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VIGNE

Pollution des eaux Des efforts payants !

LUCIE MARNÉ - La vigne - n°301 - octobre 2017 - page 40

La concentration en pesticides dans les cours d'eau a diminué de 10 % entre 2008 et 2014. Le travail mené dans nos vignobles y a contribué. Le point sur les efforts et les progrès accomplis dans trois régions.
DANS LE BEAUJOLAIS, des fossés ont été aménagés pour limiter le débit de l'eau et favoriser la filtration des phytos par le sol. © SYNDICAT MIXTE DES RIVIÈRES DU BEAUJOLAIS

DANS LE BEAUJOLAIS, des fossés ont été aménagés pour limiter le débit de l'eau et favoriser la filtration des phytos par le sol. © SYNDICAT MIXTE DES RIVIÈRES DU BEAUJOLAIS

En mai dernier, l'Observatoire national pour la biodiversité a annoncé une baisse de 10 % de la teneur en pesticides dans les cours d'eau en France métropolitaine entre 2008 et 2014.

Un chiffre encourageant. Néanmoins, les concentrations en produits phytosanitaires dans les cours d'eau restent élevées. En outre, « il faut prendre ces chiffres avec des pincettes. Ils portent sur une liste prédéfinie de molécules. Or, de nouveaux principes actifs ont été mis sur le marché ces cinq dernières années », précise Mélanie Chrétien, de l'agence de l'eau Adour-Garonne. Comme l'ensemble des agriculteurs, les vignerons ont participé à cette amélioration. Retour d'expérience de trois régions viticoles.

Val de Loire

Un premier contrat de rivière réussi

En 2007, les eaux du Layon affichaient une concentration en pesticides de 12 µg/l, à Martigné-Briand (Maine-et-Loire). Or, les pouvoirs publics locaux (agence de l'eau, région et département) avaient fixé l'objectif de 1 µg/l. On était loin du compte ! Mais les efforts consentis par les viticulteurs, agriculteurs et communes ont porté leurs fruits. En 2015, la contamination du Layon est redescendue à 1,5 µg/l.

En première ligne : les viticulteurs qui représentent 50 % des agriculteurs du bassin-versant de cette rivière. « Des pratiques vertueuses se développent comme l'enherbement des interrangs, le désherbage mécanique ou encore l'ajustement des doses de produits phyto », constate Caroline Biton, chargée de mission environnement à la chambre d'agriculture du Maine-et-Loire.

Pour aller plus loin, l'agence de l'eau Loire-Bretagne a validé un contrat de rivière de 2010 à 2016 ciblant deux herbicides : l'aminotriazole et le glyphosate. « Comme l'aminotriazole a été interdit en 2015, nous nous sommes concentrés sur le glyphosate », souligne Guillaume Gastaldi, conseiller à l'association technique viticole (ATV) 49. Afin de remplir les objectifs du contrat, l'ATV 49 a organisé des journées sur les couverts végétaux et le travail du sol. « Nous avons rencontré un vif succès, avec 80 à 100 viticulteurs par journée », se félicite le conseiller.

Des mesures agro-environnementales (MAE) ont permis d'aider financièrement et techniquement une vingtaine de viticulteurs pour qu'ils réduisent leur consommation d'herbicides et sèment des couverts dans l'interrang de leurs parcelles.

« Ces efforts ont payé, se réjouit Caroline Biton. Dans le territoire du contrat de rivière, les achats de produits phyto ont diminué de 12 % entre 2008 et 2012. »

Forts de ce succès, les acteurs du contrat ont d'ores et déjà prévu de le renouveler. « Pour ce deuxième programme, nous envisageons d'effectuer des entretiens avec tous les viticulteurs et agriculteurs, soit environ 1 600 exploitants. Cela devrait nous permettre d'avoir un relevé exhaustif des pratiques actuelles pour proposer un programme d'actions adéquat. »

Beaujolais

Une restructuration bénéfique

Pas de miracle pour les rivières du Beaujolais. Dans un rapport datant de 2012, le Syndicat mixte des rivières du Beaujolais (SMRB) indique que « la qualité des cours d'eau vis-à-vis des pesticides est "mauvaise" à l'aval des onze principaux cours d'eau ». Entre 2008 et 2016, l'état écologique de l'Ardières est passé de « mauvais » à « médiocre » selon l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée, soit un léger progrès. Il faut dire que les conditions naturelles ne sont pas favorables. « Le vignoble est situé sur des parcelles en pente. Lorsqu'il pleut, les phytos, en particulier les herbicides, ruissellent directement jusqu'aux rivières », souligne Alice Patissier, chargée de mission « phyto » au SMRB.

Mais un facteur contribue à l'amélioration de la qualité des eaux : le plan de restructuration du vignoble lancé au début des années 2010 pour réduire les coûts de production. Ce plan finance les replantations avec, à la clé, une baisse de la densité, l'objectif étant de passer à des interrangs de 2 m pour l'AOP Beaujolais et de 1,80 m pour les crus du Beaujolais. Jusque-là, les vignes étaient traditionnellement plantées à 1 m « À la suite de ce plan, on observe plus d'enherbement », constate Audrey Pagès, en charge du territoire Beaujolais - Val-de-Saône à la chambre d'agriculture du Rhône. Or, l'enherbement réduit le ruissellement.

