À Gaillac, certaines baies de loin-de-l'oeil ont atteint 32 degrés potentiels. Le début du mois d'octobre a été très chaud, précipitant leur concentration. « Par conséquent, la plupart des vignerons n'ont réalisé que deux tries, relate Francine Calmels, oenologue dans cette région. Les moûts ont des arômes de fruits confits très agréables. Quant aux lots les plus concentrés, nous avons dû les encuver avec des lots moins sucrés pour ne pas avoir de problèmes fermentaires. » C'est ainsi que début novembre elle s'est amusée à faire regonfler les raisins les plus secs dans des moûts déjà en cours de fermentation, « à la manière du tokay ».
« C'est un très bon millésime pour les liquoreux », s'enthousiasme Christophe Marchais, oenologue dans le Val de Loire chez LVVD. Comme à Gaillac, les vignerons ont eu la tâche facile. « Une trie de nettoyage pour éliminer la pourriture acide et deux passages ont souvent suffi. Certains ont même tout vendangé en une seule fois. » Avec des valeurs d'alcool probable comprises entre 16 et 23°, les raisins ont gardé de la fraîcheur. « Les jus sont fruités, avec un petit côté citronné qui correspond au style recherché par les clients. »
En Alsace, les vignerons ont longtemps désespéré de voir le gewurztraminer rester sain, alors que le botrytis se développait bien sur le pinot gris. « Jusqu'à l'apparition des premiers foyers, autour du 15 octobre, nous n'étions pas sûrs de pouvoir en faire des sélections de grains nobles », se rappelle Jean-Jacques Kah, oenologue chez viti.com. Puis les choses se sont arrangées.
Le long de la Garonne, autour de Sauternes et Loupiac, la pourriture noble s'est installée plus vite grâce aux épisodes pluvieux de la mi-septembre. Quelques vignerons ont vendangé trop tôt et obtenu des jus dilués aux arômes de champignons. « Heureusement, ces cas sont marginaux. La plupart ont attendu que les raisins se concentrent », relativise Fabien Faget, oenologue à l'Enosens de Cadillac. Les derniers coups de sécateur ont été donnés vers le 20 octobre, les raisins affichant alors 24 de TAP. « Bien que concentrées en sucres, les baies ont gardé assez d'acide malique pour déboucher sur de beaux équilibres. »
Les vinifications se sont déroulées sans heurts. « Il y a bien eu quelques montées d'acidité volatile mais c'est classique. À petite dose, l'acide acétique participe d'ailleurs à la complexité des liquoreux », rappelle Fabien Faget. Comme Christophe Marchais dans le Val de Loire, il est emballé par les vins qu'il déguste. « Les premières tries sont fraîches, avec des arômes de fruits exotiques et même d'agrumes. La deuxième vague, plus botrytisée, présente des notes de fruits confits, moins exubérantes. À la dernière trie, on est vraiment sur du fruit sec, avec des vins très concentrés. Les volumes sont faibles, mais on a une grosse proportion de premiers vins. »