Son nom est tombé dans l'oubli. Pourtant, au début du XIXe siècle, Louis Cazalis-Allut fut un fer de lance des progrès réalisés dans la viticulture héraultaise. « Il en a été un des plus habiles promoteurs depuis 1816 », dira de lui le célèbre docteur Jules Guyot.
Louis Cazalis est né à Nîmes, le 24 août 1785. Sa famille vient de Villeveyrac, dans l'Hérault, mais il grandit à Montpellier. Tout jeune, il crée une maison de commerce avec des associés. Veuf très tôt, il se remarie en 1816 avec Jeanne Allut. Dès lors, il se fait appeler Cazalis-Allut. Il rachète par la suite, toujours avec ses associés, le domaine des Aresquiers qui appartient à son beau-père et où il mènera ses essais viticoles.
À l'époque, le domaine comprend 320 ha dont 57 de vignes. Il est situé à Vic-la-Gardiole, près de Frontignan, sur un mamelon calcaire qui s'élève au-dessus des étangs. Louis Cazalis-Allut en devient l'unique propriétaire en 1824. Il s'y consacre avec passion. Il le défriche pour agrandir le vignoble. Il divise le terrain en « vastes compartiments » abrités des vents de mer et séparés d'épaisses murailles. En tout, il plantera 150 ha de vignes.
« Il a transformé une garrigue aride en un riche vignoble capable de produire 8 000 hl de vin, et s'est acquis la considération de ses contemporains », relève Henri Marès, le secrétaire de la Société de viticulture de l'Hérault. Car, à partir de 1832, devenu membre de ladite société, Louis Cazalis-Allut publie régulièrement ses résultats et conseils dans des articles qui feront sa réputation. Entreprenant, inventif et perspicace, il propose d'innombrables améliorations justifiées par ses essais.
Soixante ans avant la crise phylloxérique, il défend ce que l'on appellerait aujourd'hui le surgreffage. « C'est un des meilleurs moyens pour régénérer et améliorer les vignobles du Midi », affirme-t-il. Il lui trouve « d'immenses avantages » : le greffage permet de rajeunir une vigne pour bénéficier rapidement d'un plein potentiel de production et de changer de cépage facilement. Le tout pour un coût bien inférieur à un arrachage suivi d'unereplantation.
Il teste quantité de cépages, y compris étrangers. Il préconise leur complantation qui « donne des produits plus réguliers en quantité et de très bons vins malgré les hétérogénéités de maturité ».
À la vigne toujours, il loue les « bons effets » des labours et des binages « réitérés » pour détruire « les plantes parasites » et empêcher l'évaporation de l'humidité du sol. En vue de faciliter ces travaux, il plante en lignes espacées de 2,5 à 3 m et en plaçant les ceps à 0,75 à l m d'intervalle. Il met au point « un moyen économique et expéditif » pour biner. À cette fin, il adapte « entre le cep et le soc des araires, un croissant en fer composé de deux lames tranchantes ». C'est l'ancêtre de l'intercep. Il va jusqu'à calculer le coût d'un passage avec son outil, par rapport au coût d'un labour pour démontrer qu'il est source d'économies.
À partir de 1856, il exhorte les vignerons à employer le soufre contre l'oïdium après l'avoir testé lui-même. Il dessine et fait forger un sécateur pour les vendanges. Un tel outil avait déjà été inventé en 1815 pour la taille seule. Il encourage ses contemporains à utiliser son modèle, plus rapide que les traditionnelles serpes.
En 1841, il se positionne contre l'apport d'engrais : « La vigne trouve dans le sol tout ce qui lui est nécessaire pour donner des produits satisfaisants. » Lucide, il ajoute : « Ce que je viens de dire, sur l'inefficacité des engrais, sera traité d'hérésie par le plus grand nombre des propriétaires. Je m'y attends. »
Par ailleurs, il observe que les vins des premières vignes vendangées, sans surmaturité, sont toujours les meilleurs. Il met à nouveau en évidence les avantages des cuvaisons à l'abri de l'air et prône de décuver rapidement. « Je ne crains pas d'affirmer que si mon exemple est suivi par les propriétaires du Midi, on ne verra plus autant de mauvais vins dans les crus qui devraient en donner d'excellents », soutient-il. « Le Midi est dans une position des plus favorables pour produire de bons vins », affirme-t-il toute sa vie.
Mais il incite chacun à expérimenter par lui-même. « La simplicité de ses manières, sa modestie, l'égalité de son humeur, la droiture et l'affabilité de son caractère lui avaient fait de nombreux amis », rapporte Henri Marès. Louis Cazalis-Allut s'est éteint le 17 décembre 1863, à l'âge de 79 ans. Selon son souhait, il a été enterré sur son domaine.
uvres agricoles, mémoires sur la vigne, de Cazalis Allut, recueillies et publiées par son fils le Dr Frédéric Cazalis.