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AGROÉCOLOGIE... La viticulture en marche !

La vigne - n°299 - juillet 2017 - page 10

La Bourgogne s'est dotée d'une charte pour améliorer les pratiques phytosanitaires. Suivant la même ligne, d'autres AOC viennent de voter des mesures dans leurs cahiers des charges ou se préparent à le faire.
LE 29 JUIN, LE SYNDICAT DE L'ENTRE-DEUX-MERS  a voté l'obligation pour ses adhérents  d'être en bio ou dans une certification environnementale de niveau 2 d'ici à 2020. ©A. ABELLAN

LE 29 JUIN, LE SYNDICAT DE L'ENTRE-DEUX-MERS a voté l'obligation pour ses adhérents d'être en bio ou dans une certification environnementale de niveau 2 d'ici à 2020. ©A. ABELLAN

STÉPHANE DEFRAINE, vice-président du syndicat de l'Entre-Deux-Mers, en est persuadé : « De nombreux viticulteurs ont déjà le niveau requis pour obtenir une certification environnementale. » © L. WANGERMEZ

STÉPHANE DEFRAINE, vice-président du syndicat de l'Entre-Deux-Mers, en est persuadé : « De nombreux viticulteurs ont déjà le niveau requis pour obtenir une certification environnementale. » © L. WANGERMEZ

La viticulture se dirige vers l'agroécologie, les AOC en tête. Le 4 juillet, la Bourgogne s'est officiellement engagée à améliorer ses pratiques phytosanitaires et à mieux dialoguer avec les populations locales et les municipalités. À l'occasion de l'assemblée générale du BIVB (interprofession), les responsables viticoles, les élus et les pouvoirs publics ont signé une charte en ce sens.

Parmi les mesures retenues, certaines relèvent du simple bon sens ou rappellent la réglementation en vigueur. D'autres vont plus loin. Il est question de renoncer au désherbage chimique d'automne et au désherbage chimique en plein, à partir de 2020. Toujours à cette échéance, les Bourguignons se fixent pour objectif de ne plus utiliser que des produits non CMR (cancérigène-mutagène-reprotoxique) ou dotés d'une ZNT de 5 m pour traiter les vignes situées à moins de 20 m des habitations. Et ils feront ces traitements avec des appareils face par face. Autre engagement : l'abandon des canons d'ici à 2025 pour les parcelles sans contraintes topographiques.

« Certains estiment que notre charte ne va pas assez loin. D'autres pensent le contraire. L'équilibre était difficile à trouver, précise Jean-Hugues Goisot, président de la commission technique à la CAVB (Confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne), en charge du dossier. Mais notre charte est vouée à évoluer et à s'enrichir. »

Aucune mesure de la charte n'est obligatoire. Ses promoteurs misent sur un effet d'entraînement. Ils comptent sur les ODG pour les aider à changer les habitudes de tous les viticulteurs.

Les actions les plus coûteuses ou les plus compliquées sur le plan technique seront mises en place progressivement, afin de laisser le temps aux exploitations de s'adapter. Un volet de formation et d'accompagnement est prévu pour les aider. Le BIVB a aussi débloqué 100 000 € en 2017-2018 pour la mise en route de la charte.

D'autres AOC ont décidé d'adopter des mesures environnementales dans leur cahier des charges. Elles s'imposeront donc à tous les producteurs. C'est le cas du syndicat viticole de l'Entre-deux-Mers. Lors de son assemblée générale du 29 juin, il a voté l'obligation pour tous ses adhérents d'être en bio ou dans une certification environnementale de niveau 2 (AgriConfiance, Area, Terra Vitis...) d'ici à 2020. Le syndicat va lancer un audit de ses membres. « Nous misons sur l'accompagnement. L'important est de montrer à nos adhérents qu'ils sont à la porte de la certification et de les aider à y entrer », souligne Stéphane Dupuch, le président du syndicat. Thierry Audier, animateur environnemental a rassuré les troupes : « Le niveau 1 représente la base légale, vous y êtes tous. Le niveau 2 est une obligation de moyens. La plupart des exploitations y sont déjà ou en voie de l'être. »

Cette décision suit celle votée à une large majorité par le Conseil des vins de Saint-Émilion, le 16 mai dernier. Il a adopté cinq mesures : interdiction du désherbage en plein et des herbicides sur les tournières, obligation de traiter les effluents viticoles et vinicoles, de calculer son IFT et de s'engager dans une certification environnementale ou dans l'agriculture biologique avant la récolte 2019. « Ce n'est pas une réaction à la pression sociétale, de nos riverains ou des marchés. Nous sommes dans la continuité de nos actions », assure Franck Binard, directeur du conseil.

En Champagne, le syndicat général des vignerons réfléchit à l'intégration de deux mesures dans le cahier des charges : l'interdiction des herbicides de prélevée en plein et celle des appareils de traitements non face par face, à jets non dirigés (sauf les chenillards).

