Dans le Sud-Est, le printemps 2017 a particulièrement favorisé la coulure sur les grenaches. Devant ce constat, la chambre d'agriculture du Vaucluse a demandé à des vignerons de tester deux pratiques susceptibles de limiter les dégâts : l'écimage à la floraison et les apports foliaires de bore.
Plus tôt dans l'année, elle avait déjà sollicité un groupe de viticulteurs de Gigondas pour qu'il participe à un autre essai. Ces vignerons taillaient tardivement - entre le stade pointe verte et 2-3 feuilles étalées - leurs parcelles touchées par le court-noué et sensibles à la coulure pour limiter le phénomène. La chambre leur a demandé de tailler des ceps en hiver pour pouvoir comparer les deux pratiques. Les résultats sont sans appel. La taille tardive a de loin le plus d'effet. La chambre d'agriculture a enregistré des différences significatives entre les ceps taillés après le débourrement et ceux taillés pendant l'hiver dans sept parcelles sur les huit étudiées.
Les pieds taillés tardivement portent en moyenne 115 % de récolte en plus que les témoins, soit un peu plus du double de récolte sur l'ensemble des essais. Ces pieds portent en moyenne 42 % de grappes supplémentaires, lesquelles pèsent 73 % de plus que les témoins. Concernant le nombre de grappes, l'écart entre les deux groupes de parcelles est important pour six parcelles parmi les huit. À noter que les expérimentateurs n'ont pas mesuré la maturité à la récolte. On ignore donc quel décalage de maturité la taille tardive a provoqué.
« Cela confirme les impressions que les viticulteurs avaient, explique Silvère Devèze, conseiller à la chambre d'agriculture du Vaucluse. Désormais, nous avons des chiffres pour prouver que cela fonctionne. » Olivier Jacquet, son collègue, tempère : « Ces résultats sont assez étonnants, mais cela ne signifie pas pour autant que cela marchera tous les ans. » La taille tardive retarde le cycle végétatif. La vigne fleurit plus tard, à une époque où les conditions météo sont habituellement meilleures. Ce fut le cas cette année. Il n'est pas sûr que cela le soit tous les ans. « Sur des parcelles régulièrement touchées par la coulure et le court-noué, les viticulteurs ne risquent rien en décalant leur période de taille. En cas de doute, ils peuvent ne tailler qu'une partie de la parcelle », préconise le conseiller.
Outre l'époque de taille, l'écimage à mi-floraison a, lui aussi, donné de bons résultats contre la coulure, par rapport aux témoins écimés à partir du début de la nouaison ou pas écimés du tout. Les neuf parcelles suivies portent davantage de grappes (+ 6 %) qui sont plus lourdes (+ 24 %). Si bien qu'elles portent davantage de récolte (+ 34 %). Les écarts sont statistiquement significatifs pour trois parcelles sur les neuf observées.
« L'écimage à la pleine fleur fonctionne bien et peut être conseillé contre la coulure, résume Silvère Devèze. On peut penser que l'intervention à ce stade limite la croissance végétative et concentre l'énergie dans les grappes. »
Enfin, pour le traitement au bore, le bilan est plus décevant. Six parcelles testées en ont reçu 6,5 kg/ha en trois applications avant, pendant et après la floraison. Seules deux parcelles présentent un léger écart avec les rangs témoins, mais non significatif d'un point de vue statistique. « C'est plutôt décevant. Cette année-là, le bore n'a pas été efficace contre la coulure sur ces parcelles », commente le conseiller, alors que cet élément est souvent préconisé pour limiter les risques de coulure.
Le Point de vue de
ILS ONT TESTÉ LA TAILLE TARDIVE
« Une différence flagrante »
«Je pratique la taille tardive depuis bien longtemps sur mes vieilles parcelles de grenache atteintes de court-noué. Ce sont les plus sensibles à la coulure et cela fonctionne. Sur les autres, celles de syrah, je ne le fais pas car j'obtiendrais alors trop de raisins. L'an dernier, je les ai taillées pendant la première quinzaine d'avril. Les bourgeons étaient déjà éclatés, verts, avec la présence de petites feuilles. En janvier, j'avais taillé quelques pieds pour les besoins de l'essai, des pieds que la chambre d'agriculture avait marqués. La différence en termes de récolte a été flagrante. Je suis convaincu que le fait de tailler tard réduit la coulure. Cela bloque la pousse de la vigne, ce qui a pour effet de réduire sa vigueur. Cela retarde aussi le cycle végétatif de plus de quinze jours. Grâce à cette pratique, je fais le plein de récolte chaque année sur mes vieilles parcelles de grenache, malgré la sécheresse et bien qu'elles soient sur un terroir de garrigue. C'est une méthode que je conseille vivement. Mes voisins commencent d'ailleurs à y avoir recours et cela fonctionne aussi chez eux. Une condition néanmoins pour réussir : renouveler chaque année les pieds morts ou manquants. Il faut avoir en permanence des vignes aptes à produire. »
Le Point de vue de
ILS ONT TESTÉ LA TAILLE TARDIVE
« J'ai été bluffée par les résultats obtenus »
«J'ai plusieurs parcelles de grenache sensibles à la coulure. Mon chef de culture, Vincent Belier, souhaitait depuis longtemps expérimenter la taille tardive, ce que nous avons fait cette année. Nous avons choisi une parcelle de 37 ares, sans pieds morts ou complantés, avec de faibles rendements à cause de la coulure, elle-même liée au court-noué. Nous avons taillé un tiers des rangs au printemps, les autres entre décembre et février. Au printemps, la météo a été propice à la coulure. On s'est vite rendu compte, à vue d'oeil, que les rangs taillés tôt portaient moins de raisins. À la récolte, la différence était flagrante : le poids de récolte était multiplié par trois par rapport aux rangs taillés tôt ! J'ai été bluffée par ces résultats. Mais je souhaite les confirmer par de nouveaux essais. L'an prochain, nous allons étendre la taille tardive à toutes nos parcelles de grenache sensibles à la coulure. Je reste prudente sur la possibilité que cela fonctionne bien tous les ans, les conditions météo pendant la floraison n'étant pas identiques d'une année à l'autre. Ce qui est certain, c'est que retarder la floraison accroît les chances d'avoir un temps chaud au moment de la floraison. »
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IL A TESTÉ L'ÉCIMAGE PRÉCOCE
« Je le conseille vivement à mes voisins »
«La coulure a tendance à revenir de façon plus fréquente et marquée depuis 2012. Elle a un effet notable sur la récolte, avec des rendements faibles, tombant à 20 hl/ha. J'ai voulu tester un écimage plus précoce vers la mi-floraison, alors qu'habituellement je n'écime jamais avant la nouaison, entre la fin juin et début juillet. Cela a bien fonctionné. Les rangs témoins écimés trois semaines ou un mois plus tard ont plus coulé que les rangs écimés de bonne heure. Couper les apex terminaux implique sans doute une réorientation du transit de la sève vers les rameaux secondaires et les grappes. Si les conditions météo sont favorables à la coulure l'an prochain, je reproduirais volontiers l'expérience. C'est une pratique que je conseillerais à mes voisins. »