ImprimerIntéressé par un pulvérisateur à panneaux récupérateurs ? Pour s'y retrouver au sein de ce maquis technologique, il fallait se rendre le 7 septembre au cinquième Forum Pulvé, à Saint-Preuil, en Charente. Ce jour-là, les chambres d'agriculture du Cognac, l'IFV et l'association charentaise Section Viticole ont présenté les résultats de leurs tests sur cinq nouveaux matériels de pulvérisation confinée, en s'évertuant à dépasser les discours commerciaux. Ces essais ont eu lieu en juillet 2017 dans une vigne en arcure palissée à la végétation foisonnante.
Ces organismes ont réalisé de multiples mesures pour fonder leur jugement : régularité de l'application sur la hauteur et l'épaisseur de feuillage, débit des buses, consommation de gasoil durant le traitement, vitesse d'avancement, pression au sol, niveau de bruit, taux de récupération de la bouillie... En moyenne, ces machines ont pulvérisé les deux tiers de leur bouillie sur la végétation. Elles en ont récupéré 12 %, pour 9 % de pertes au sol et 19 % de pertes dans l'air. Des moyennes qui cachent de gros écarts selon les modèles comme le montre le détail des résultats.
Friuli
Le coup de coeur
Coup de coeur des organisateurs : le pulvérisateur Drift Recovery de Friuli. Ceux-ci ont testé le modèle 1 000 litres, dont ils ont apprécié la qualité de pulvérisation, les gouttelettes se répartissant régulièrement sur la hauteur et dans l'épaisseur de la végétation. Ils ont salué sa faible consommation de gasoil (3,8 l/ha à 6 km/h) et son caractère peu bruyant lors de la pulvérisation (79 décibels à cinq mètres).
Cet appareil a pulvérisé 77 % du produit sur la vigne et en a récupéré 16 %. À cela s'ajoutent 4 % de pertes au sol et 3 % de pertes dans l'air. Ces taux de perte sont les plus bas des cinq appareils testés.
Mais tout n'est pas parfait. « Le petit péché du Friuli concerne le nettoyage des panneaux, long et présentant un risque de chute pour l'opérateur. Mais la facilité de nettoyage des filtres est intéressante », note Jean-Pierre Fillioux, le président de la Section Viticole. Qui ajoute que « le choix a été difficile, avec trois machines presque ex æquo » : le Friuli, le Caffini et le Dhugues.
Le Drift Recovery est un appareil traîné à jets portés qui peut travailler sur des rangs espacés de 1,8 à 3,6 mètres. Son constructeur promet une récupération de la bouillie sans formation de mousse, grâce à une pompe ad hoc. Il met en avant une ventilation qui s'ajuste à la végétation à l'aide d'une molette et son boîtier de commande Spray Control qui automatise l'ouverture et la fermeture de la rampe en bout de rang. Ce pulvérisateur affiche un prix de 45 000 €.
Caffini et Dhugues
Deux challengers
Le Drift Stopper Evo de Caffini et le Koléôs de Dhugues sont également sortis du lot. Tous deux sont des pulvérisateurs traînés à jets portés, testés avec une cuve de 1 000 litres. Le premier est commercialisé à 48 000 €, le second à 36 840 €.
Pour son constructeur italien, le Drift Stopper Evo (voir fiche page suivante) présente l'avantage d'un guidage électronique qui rend possible un braquage serré en bout de rang. Le traitement s'effectue au moyen de jets en arc croisés, avec un rideau d'air en fin de panneaux qui limite la dérive. Malgré ce dispositif, le Forum Pulvé n'a retrouvé que 53 % de la bouillie sur la vigne avec une répartition de celle-ci sur la végétation fortement hétérogène en hauteur comme en profondeur. Et pour 6 % de produit récupéré, 4 % sont perdus au sol et 37 % dans l'air. Si les testeurs reconnaissent que les conditions d'expérimentation ont été venteuses pour le Caffini, cette contre-performance a malgré tout pesé dans leur notation.
Le Koléôs de Dhugues fournit une pulvérisation à jets portés surpuissante grâce à sa technologie Éole qui produit un flux tangentiel laminaire. Dhugues vante également le châssis articulé semi-porté de sa machine qui offre une maniabilité accrue dans les virages. Les panneaux s'ouvrent et se ferment automatiquement en bout de rang. Dhugues y ajoute un suivi automatique du sol et une régulation électronique du débit proportionnelle à l'avancement. Lors du test, Koléôs a appliqué 75 % de la bouillie sur le feuillage de manière particulièrement homogène. Il en a récupéré 13 % et en a perdu 7 % au sol et 6 % dans l'air. Mais le Forum Pulvé a pointé deux faiblesses : le bruit durant le traitement (84 dB) et une conception des panneaux qui n'intègre pas suffisamment les besoins du nettoyage. En effet, le produit récupéré passe par des mousses qu'il faut manipuler pour qu'elles soient bien lavées alors qu'elles sont souillées de produit. Un problème qui se pose aussi sur d'autres machines.