Le SMRB s'intéresse aussi aux abords des parcelles en finançant la plantation et l'entretien de haies et de fossés. « On installe des petits barrages en bois en travers des fossés érodés qui bordent les vignes en pente. Cela réduit la vitesse des eaux de ruissellement. On favorise ainsi l'infiltration des produits plutôt que leur déversement dans les rivières. Le sol peut alors jouer son rôle de tampon », explique Alice Patissier.

Le syndicat accompagne également les viticulteurs, avec la chambre d'agriculture du Rhône. « Notre objectif est de diminuer les indices de fréquence de traitement (IFT) », explique Audrey Pagès. Ainsi, la chambre publie des bulletins d'alerte hebdomadaires sur la pression des maladies grâce au suivi de témoins non traités. Elle pousse également au développement de la confusion sexuelle et du travail du sol.

Bordeaux

Doucement mais sûrement

« Depuis quelques années, les viticulteurs bordelais sont dans le viseur des médias », déplore Antoine Verpy, animateur du GDon du Libournais. Et pour cause, plusieurs cours d'eau sont contaminés par des pesticides, à l'image de la Barbanne, dans le Libournais, et de l'Euille, dans les Graves. Sur la période 2014-2016, la station de mesure de Libourne a ainsi enregistré entre 3,5 et 4 µg/l de glyphosate et d'AMPA (dérivé du glyphosate) dans la Barbanne. Un seuil qui dépasse largement celui de la potabilité des eaux fixé à 0,1 µg/l pour chaque molécule. D'après l'Agence de l'eau Adour-Garonne, la qualité de nombreux ruisseaux et rivières est « médiocre ».

Pointée du doigt, la profession a réagi. En 2013, elle a signé un accord-cadre pour une période de cinq ans avec l'agence de l'eau et les pouvoirs publics. « Cet accord vise principalement à contrer la pollution par les effluents vinicoles. Et une partie prévoit de lutter contre les pollutions liées aux produits phytosanitaires », expose Marie-Claire Domont, de l'agence Adour-Garonne.

Selon cet accord, l'agence finance 20 à 40 % des investissements limitant la pollution des eaux par l'usage des pesticides : pulvérisateur face par face, intercep, panneaux récupérateurs, aire de lavage des machines... « Ces aides peuvent intervenir en complément d'un PCAE (Plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles) », précise Marie-Claire Domont. Pour y prétendre, les exploitations doivent demander un diagnostic à la chambre d'agriculture. L'occasion pour cet organisme, désigné comme animateur de l'accord-cadre, de les conseiller individuellement dans l'amélioration de leurs pratiques.

Au niveau collectif, la FDCuma, également signataire de l'accord-cadre, accompagne ses membres dans la création d'aires de lavage des pulvérisateurs.

La Fédération des grands vins de Bordeaux figure aussi parmi les signataires de l'accord. Celle-ci mène des actions de sensibilisation auprès des ODG. Bon élève du département, l'ODG de Saint-Émilion vient d'asseoir l'obligation d'ici 2019 pour les viticulteurs d'acquérir une certification environnementale de niveau 2 pour obtenir l'AOC. « C'est un signal très positif de la part de la profession », se réjouit Maud-Isabeau Furet, de la chambre d'agriculture de Gironde.

À l'heure actuelle, l'agence de l'eau dispose encore de crédits pour financer les actions prévues par le contrat. « Hélas, les résultats de cet accord-cadre ne sont pas à la hauteur de nos espérances. Il faudrait envisager davantage d'animations auprès des viticulteurs », déplore Mélanie Chrétien.

À la chambre d'agriculture, on plaide pour la patience. « Il ne suffit pas d'avoir des moyens financiers. Nous préférons faire preuve de diplomatie et avancer progressivement », reconnaît Maud-Isabeau Furet.

PHILIPPE AUFRANC, VITICULTEUR, 7 HA À FLEURIE, DANS LE RHÔNE « La restructuration du vignoble du Beaujolais m'a permis d'enherber »

« Lorsque je me suis installé en 1984, je ne me souciais pas vraiment de l'impact de mes traitements sur la santé et l'environnement. À l'époque, on planifiait des programmes de traitement durant l'hiver et nous nous y tenions quelles que soient la météo ou la pression des maladies. Maintenant, je produis mes vins sous le label Terra Vitis. J'installe des pièges à papillons pour suivre le vol des tordeuses et n'intervenir qu'en cas de ponte. Je fais aussi partie d'un groupe de réflexion de la chambre d'agriculture, où chacun tente de nouvelles pratiques. Dans mon exploitation, je teste des paillages sous le rang pour supprimer l'usage des herbicides. Mais ce qui m'a surtout permis de changer, c'est la restructuration du vignoble du Beaujolais. Aujourd'hui, je plante systématiquement à 1,80 m voire à 2 m. Cela me permet d'enherber tous mes interrangs. Je réduis ainsi de 50 % l'usage des herbicides et je limite le lessivage des phytos. J'ai aussi changé de mode de taille, en passant du gobelet au cordon. La végétation est plus aérée et il y a moins de maladies. Avec toutes ces évolutions, je pense avoir baissé d'au moins 30 % l'usage des phytos depuis mon installation. Et je peux faire mieux encore car je dispose de vieilles parcelles étroites en pente taillées en gobelet que je continue à traiter au canon en faisant le tour de la parcelle. C'est loin d'être la meilleure pratique. »

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