pas davantage la turbidité des vins. En revanche, ils pourraient les assécher. Quant au vin contaminé par les Brettanomyces, il passera successivement sur une plaque AF15FG au seuil de rétention de 15 µm, pour retenir les colloïdes les plus colmatants, sur un module AF103 à 0,6 µm, puis sur une membrane de 1 µm.

Reste la mise en oeuvre : au total, 250 hl de vin doivent passer dans le filtre lenticulaire. Celui-ci peut recevoir trois modules, chacun pouvant traiter 50 hl. Il faudra donc prévoir cinq modules pour réaliser la filtration. D'après leur fabricant, chaque module supporte un débit maximal de 7 hl/h. « Au-delà, on risquerait de filtrer plus serré. La pression pourrait augmenter et générer des relargages (à partir de 1,5 bar) ou colmater le filtre prématurément », prévient Antoine Lardy. Le vigneron pourra donc filtrer 21 hl/h. Comme la mise en route de la filtration demande au moins une heure pour une cuve de 50 hl, l'opération devra être faite en deux jours.

Le vigneron doit encore vérifier que sa pompe convient à l'opération, en prenant en compte le diamètre de ses tuyaux. « Le vin ne peut pas être transféré à plus de 3 m/s. Avec des tuyaux de 30 mm de diamètre, il obtiendra le débitrecherché de 21 hl/h tout en restant bien en dessous de cette vitesse. Mais, avec ces tuyaux, la distance entre la cuve de départ et la pompe ne pourra pas dépasser 30 mètres en raison de la capacité d'aspiration de la pompe. Cette distance pourra en revanche passer à 100 mètres avec des tuyaux de 40 mm de diamètre. Des abaques existent pour s'épargner tous ces calculs », rappelle Antoine Lardy.

Il doit enfin relever les pressions maximales que la pompe devra vaincre. Il faut compter 1,5 bar par étage de filtration, 0,001 bar par mètre de tuyau au refoulement et 0,1 bar par mètre de hauteur de la cuve de destination. « Dans notre cas, nous avons deux étages de filtration pour la cuve contaminée, soit 3 bars ; 30 m de tuyau au refoulement, soit 0,03 bar, 3,5 m de hauteur de cuve, soit 0,35 bar. La pompe doit donc supporter une pression de 3,4 bars », détaille l'oenologue. C'est le cas de celle du viticulteur. Toutes ces précautions prises, il n'avait plus qu'à filtrer en toute sérénité.

À chaque micro-organisme son seuil de rétention

L'objectif d'une filtration dépend aussi de la nature des vins. « Si le vin contient des sucres résiduels, il faut éliminer Saccharomyces cerevisiæ avec un seuil absolu compris entre 0,65 µm et 1 µm, explique l'oenologue Antoine Lardy. On affine le seuil suivant leur niveau de population. Les fournisseurs de filtres donnent cette information. »

Les Brettanomyces sont elles aussi retenues à 1 µm. En présence d'acide malique, c'est Œnoccocus oeni qu'il faut éliminer, avec des seuils de 0,45 à 0,65 µm. « Les membranes retiennent très bien les levures et les bactéries mais elles demandent des vins parfaitement clarifiés, et un contrôle préalable des IC ou des Vmax », prévient Antoine Lardy.

Grands Chais de France : aux petits soins

« À Petersbach (Bas-Rhin), les cavistes des Grands Chais de France manipulent 5 000 hl par jour », expose René Gugenberger, oenologue du site, intervenu en fin de matinée. Les vins sont d'abord collés. Cette opération augmente le rendement de filtration des rouges de 30 %. Les vins à plus de 200 NTU et ceux traités à la bentonite ou à la PVPP sont centrifugés. Les autres sont directement soumis à une microfiltration tangentielle. Les concentrats (1 % du volume filtré) sont réincorporés à la cuvée initiale. Les vins sont embouteillés moins d'une semaine plus tard, après vérification de leurs teneurs en SO2 et une dernière filtration stérile. « Ici, chacun de nos 90 modules de dix pouces peut traiter 2,4 hl par heure, soit 2 000 hl par jour et par ligne de filtration. » À la sortie du filtre, les cavistes injectent un mélange de CO2 et d'azote dans le vin. « Nous ramenons les teneurs en oxygène en dessous de 1 ppm et nous pouvons injecter jusqu'à 1,3 g/l de CO2 ou d'azote. Le système d'injection est très facile à utiliser comme à nettoyer. »

La cave prend soin de ses vins. Les canalisations fixes ont peu de raccords. Le rayon des coudes fait au minimum cinq fois le diamètre des tuyaux pour faciliter l'écoulement du vin et limiter les pertes de charges et les turbulences. Toutes les conduites sont inertées à l'azote avant les transferts. « Nous en injectons aussi pendant, à l'aide d'un diffuseur en Inox ou en céramique. Nous comptons 20 ml d'azote par minute pour 100 hl/h. Nous protégeons également la cuve de destination avec de la carboglace. » En fin de transfert, les cavistes effectuent des pousses à l'obus. Ils travaillent aussi avec les capteurs Smart Glass d'Inozy. Ceux-ci arrêtent les pompes quand ils détectent de l'eau ou de l'air en fin de transfert. Les conduites sont finalement nettoyées à la vapeur.

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