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Magazine - Histoire

Période : du XVIIIe au XXe siècles Lieu : France Le retour du bouchon de liège

FLORENCE BAL - La vigne - n°301 - octobre 2017 - page 82

Utilisé durant l'Antiquité pour obturer les amphores de vin, le liège est peu à peu délaissé avec l'avènement des tonneaux. L'essor des bouteilles lui redonne vie.
Fabrication de bouchons de liège : triage des pièces par catégorie et par taille, à Soustons, dans les Landes, en 1927. © J. BOYER / ROGER-VIOLLET

Fabrication de bouchons de liège : triage des pièces par catégorie et par taille, à Soustons, dans les Landes, en 1927. © J. BOYER / ROGER-VIOLLET

Léger, imperméable, élastique, le liège a toutes les vertus nécessaires au bouchage des vins. Les Grecs puis les Romains s'en servaient déjà durant l'Antiquité. Ils obturaient les amphores dans lesquelles ils conservaient et transportaient les vins à l'aide de bouchons de liège scellés par de la résine, de l'argile ou du plâtre.

La chute de l'Empire romain précipite la fin de l'emploi des amphores. Les Gaulois lui préfèrent le tonneau de bois, lui-même fermé avec des bouchons coniques en bois entourés de tissu. Le bouchon de liège va tomber aux oubliettes pendant plus d'un millénaire avant de faire son retour au XVIIIe siècle.

Le renouveau du liège est lié aux progrès de la fabrication des bouteilles. Jusqu'à la fin du XVIIe siècle, les bouteilles en verre sont en effet trop fragiles et ne sont utilisées que pour le service du vin. « Elles sont bouchées au broquelet, une cheville de bois qu'on enfonce après l'avoir entourée de chanvre ou d'étoupe graissée de suif », rappelle le géographe Marcel Lachiver, dans Vins, vignes et vignerons.

Mais à partir de 1632, les Anglais innovent. Ils fabriquent des bouteilles en verre épais, résistant et sombre, selon une nouvelle technique. Elles vont progressivement être employées pour conserver et faire vieillir le vin, et non plus seulement pour son service.

« Disposer de bouteilles solides est une chose. Encore faut-il s'assurer de leur bouchage hermétique pour leur confier en toute sécurité du vin de qualité, les coucher, les transporter et les conserver », relève Jean-Robert Pitte, dans son essai La Bouteille de vin. Léger, élastique, étanche, le liège possède les qualités requises pour confectionner des bouchons.

« Les Anglais redécouvrent ses vertus à la même époque, d'ailleurs plutôt pour obturer des bouteilles de potions médicamenteuses, puis des alcools, avant qu'il ne serve aux bouteilles de champagne que l'on souhaite voir mousser », poursuit Jean-Robert Pitte. Et d'ajouter : « Dans son dictionnaire, Furetière [l'académicien, NDLR] témoigne de cet usage anglais en 1690, [...] sans savoir, semble-t-il, que le matériau vient de la péninsule ibérique : il y a une espèce de liège d'Angleterre qui est un bois serré et moins poreux que le liège commun, qui est merveilleux pour faire des bouchons de bouteille, où l'on peut mettre du vin sans crainte qu'il s'évente. »

Peu à peu, le bouchon de liège remplace le broquelet. Au début, il est conique et taillé au couteau d'une seule pièce. Compte tenu de l'irrégularité des goulots - les bouteilles sont soufflées par des verriers - , « on l'entoure aussi à ses débuts de filasse et d'étoupe », explique Marcel Lachiver.

Des ateliers de fabrication de bouchons se développent dans les zones de production de chêne-liège : le Var, le Roussillon, la Catalogne et, à la fin du XIXe, le Portugal. On redécouvre que l'exploitation du chêne-liège est affaire de patience puisqu'il faut attendre neuf ans entre deux prélèvements d'écorce sur un même arbre.

« Dès 1740, les premiers bouchonniers catalans s'installent en Champagne afin de répondre à la demande croissante de vin mousseux, poursuit Jean-Robert Pitte. Néanmoins, le liège [...] est critiqué [...] pour défaut d'étanchéité, mais aussi pour le goût abominable qu'il communiquerait aux boissons. » Peu importe, le bouchage en liège se développe et s'améliore.

En Champagne, par exemple, dès 1858, les bouchons sont faits de deux parties collées ensemble. À partir de 1870, certains sont constitués de six morceaux. Dès 1903, apparaissent les premiers bouchons avec des disques en liège naturel collés sur un corps formé de granulés de liège agglomérés. Au XXe siècle, avec l'essor de la production viticole et de la fabrication industrielle des bouteilles qui permet d'obtenir des goulots réguliers, le bouchon cylindrique remplace le bouchon conique et devient la norme.

Aujourd'hui, il existe plusieurs types de bouchons en liège : naturel, colmaté, aggloméré, 1+1 (corps en aggloméré avec deux rondelles de liège naturel) ou en « farine » de liège. Selon la Fédération du liège, sur un marché mondial total de 18 milliards d'unités, un bouchon sur cinq serait naturel. En France, l'industrie du vin en consomme 3,3 milliards par an, dont 2,5 milliards contiennent du liège et un milliard serait naturel ou colmaté. Le bouchon en liège est toujours particulièrement prisé des Français puisque 87 % d'entre eux l'associent à un vin de qualité supérieure.

La Bouteille de vin, de Jean-Robert Pitte, éditions Tallandier ; Vins, vignes et vignerons, de Marcel Lachiver, éditions Fayard.

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