S21 et Ideal
En queue de peloton
Également testé, le Tunnel Jets portés de S21 de 1 500 litres tracté, un appareil vendu 25 000 €. Ce pulvé est porté par un essieu à boggie et un timon articulé. Par ailleurs, il propose des mouvements indépendants pour le réglage de l'écartement entre les rangs et de la distance entre les deux panneaux d'un même rang. Autre particularité, la pulvérisation peut fonctionner soit en jets projetés (sans ventilation), soit en jets portés (avec ventilation), soit encore en pneumatique. Lors du test, le S21 a déposé 65 % de la bouillie sur la vigne, pour 15 % de récupération, 11 % de pertes dans l'air et 9 % au sol. Mais ce matériel a été sanctionné pour son bruit (87 dB), ses mousses filtrantes installées dans les panneaux qui sont difficiles à nettoyer et le positionnement incommode du marchepied pour remplir la cuve.
Peu convaincant également, le Drop Save d'Ideal était le seul matériel pneumatique. Le Forum pulvé a testé le 1 000 litres traîné, un engin vendu 54 000 €. Son constructeur souligne que l'équipement gère automatiquement l'ouverture et la fermeture des panneaux en manoeuvre. Pouvant être doté de six ou huit diffuseurs, cette machine utilise un flux laminaire pour confiner davantage la bouillie dans ses panneaux. Ces derniers sont équipés de grilles à lamelles verticales qui récupèrent la bouillie lorsque le flux d'air les traverse. Lors du test, 69 % de la bouillie a été appliquée sur la végétation, de manière assez hétérogène, avec 11 % de récupération, 10 % de pertes aériennes et 9 % de pertes au sol. Pour les testeurs, ce modèle d'Ideal est fortement pénalisé par l'hétérogénéité d'application des produits, un défaut qui semble l'avoir disqualifié d'emblée pour rivaliser avec les meilleurs concurrents.
À inventer
Portrait-robot du pulvé idéal
Jean-Pierre Fillioux dresse le cahier des charges du pulvérisateur confiné idéal à l'issue de ces tests. Une telle machine devrait se laver facilement, ne pas produire de mousse, posséder des détecteurs de bouchage des buses, des filtres qui se nettoient facilement, un lave-mains à l'avant des panneaux, un boîtier de commande éclairé pour le travail de nuit et être le plus silencieux possible. Bien sûr, il devrait aussi appliquer la bouillie de manière homogène sur toute la hauteur du feuillage et en perdre le moins possible au sol et dans l'air. Un ensemble d'exigences que les constructeurs devraient satisfaire pour espérer remporter le futur prix 2019 du Forum Pulvé.
Lavage Une opération qu'il faut encore améliorer
Référent viticulture à la MSA de Charente, Bruno Farthouat s'est penché sur le nettoyage des panneaux récupérateurs, une activité qu'il juge « dangereuse, mais nécessaire ». Il a rédigé une note à ce sujet qui préconise de porter des EPI (Équipements de protection individuelle) adaptés durant tout le nettoyage, sachant que l'opération peut prendre deux à trois heures, soit deux à trois fois plus de temps que pour un pulvé traditionnel. Bruno Farthouat conseille aussi une combinaison de type 3, des bottes, des gants en nitrile à manchette longue et un masque de protection du visage A2P3. L'expert découpe le nettoyage en quatre étapes : d'abord un lavage dégrossissant au jet d'eau à basse pression, puis le passage d'un produit de nettoyage, ensuite un rinçage avec un nettoyeur haute pression à eau chaude et enfin l'application d'un produit anti-adhérent pour réduire le dépôt des salissures. Pour être complet, le lavage des panneaux doit être effectué en hauteur. Afin d'éviter les chutes, Bruno Farthouat conseille aux viticulteurs de monter sur un escabeau roulant sécurisé ou sur une passerelle roulante. Autre solution, équiper son aire de lavage d'une passerelle fixe, sécurisée elle aussi. Il estime également que la facilité de lavage devrait être prise en compte dès la conception des machines par les constructeurs. « Dans mes rêves, il existe une station de nettoyage automatique des pulvés, comme pour les voitures. En attendant, on en a encore pour quelques années de lavage manuel », regrette-t-il.
