Une nébuleuse. C'est ainsi qu'un distributeur du Nord-Est qualifie les activateurs de sol. Il faut dire qu'un nombre croissant de produits se targue de produire des effets autres que fertilisants. Et l'offre ne cesse d'augmenter. Comment s'y retrouver ? Pour François Dal, conseiller viticole à la Sicavac, à Sancerre (Cher), ces produits se classent en trois catégories.
Il y a d'abord les fertilisants organiques très riches en micro-organismes, comme le Bactériosol de Sobac (mélange de matières végétales et minérales, et de micro-organismes sélectionnés). « Leur objectif est d'apporter de la vie au sol plutôt que de le fertiliser. Mais les viticulteurs aimeraient savoir précisément quels micro-organismes ils contiennent », explique le technicien.
Deuxième catégorie : les stimulants des plantes et de la vie du sol. François Dal y range les produits comme Osiryl de Frayssinet - 40 % d'Osyr, principe actif d'origine végétale -, Dopactif d'OvinAlp - extrait liquide de fumier de mouton composté concentré en matière organique et riche en acides fulviques - et Humifirst de Tradecorp. « Ce sont des produits "dopants" qui contiennent de petits fragments de matière organique en partie assimilés par la plante. Ils nourrissent également les micro-organismes du sol, ce qui leur permet de dégrader la matière organique plus rapidement », poursuit le technicien.
Dernière catégorie : les produits qui apportent juste une espèce bien identifiée d'un micro-organisme. C'est le cas du V by Fertech, un produit de Soufflet, qui vient d'obtenir son homologation. Il se compose d'une population de bactéries Pseudomonas fulva. « Elles se fixent dans l'environnement des racines et forment une symbiose avec elles. Elles se nourrissent des exsudats racinaires et améliorent la minéralisation de la matière organique du sol. Le V by Fertech stimule ainsi la vie du sol, améliore sa structure et le développement des racines et favorise l'assimilation de la matière organique », détaille Laurent Paupelard, directeur technique, en charge du développement des activités vigne pour le groupe Soufflet. Selon lui, ce produit est une vraie innovation car il n'apporte pas de matière fertilisante, seulement une bactérie. Il est destiné aux parcelles bien pourvues en matière organique mais dont la dégradation est bloquée.
Le V by Fertech se présente sous la forme d'une poudre mouillable qui s'épand au sol, au printemps ou à l'automne, à la dose de 500 g/ha. L'application se fait à la rampe de désherbage avec un volume d'eau de 150 à 300 l/ha. L'idéal est de positionner le traitement juste avant une petite pluie pour favoriser son efficacité. Le coût est d'environ 150 €/ha
Ces produits ont-ils un réel effet ? Aux dires de leurs fabricants, oui. Mais les essais effectués par les organismes techniques sont peu nombreux. « On manque encore de recul sur leur efficacité. Avant de les proposer aux viticulteurs, nous préférons les tester », indique un distributeur du Nord-Est.
« Tout ce qui facilite l'activité biologique du sol est favorable à l'alimentation de la vigne chlorosante ou en situation de faible vigueur. C'est une voie à développer. Mais il faut mettre en place des essais pour trier les produits réellement efficaces de ceux qui ne le sont pas », ajoute Guillaume Morvan, de la chambre d'agriculture de l'Yonne.
Pour François Dal, le Bactériosol est « intéressant ». Depuis quatre ou cinq ans, il le teste avec des viticulteurs dans des essais informels : « On observe une reprise des vignes dont la vigueur est un peu faible et une amélioration de la structure du sol. » Même chose pour l'Osiryl et le Dopactif. « Dans des vignes chlorosantes et peu poussantes, ces produits permettent un reverdissement et une pousse un peu plus active », rapporte le technicien. Mais il s'agit d'essais informels, sans protocole de comparaison scientifique.
À Chablis, Guillaume Morvan confirme l'intérêt du Dopactif. En 2012, il l'a testé sur des complants (chardonnay sur 41B) plantés mi-avril avec leurs racines. « On a appliqué le Dopactif un mois après, directement au pied de chaque complant, à la dose préconisée par OvinAlp soit l'équivalent de 40 l/ha. Les plants avaient déjà une ou deux feuilles étalées au moment de l'application », explique le technicien. En fin d'année, il a mesuré la longueur des sarments et le volume racinaire. « Les plants témoins qui n'ont eu que de l'eau et ceux qui ont reçu le Dopactif présentaient des sarments de même longueur : 50 à 60 cm. Mais ceux traités au Dopactif avaient presque 30 % de racines supplémentaires. L'effet de stimulation racinaire que revendique le fabricant est donc bien réel. En deuxième feuille, les plants traités avaient des sarments 25 % plus longs que les témoins. Mais, après trois ou quatre ans, les plants témoins avaient rattrapé ceux traités au Dopactif », rapporte Guillaume Morvan.
Celui-ci recommande donc ce produit lors des remplacements à condition de l'appliquer au pied de chaque complant « sinon, le produit sera dilué et profitera aux ceps déjà en place ». Il le préconise également pour les nouvelles plantations si celles-ci se font dans des conditions peu favorables au développement des racines.
Le V by Fertech semble aussi prometteur. Dans les vignes où la matière organique est bloquée, il peut améliorer les rendements. En tout cas, c'est ce qu'affirme Soufflet après avoir réalisé toute une série d'essais. « Dans 70 % des cas, on a une augmentation du poids moyen des grappes supérieur à 10 % comparé au témoin. Cette hausse est de 23 % en moyenne mais peut monter jusqu'à 40 %. Et, il n'y a pas d'impact sur le botrytis, ni de dilution des moûts », assure Laurent Paupelard.
Vincent Charache, du domaine éponyme, à Bouze-lès-Beaune (Côte-d'Or), fait partie des viticulteurs qui l'ont testé en 2017. Il est séduit par le produit. « Je l'ai appliqué en avril sur trois hectares, dans des parcelles âgées de 80 à 90 ans où je n'avais pas de bons rendements. La différence a été flagrante à la récolte. En moyenne, j'ai obtenu 10 à 15 % de plus et même jusqu'à 25 à 30 % dans les parcelles où cela a le mieux marché »,rapporte-t-il.
Angibaud lance la gamme Innotech
Angibaud lance Innotech, une gamme de fertilisants organiques et organo-minéraux enrichis avec une souche de levures Saccharomyces cerevisiae (souche Lycc 6420). « La technologie Lycc joue directement sur la microbiologie des sols. Avec Innotech, on améliore la fertilisation azotée de 40 unités sans apport supplémentaire d'azote », assure Thierry Micalet, le directeur du marketing d'Angibaud. Pour ces produits, comptez un surcoût de l'ordre de 80 € la tonne.
Des tests en cours sur le court-noué
En améliorant l'activité biologique du sol, peut-on réduire l'impact du court-noué ? « Certains viticulteurs le pensent. Ils ont observé des effets intéressants avec Osyril. Mais nous n'avons pas d'essais spécifiques, il faut donc rester prudent », explique un conseiller viticole. François Dal, de la Sicavac à Sancerre, explore cette piste. « On a mis en place un gros programme d'essais dans lequel on va tester, entre autres, le Bactériosol, le Fertech et le Dopactif. » À suivre.