Dans les côtes du Rhône, la décision a été prise en juin d'initier une réflexion. « Nous avons la volonté d'intégrer des mesures agroenvironnementales dans notre cahier des charges, mais il reste à décider lesquelles », précise Philippe Pellaton, président du syndicat des Côtes-du-Rhône. Un groupe de travail sera constitué cet automne. L'objectif étant de déposer un dossier à l'Inao début 2018. 55 000 ha de vignes et l'ensemble des appellations rhodaniennes sont concernés, mais les problématiques entre le Nord, très vallonné, et le Sud, plus plat, ne sont pas les mêmes.

Même les IGP se laissent tenter, alors qu'il y a un an, Michel Servage, le président de la Confédération des vins IGP avait dit niet à une complication des cahiers des charges. Les premiers à y songer sont les vins de pays charentais. « On peut tout à fait envisager d'ouvrir notre cahier des charges à des mesures agroenvironnementales. Une fois que la majorité des viticulteurs les aura mises en place, dans trois à cinq ans », a lancé Thierry Jullion, le président du Syndicat des vins de pays charentais, le 15 juin, lors de l'assemblée générale de son syndicat. Qu'envisage-t-il ? À court terme : la fin du désherbage en plein et des tournières, la mise en place d'une couverture végétale après les vendanges, l'adaptation des doses de phyto à la végétation. À moyen terme : la plantation de haies, le passage à la pulvérisation confinée... À long terme : l'introduction de cépages résistants au mildiou et à l'oïdium, mise en place du biocontrôle... La viticulture ne marche pas, elle fonce vers l'agroécologie !

Un catalogue de mesures

Pour aider les ODG à introduire des mesures agroenvironnementales dans leurs cahiers des charges, l'Inao et l'IFV ont rédigé le guide de l'agroécologie en viticulture, rendu public le 2 mars dernier. Ce guide en cinq parties, qui porte sur la biodiversité, la fertilisation, les produits phyto, la gestion de l'eau et le matériel végétal adapté à l'agroécologie, donne quantité d'exemples de mesures que les ODG peuvent prendre : interdiction du désherbage en plein et de l'azote minéral de synthèse, obligation d'enherber les tournières et de planter des haies... Certaines ODG n'ont donc pas perdu de temps.

Le Point de vue de

BÉATRICE DE MONTEIL, CHÂTEAU HAUT ROCHER (8 HA EN AOC SAINT-ÉMILION ET 5 HA EN AOC CASTILLON-CÔTES DE BORDEAUX), À SAINT-ÉTIENNE-DE-LISSE (GIRONDE).

« L'obligation de certification me préoccupe »

 I. DE MONTEIL

I. DE MONTEIL

« Parmi les cinq mesures agroenvironnementales adoptées en mai dernier par le Conseil des vins de Saint-Émilion, nous sommes dans les clous pour quatre d'entre elles. Nous nous sommes dotés d'une station de traitement des effluents fin 2009. Nous connaissons notre IFT. Et nous ne désherbons plus en plein depuis longtemps car nos vignes sont enherbées entre les rangs et désherbées mécaniquement sous les pieds. En revanche, nous allons devoir nous engager dans une démarche de certification environnementale. Le chantier est conséquent. Nous l'initierons après les vendanges 2017. On ne sait pas à quelle sauce on va être mangé. Il y a énormément d'inconnues sur le plan financier, sur le temps qu'il faudra y consacrer, sur les pratiques à modifier, les investissements qu'il faudra faire, cela me préoccupe. J'ai commencé à chercher des informations sur les certifications existantes pour savoir laquelle nous conviendrait le mieux : Terra Vitis, AgriConfiance... Le SME - système de management environnemental, mis en place par le CIVB - est celle qui nous semble la mieux adaptée. »

Le Point de vue de

RODOLPHE DE PINS, PRÉSIDENT DE L'AOC LIRAC (GARD)

« Nous allons constituer des groupes pilotes de vignerons »

« Nous allons mettre en place une charte paysagère pour protéger et embellir notre terroir. Cette charte comportera des mesures agroenvironnementales qui se déclineront en deux volets. Le premier portera sur l'optimisation de la gestion des adventices. Le second sur la protection du vignoble, avec l'objectif de réduire l'utilisation des phytos et de proposer des méthodes de lutte alternative. Pour ce faire, nous allons constituer des groupes pilotes de vignerons. Ceux-ci devront faire émerger des mesures adaptées à notre vignoble comme par exemple l'enherbement des parcelles avec des légumineuses. Ils feront des essais puis partageront leur expérience. Nous allons déposer un appel à projets auprès de la Région pour obtenir des financements. Nous espérons aboutir à la rédaction de notre

charte l'an prochain. »

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