Contrairement au cuivre, les quantités de soufre utilisables par hectare et par an ne sont pas (encore) limitées. Malgré cela, les vignerons appliquent des doses inférieures à celles qui sont homologuées. Les raisons ? Le soufre est un produit irritant et il est néfaste pour les insectes auxiliaires. Moins on en applique, mieux ils se portent.
Les soufres mouillables les plus employés sont homologués à 12,5 kg/ha. « Les vignerons appliquent rarement cette proportion, indique Muriel Maes, chef de marché fongicides et biocontrôle chez Syngenta, qui commercialise le Thiovit Jet microbilles. Le poids moyen par passage est de 6,5 kg/ha, modulé à la hausse ou à la baisse selon la pression et le vignoble. »
Dans le Loir-et-Cher, « les vignerons bio appliquent 3 à 4 kg/ha de soufre mouillable en début de saison, et ensuite 6 kg/ha au maximum. Mais la pression de l'oïdium reste modérée dans notre vignoble », explique Romain Baillon, conseiller viticole à la chambre d'agriculture.
En Dordogne, on peut utiliser encore moins de soufre. « Il est possible de descendre à 2 kg/ha de soufre pur [2,5 kg/ha de produit commercial, NDLR] par traitement si la pression est faible à modérée, comme dans les conditions rencontrées ici dans le Sud-Ouest et avec nos cépages », relate Éric Maille, ingénieur viticulture à AgroBio Périgord.
En Côte-d'Or, en revanche, où la maladie se fait plus féroce depuis quelques années, « les mesures de soufre (produit commercial) appliquées en viticulture conventionnelle et en bio varient de 4 à 6 kg/ha en début de saison à 10 kg/ha en cas de forte pression et sur les parcelles les plus fragiles », signale Pierre Petitot, conseiller viticole à la chambre d'agriculture.
Dans le Languedoc, où l'oïdium est également très présent, les vignerons bio utilisent 3 à 5 kg/ha de soufre mouillable pour les premiers traitements avant de monter de 8 à 10 kg/ha. « Généralement, ils appliquent 60 % de la quantité homologuée », précise Nicolas Constant, ingénieur-conseil chez Sudvinbio. Mais il est possible d'en employer bien moins, y compris là où l'oïdium est virulent. C'est le cas dans la Côte-d'Or. « En 2010, nous avons réalisé un essai avec du soufre (Thiovit ou Microthiol, homologué à 12,5 kg/ha) à seulement 2 kg/ha pendant sept traitements. Nous l'avons appliqué face par face, avec un atomiseur à dos. Malgré une pression élevée, les vignes traitées ainsi ont plutôt bien résisté », se souvient Pierre Petitot.
Un mélange a donné des résultats encore plus intéressants. « Dans notre essai de 2010, le soufre à 2 kg/ha associé à 3 kg/ha d'Armicarb a montré des résultats très proches de la référence, à savoir le soufre à 12,5 kg/ha. En 2012, alors que la pression était aussi forte qu'en 2010, nous avons observé la même tendance », poursuit le conseiller viticole. Pour autant, ces dosages ne semblent pas être passés dans la pratique.
Dans les Pyrénées-Orientales, en 2016, le mélange d'Armicarb et de soufre à petite dose a également été concluant jusqu'au début juillet. Dans une parcelle où la maladie était très présente, l'Armicarb a été appliqué à 3 kg/ha avec du soufre à 2 kg/ha lors des trois premiers traitements. Les quatre passages suivants ont été réalisés avec du soufre à 6 kg/ha. Mais, la chambre d'agriculture a obtenu des résultats encore meilleurs dans un programme identique, à ceci près qu'elle a remplacé l'Armicarb par du Limocide (huile essentielle d'orange douce). C'est avec ce dernier produit, associé au soufre à dose réduite en début de campagne, qu'elle a obtenu les résultats les plus proches du soufre à pleine mesure.
À Sudvinbio, Nicolas Constant a aussi constaté l'intérêt du Limocide. « Appliqué avec du soufre à demi-dose d'homologation, il a montré une efficacité assez proche de celle du soufre à 12,5 kg/ha, alors que le soufre seul à demi-dose a décroché. »
Dans le Périgord, Agrobio a exploré une autre piste, un engrais foliaire présenté comme un biostimulant, appliqué avec du soufre à petite dose (entre 2 et 2,8 kg/ha). « L'oïdium a été très bien maîtrisé dans nos conditions d'essai, mais il est peu problématique dans nos vignobles bio », relate Éric Maille.
Il ne faut pas pousser trop loin les réductions de produit. Pour Laurent Oudin, le responsable du marché vigne chez UPL, « l'effet dose est important avec le soufre. À 7 kg/ha, son efficacité en solo est dégradée. Nous préconisons d'appliquer au moins 8 kg/ha. »
Pour autant, la firme n'exclut pas de lancer à l'avenir des soufres mouillables liquides à moins de 12,5 kg/ha. « Il existe une tendance dans ce sens sur le marché. » D'ailleurs, certains de ses concurrents l'ont précédé. Afepasa propose depuis quelques années des soufres homologués à 4 l/ha ou 4 kg/ha. Et Vivagro vient de lancer son Flosul, lui aussi à 4 l/ha, soit 3,2 kg/ha de matière active.
Deux produits pour en mettre encore moins
Vivagro lance Flosul, un soufre liquide homologué à 4 l/ha en vigne contre l'oïdium, soit 3,2 kg/ha de soufre. « Il s'agit d'un soufre de grande qualité dont les particules fines assurent une meilleure homogénéité de l'application que les formes classiques. Il offre aussi une bonne résistance au lessivage », explique Maxime Le Moing, référent technique national chez Vivagro. Il préconise d'appliquer Flosul à une dose encore plus faible que 4 l/ha lors du premier traitement : « À 3 l/ha, ou à 2 l/ha avec du Limocide à 0,6 %. Nos essais montrent que le Flosul seul a une bonne efficacité, le Limocide apportant un plus grâce à un effet choc. »
Bien plus ancien, l'Héliosoufre est homologué à 7,5 l/ha, soit, 5,2 kg/ha de soufre pur. Ce produit contient des terpènes qui améliorent l'efficacité des applications. Ingénieur à Sudvinbio, Nicolas Constant souligne cependant qu'en cas d'oïdium et de forte pression de black-rot, « il faut maintenir la dose de soufre pur à plus de 6 kg/ha, soit 8,6 kg/ha d'Héliosoufre ».
Le Point de vue de
DIDIER BOISSEAUX, VIGNERON À SAINT-CAPRAISE-D'EYMET (DORDOGNE)
« Pas plus de 8 kg/ha de soufre par passage »
« Sur mes 12 hectares de vignes, j'applique à peine 4 kg/ha de soufre mouillable en début de saison. Puis, au fil des mois, j'augmente la dose à 8 kg au maximum. J'utilise du Kumulus ou du Thiovit. J'obtiens de bons résultats. En 2016, je n'ai pas eu de symptômes d'oïdium dans mes parcelles, alors que la pression était élevée. Mais elles ont peut-être bénéficié de l'effet du Limocide que j'avais appliqué contre le mildiou. Le bon positionnement des traitements joue fortement sur leur efficacité. Je possède beaucoup de vignes en merlot, cépage peu sensible à l'oïdium. Je suis membre du réseau Dephy d'Agrobio Périgord. J'ai réduit mes doses de soufre de 50 % environ par souci d'économie. Et cela a dû être bénéfique pour la faune auxiliaire car je n'ai pas de problèmes de tordeuses. »