Arrêt progressif du désherbage chimique, intérêt croissant pour le travail du sol, conversion à la viticulture biologique. Avec ces nouvelles pratiques, les viticulteurs passent plus de temps sur leur tracteur. Ce qui n'est pas sans conséquence sur leur consommation de carburant. Rien que pour l'entretien des sols, il faut compter 10 l de carburant par hectare et par an pour un désherbage chimique en plein contre 90 l/ha pour un désherbage mécanique intégral.
« Aujourd'hui, les viticulteurs s'inquiètent de leur consommation de carburant car ils travaillent davantage le sol. Quant aux bios, ils s'interrogent sur la logique de leur production. Certes, ils n'utilisent pas de pesticide, mais ils br plus de carburant que leurs collègues en conventionnel, souligne Nicolas Constant, conseiller viticole chez SudVinBio. Paradoxalement, ils émettent donc plus de gaz à effet de serre. »
Pourtant, en adoptant quelques gestes simples, il est possible de réduire sa facture. « En dehors du choix de l'outil accroché au tracteur, il y a trois leviers majeurs pour agir sur la dépense de carburant : le réglage du régime moteur lors du travail dans les rangs, les manoeuvres dans les vignes et la vitesse lors du transport sur la route », explique Christophe Auvergne, conseiller en agroéquipement à la chambre d'agriculture de l'Hérault.
Et lorsqu'il parle de consommation, le conseiller distingue deux facteurs : la consommation horaire, qui dépend de la charge et du régime du moteur, et la consommation à l'hectare. « Pour le travail du sol avec des interceps, par exemple, si on accélère de 5 à 8 km/h, la consommation horaire évolue peu. En revanche, la consommation par hectare va baisser considérablement puisque l'on travaille beaucoup plus vite », explique Christophe Auvergne.
Un régime moteur plus lent
Dans le cadre des formations à l'éco-conduite qu'il propose aux viticulteurs de l'Hérault, Christophe Auvergne revient sur les bases du pilotage. « Auparavant, avec les vieux tracteurs, on tournait à 2 200 tr/min pour atteindre une puissance convenable pour un travail du sol. Maintenant, 1 300 ou 1 500 tr/min suffisent pour le passage de lames interceps. »
Olivier Azan, viticulteur bio dans l'Hérault, a, en partie, résolu le problème : « Je viens d'acheter un tracteur Kubota de 80 ch, moins puissant que mes autres tracteurs interlignes. Je l'utilise pour le travail du sol qui demande peu de puissance et j'économise au moins 1 l/ha à chaque passage. »
Lorsqu'on travaille avec un outil entraîné par la prise de force, la puissance demandée est plus élevée. Mais, là encore, les tracteurs actuels permettent de faire des économies. La plupart d'entre eux disposent d'un mode Éco avec lequel on travaille à bas régime. Ainsi, pour faire tourner la prise de force à 540 tr/min, un moteur standard doit tourner à 2 100 tr/min, alors que 1 700 tr/min suffisent en mode Éco. C'est ainsi qu'il est possible d'économiser jusqu'à 30 % de carburant.
Mais ce mode économique présente des inconvénients. Comme le moteur fonctionne à bas régime, le tracteur peine à avancer en conditions difficiles. « J'utilise toujours le mode économique, sauf quand je passe le rotavator. Car alors, le régime moteur est trop bas pour délivrer assez de puissance », remarque Olivier Azan.
Des manoeuvres rapides et faciles
Outre le régime de travail, la dextérité du conducteur et la structure du vignoble conditionnent aussi la consommation de carburant. Lorsqu'on perd du temps à manoeuvrer en bout de rang, la consommation à l'hectare augmente inévitablement. Et pour des tournières étroites, plutôt que de s'acharner à prendre les rangs les uns après les autres, « il faut tourner tous les deux ou trois rangs », souligne Christophe Auvergne. Dans certains secteurs, le conseiller n'hésite pas à proposer aux viticulteurs d'arracher quelques ceps en bout de rang pour élargir les tournières. « Dans les parcelles très longues, comme on en rencontre parfois dans le Sud, le gain de carburant compense largement les faibles pertes de rendement engendrées par ces arrachages. »
Dernier point relevé par le conseiller viticole : le transport sur route. « En général, les viticulteurs ont tendance à rouler à fond surtout en période de vendanges, quand il faut rentrer le jus rapidement. Mais pour quelques minutes de gagnées, les pertes en carburant sont énormes », affirme Christophe Auvergne. L'expert conseille donc de ne pas dépasser 1 800 tr/min. En maintenant ce régime, il est possible d'économiser jusqu'à 30 % de carburant par rapport à ceux qui dépassent 2 000 tr/min.
Dernière solution pour ceux qui souhaitent ne plus avoir à surveiller le régime moteur durant les travaux de la vigne : acheter un tracteur avec une transmission à variation continue. Une telle machine trouvera d'elle-même le meilleur régime. « En une journée de vendange avec la machine à vendanger tractée Grégoire G2.220, je consomme seulement 50 l de gasoil avec mon Fendt Vario, alors qu'il m'en fallait le double avec mon ancien tracteur Same Frutteto », s'enthousiasme Dorian Oliviero, viticulteur à Carcès, dans le Var. Des économies de carburant qui ne suffiront pas à justifier le prix à payer pour cette Rolls des tracteurs.
La consommation des outils de travail du sol bientôt connue
Pour caractériser la consommation en carburant de tous les outils de travail du sol, l'IFV de Gaillac, la chambre d'agriculture de l'Hérault et SudVinBio travaillent de concert depuis 2016. « Notre objectif est de conseiller les vignerons dans le choix des outils et leurs réglages afin de réduire leur consommation de carburant », explique Nicolas Constant, conseiller viticole chez SudVinBio.
Pour cela, SudVinBio a équipé deux domaines viticoles de débitmètres munis de GPS. Lorsque les viticulteurs se rendent sur les parcelles tests, les données de consommation en gasoil sont automatiquement envoyées sur un ordinateur. « Nous avons choisi deux vignobles bio conduits différemment : le premier travaille à haut rendement et doit donc effectuer de nombreux passages pour détruire l'herbe. Le second tente de réduire au maximum le travail du sol. »
Par ailleurs, une enquête par Internet, menée dans la région, a permis de recueillir 330 témoignages de vignerons. « Nous effectuons aussi des relevés ponctuels dans des exploitations », ajoute Nicolas Constant. Les premiers résultats de cette enquête sont attendus prochainement.
Un tracteur interligne électrique en projet
Un projet de tracteur interligne 100 % électrique. C'est le projet des vignerons indépendants du Gard pour régler, une bonne fois pour toutes, le problème de la consommation de carburant. Financé par le conseil départemental du Gard, ce tracteur doit pouvoir réaliser tous les travaux avec tous les outils du commerce. Présenté sous forme de maquette au Sitévi 2015, ce tracteur fera bientôt son apparition dans les vignes gardoises. Avec l'aide des étudiants de l'École des mines d'Alès et de l'IUT de Nîmes, son élaboration avance à grand pas. Un prototype doit être présenté dès le début de l'été. Objectif final : trouver un industriel local pour prendre en charge la fabrication et la commercialisation de l'engin.