Pour la 4e édition du colloque Wine Active Compounds, deux cents chercheurs se sont réunis à Beaune, du 29 au 31 mars, abordant des thèmes en accord avec les préoccupations actuelles de la filière.
Oxydation
Les vins bio moins sensibles ?
Quel est l'impact du mode de protection phytosanitaire sur le goût du vin ? À l'Université de Bourgogne, Cédric Grangeteau s'est penché sur la question en récoltant du chardonnay sur une parcelle divisée en trois blocs de huit rangs : le premier traité en conventionnel, le second en bio et le dernier selon la modalité Écophyto (30 % d'intrants de moins qu'en conventionnel). Il a réparti les moûts clarifiés de chaque lot dans quatre cuves, ne sulfitant à chaque fois que deux d'entre elles et ce à 30 mg/l. Tous les moûts ont fermenté spontanément. À la fin des fermentations, les vins ont été jugés par douze dégustateurs.
« Dans les vins non sulfités, nous avons mis en évidence d'importantes différences d'oxydation, explique Cédric Grangeteau. Parmi eux, les conventionnels étaient les plus oxydés, avec des notes de pomme et de curry très marquées. La dégustation a également révélé plus d'arômes de fruits blancs et exotiques dans les vins bio et, surtout, dans ceux de la modalité écophyto. Ces derniers renfermaient aussi plus de notes florales. » Dans les vins sulfités, ces différences étaient moins marquées.
D'après le chercheur, en bio et surtout en mode Écophyto, la vigne produit davantage de polyphénols pour se défendre contre les pathogènes. « Cela doit expliquer en partie pourquoi ces vins résistent mieux à l'oxydation. » Par ailleurs, les moûts ne renfermaient pas les mêmes genres levuriens. « Les fermentations n'ont pas eu la même dynamique. Elles ont duré 17 jours pour la modalité Écophyto, contre 42 en bio et en conventionnel. »
Calendrier biodynamique
À la dégustation, c'est égal
Nombre de facteurs influencent la dégustation. « Le vin que l'on boit en vacances a souvent meilleur goût que le même vin dégusté une fois rentré à la maison », constate Dominique Valentin, du Centre des sciences du goût et de l'alimentation, à Dijon. En revanche, le calendrier biodynamique de Maria Thun n'y change rien : un vin dégusté en jour « fruit » - quand la lune est en Sagittaire, en Bélier ou en Taureau - ne sera pas meilleur qu'en jour « racine ». Pour en arriver à cette conclusion, la chercheuse s'est associée à Wendy Parr, de l'Université de Lincoln, et a fait déguster à l'aveugle douze pinots noirs de différents domaines à dix-neuf professionnels du vin néo-zélandais. Ces jurés ont dégusté chaque vin quatre fois : deux fois en jour « fruit » et deux fois en jour « racine », sans qu'ils ne connaissent le sujet de l'étude. « En jour "fruit", les vins auraient dû obtenir des meilleures notes pour l'intensité aromatique, la longueur en bouche, la qualité globale... À l'inverse, en jour "racine", ils auraient dû être perçus plus verts, astringents et amers. » Or, le jury a noté les vins de façon quasi similaire lors de chaque dégustation.
Avec ou sans SO2
Idem en bouche
L'ESA d'Angers a testé l'influence des mentions « sans sulfites » et « contient des sulfites » sur la perception des vins. Il a d'abord été demandé à 144 consommateurs de goûter deux paires de gamay effervescents, l'un sulfité et l'autre pas. Une des étiquettes de la paire sulfitée a été modifiée en « sans sulfites ». Et l'inverse pour la paire sans sulfites. Les consommateurs ont mieux noté les vins étiquetés sans sulfites. Dans un deuxième essai, 305 personnes ont été séparées en trois groupes. Chaque groupe a dégusté six muscadets identiques, mais avec des informations différentes : « contient des sulfites », « ne contient pas de sulfites » ou sans information. Sans élément de comparaison, les trois groupes ont donné des notes similaires.
Ronan Symoneaux, l'instigateur de l'étude, estime que pour avoir un impact, la mention « sans sulfites » doit être bien mise en valeur sur l'étiquette. Selon lui, elle induit plus de plaisir que le goût du vin lui-même.
Persistance aromatique
Un impact variable de l'alcool
Lors d'une dégustation, la muqueuse du pharynx capte et véhicule les molécules aromatiques jusqu'aux récepteurs olfactifs. À l'Institut des Sciences alimentaires de Madrid, Miriam Del Pozo a voulu savoir si la réduction des teneurs en alcool des vins modifiait ce mécanisme. Pour cela, elle a demandé à dix volontaires de déguster des solutions modèles comportant 0, 5 ou 10 % d'éthanol. Puis elle a analysé la durée de libération des esters fruités par la muqueuse des participants, une manière d'évaluer la persistance aromatique. Elle n'a pu en tirer aucune conclusion. Chez certains, l'augmentation de la teneur en alcool est allée de pair avec une augmentation de la persistance aromatique. Chez d'autres, elle a observé l'effet inverse. Elle impute ces résultats à la grande diversité dans l'activité salivaire des participants.
Les esters les plus hydrophobes - l'octanoate d'éthyle (notes florales) et le décanoate d'éthyle (pomme/fraise) - se sont révélés les plus persistants quelle que soit la teneur en alcool, en étant présents dans la bouche pendant 4 minutes.
Une carapace contre les tannins
Des études génétiques ont montré que les souches d'nococcus oeni s'adaptent aux vins qu'elles doivent fermenter. Ainsi, en Bourgogne, deux groupes de souches très proches génétiquement ont été isolés. L'un spécifique au vin blanc, l'autre au rouge. À l'ISVV, Marion Breniaux a cherché à savoir pourquoi. Elle a implanté quatre souches isolées de vins blancs et quatre de rouges de Bourgogne dans des moûts à 6 % d'alcool, dans lesquels elle a fait varier le pH et la teneur en tannins. Elle a d'abord observé que les souches des blancs ont une meilleure résistance au pH bas. À l'inverse, les souches des rouges résistent mieux à l'ajout de tannins lorsqu'elles fermentent un vin rouge de Bourgogne. Au microscope électronique, leur paroi est entourée d'exopolysaccharides. Ce sont eux qui leur permettraient de résister aux polyphénols.
Et aussi...
- En Italie, l'Université de Foggia cherche de nouveaux moyens de lutte contre les Bretts. Le biocontrôle semble prometteur. Certaines levures Saccharomyces et non-Saccharomyces sont capables de produire des toxines « tueuses ». Les chercheurs ont aussi sélectionné une Lactobacillus plantarum qui inhibe l'activité des Bretts.
- À l'ISVV, Blandine Cretin explique que la hausse de la sensation de sucrosité du merlot et du cabernet-sauvignon après la macération post-fermentaire n'est pas seulement due aux lies. « Nous avons identifié de nouveaux marqueurs de sucrosité "sans sucre" dans les pépins. »
- L'Université de Florence a identifié une levure qui produit beaucoup de polysaccharides, augmente le volume en bouche et baisse les teneurs finales des vins en acide acétique. C'est la Schizosaccharomyces japonicus inoculable avec une Cerevisiae classique.