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VIN

Fruité des vins Arômes. Les esters survivent à la bouteille

M. BAZIREAU - La vigne - n°296 - avril 2017 - page 54

Les traités d'oenologie affirment que les esters s'hydrolysent après deux ou trois ans de vieillissement, entraînant une baisse des notes fruitées. Une étude de grande ampleur montre qu'il n'en est rien.
EN VIEILLISSANT, les notes fruitées perdurent mais sont masquées par le développement du bouquet. © P.  ROY

EN VIEILLISSANT, les notes fruitées perdurent mais sont masquées par le développement du bouquet. © P. ROY

Le vin contient plus d'une centaine d'esters volatils formés par la levure pendant la fermentation. Ils se divisent en trois familles : les esters éthyliques d'acides gras (EEAG), parmi lesquels l'hexanoate d'éthyle à l'odeur d'ananas ; les acétates d'alcools supérieurs (AAS), qui comptent par exemple l'acétate d'isoamyle à l'odeur de banane ; et les esters éthyliques d'acides branchés (EEAB), avec l'isobutyrate d'éthyle à l'odeur de fraise. Il est unanimement admis par les professionnels que ces esters s'hydrolysent rapidement pendant l'élevage, faisant baisser l'intensité fruitée des vins au bout de deux ou trois ans. Mais l'ISVV de Bordeaux vient de montrer qu'il n'en est rien.

Les chercheurs ont mesuré les concentrations en esters de 83 vins rouges âgés de 1 à 30 ans et 53 vins blancs secs de 1 à 9 ans. Leurs résultats sont étonnants.

Il apparaît d'abord que les teneurs en EEAG diminuent très légèrement après la fermentation et se stabilisent. Tout est une question d'équilibre. À la fin de la fermentation, les esters sont présents en excès par rapport à leurs acides ou alcools correspondants. De ce fait, ils sont hydrolysés. Après quelques mois, les choses ne bougent plus. Ainsi, les chercheurs ont mesuré des teneurs stables autour de 1 000 µg/l d'EEAG dans les vins rouges, quel que soit leur âge, et de 3 000 µg/l dans les vins blancs. Dans les vins rouges, seules les teneurs en décanoate d'éthyle et en dodécanoate d'éthyle baissent, mais leur contribution aromatique est très limitée.

Les teneurs en AAS des vins rouges sont, en moyenne, de 400 µg/l quel que soit l'âge du vin. En revanche, dans les vins blancs, elles diminuent de 4 000 à 0 µg/l en cinq ans, corroborant la baisse du caractère fruité pendant l'élevage et le vieillissement. La faute à l'acidité élevée des vins blancs, qui favorise les hydrolyses.

Le cas des esters éthyliques d'acides branchés, parmi les plus odorants, est le plus surprenant : leur concentration augmente avec le temps ! De 100 à environ 500 µg/l dans les vins rouges et de 50 à 300 µg/l pour les vins blancs. Présents en excès à la fin des fermentations, les acides branchés subissent une estérification chimique naturelle avec l'éthanol. Celle-ci dure sept à dix ans, puis les teneurs en EEAB se stabilisent.

Reste qu'à la dégustation, les vins vieux sont moins fruités que les vins jeunes. À la lumière de ses nouveaux travaux, l'ISVV suppose que les notes fruitées seraient simplement masquées par le développement du bouquet lors de l'élevage.

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