Incapable de produire du glutathion, la bactérie lactique nococcus oeni a, en revanche, la faculté d'utiliser celui qu'elle trouve dans le vin. C'est la récente découverte des chercheurs de l'université de Tarragone, en Espagne, qui l'ont vérifié sur 30 souches, dont neuf commerciales (Lallemand, Agrovin, CHR Hansen, Laffort et Martin Vialatte).
Les chercheurs ont placé les souches dans un milieu synthétique à pH 5 contenant du fructose et de l'acide malique. Ils ont fait l'expérience trois fois, en ajoutant une quantité croissante de glutathion. Puis, ils ont séché les bactéries et les ont analysées. À chaque fois que le milieu contenait du glutathion, les chercheurs en ont retrouvé dans le cytoplasme des bactéries, principalement sous forme réduite (GSH).
« Nous avons constaté une grande variété de comportements, la teneur en GSH dans les bactéries variant de 1 à 5. Six des neuf souches commerciales en ont absorbé plus que la moyenne », explique Mar Margalef-Català, de l'université de Tarragone.
Déjà, en 2010, à l'ISVV, Gilles de Revel et Stéphanie Marchand avaient analysé des merlots et remarqué que leur teneur en glutathion tendait à diminuer entre le début et la fin de la fermentation malolactique.
Ces nouveaux travaux espagnols permettent de comprendre pourquoi. En poursuivant leurs expériences sur trois souches, les chercheurs ont constaté que la composition des membranes des bactéries changeait lorsqu'elles incorporaient du glutathion : à chaque fois, leur teneur en cyclopropane augmente.
Justement, en 2008, à l'Institut universitaire de la vigne et du vin de Dijon, Cosette Grandvalet avait découvert que cet acide gras rendait les bactéries moins sensibles aux stress environnementaux. En fait, lorsque les bactéries sont soumises à un stress (pH, alcool...), le cyclopropane réduit la fluidité de leur membrane, empêchant les molécules indésirables de pénétrer en leur sein. L'équipe espagnole l'a de nouveau observé lorsqu'elle a immergé les bactéries dans une solution à 14 % d'éthanol.
Puis, les chercheurs ont plongé les trois souches dans des milieux synthétiques de différents pH (5, 4 ou 3,4) et teneurs en alcool (6 ou 12 % ). À chaque fois, les bactéries qui avaient incorporé du glutathion s'en sont mieux sorties que les témoins, avec 15 à 20 % de mortalité en moins.
Selon cette équipe, le glutathion pourrait être ajouté au moment de l'ensemencement des bactéries lactiques dans le vin pour faciliter leur acclimatation.