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VIGNE

Nouveaux périls dans la vigne

CHRISTOPHE REIBEL - La vigne - n°303 - janvier 2017 - page 34

La punaise diabolique et la drosophile suzukii menacent la viticulture européenne. Les chercheurs ont fait le point sur ces nouveaux ravageurs à l'occasion d'un colloque qui s'est tenu le 9 novembre, en Alsace.
LA PUNAISE DIABOLIQUE, apparue en Allemagne en 2007, est un danger potentiel pour les vignes © J.-C. STREITO / INRA

LA PUNAISE DIABOLIQUE, apparue en Allemagne en 2007, est un danger potentiel pour les vignes © J.-C. STREITO / INRA

LA DROSOPHILE SUZUKII peut proliférer sur de nombreuses plantes. . ©  C. LINDER

LA DROSOPHILE SUZUKII peut proliférer sur de nombreuses plantes. . © C. LINDER

Punaise diabolique

Une bombe à retardement

La punaise diabolique va-t-elle devenir une préoccupation dans les vignobles européens ? C'est probable. Originaire d'Asie, où elle est un ravageur important des cultures fruitières et maraîchères, cette punaise (Halyomorpha halys) est arrivée en Europe en 2007 par l'aéroport de Zurich. Depuis, elle a surtout été repérée en bordure de routes et dans des villes en Allemagne et en France, comme à Strasbourg en 2011. Elle ne produit qu'une génération par an et, pour l'heure, a été peu rencontrée dans les vignes.

Mais « le raisin agit comme un aimant sur ces insectes. Ils s'agglutinent sur les grappes pour s'en nourrir et peuvent les détruire à 100 % », a prévenu Olaf Zimmermann, du Centre de technologie agricole (LTZ) d'Augustenberg, en Allemagne, lors du colloque sur les nouveaux bioagresseurs du Rhin supérieur, qui s'est tenu le 9 novembre à la chambre d'agriculture d'Alsace, à Sainte-Croix-en-Plaine (Haut-Rhin). Ce chercheur a observé ces attaques sévères, mais pour l'instant isolées, près de la frontière germano-suisse.

H. halys met cinq à dix ans à s'établir dans une région. Selon le spécialiste, elle pourrait coloniser ses premières vignes d'ici deux à trois ans. Or, la lutte contre ce ravageur s'annonce compliquée. La punaise diabolique se nourrit en effet sur plus de trois cents plantes hôtes (arbres fruitiers, d'ornement et forestiers, vigne, maïs, soja...) et en change régulièrement. Elle se réfugie fréquemment dans les habitations. Une femelle peut pondre jusqu'à 150 oeufs durant l'été sur la face inférieure des feuilles et les larves donnent naissance à des adultes capables d'hiverner.

La punaise diabolique est reconnaissable à l'absence de pointe au milieu de son ventre. On ne lui connaît aucun prédateur naturel en Europe. Les espoirs de lutte reposent sur Trissolcus japonicus, une mini-guêpe capable de parasiter ses oeufs.

Drosophile suzukii

Ses goûts sont mieux connus

Les forces et faiblesses de la drosophile suzukii sont de mieux en mieux cernées. Les chercheurs du programme international InvaProtect ont ainsi établi que cette mouche tolère très bien le froid. Elle supporte -5 °C pendant cinq jours et des pointes à -8 °C. Elle redevient active dès que la température dépasse les 10 °C. « Le nombre d'individus qui survit à l'hiver et les conditions climatiques de l'année sont les deux facteurs dont dépend la dynamique des populations », indique l'institut allemand Julius Kühn-Institut (JKI).

Cette dynamique est fonction également des plantes qu'elle trouve. Bien qu'elle soit polyphage, elle a ses préférences. En Gironde, l'Inra a classé 46 plantes selon qu'elles permettent le développement complet, partiel ou nul des oeufs. La mûre sauvage, le cerisier noir, le prunellier et la morelle noire appartiennent ainsi à la première catégorie. Le cassissier, le buisson-ardent et le houx à la deuxième. Beaucoup d'oeufs avortent sur ces plantes. Quant au genévrier, néflier et sorbier des oiseleurs, ils ne sont pas hôtes de l'insecte et ne permettent donc pas sa multiplication. Enfin, le troène commun est la plante piège par excellence : il attire les mouches qui viennent pondre sur ses fruits. Les oeufs éclosent puis les larves meurent !

L'Inra a classé les 25 plantes permettant le développement complet de la drosophile selon le nombre d'oeufs que l'on y trouve par fruit (plus de deux, entre un et deux, moins de un). C'est sur les cerises noires, les mûres sauvages, les fruits de belladone et les framboises, entre autres, que les chercheurs ont trouvé le plus d'oeufs. Ces espèces sont donc du pain bénit pour la drosophile : elle y pond beaucoup d'oeufs qui éclosent facilement. Mieux vaut ne pas trop en avoir en bordure d'une parcelle. Si c'est le cas, les rangs les plus proches de ces plantes hôtes sont les premiers infestés, comme l'a constaté l'Inra. La pression diminue au fur et à mesure que la distance avec les haies augmente.

En Allemagne, où D. suzukii est appelée « drosophile de la cerise », le LTZ d'Augustenberg a publié un classement provisoire de 55 plantes cultivées et sauvages selon qu'elles conviennent bien, moyennement ou peu à cet insecte. Elle classe la vigne dans le groupe à risque moyen.

La drosophile préfère les cépages rouges aux blancs. C'est ce que montre des études menées en Allemagne et en Suisse. Et, au sein des rouges, elle jette plutôt son dévolu sur ceux à la peau mince, comme le muscat bleu en Suisse, le prior et le dornfelder en Allemagne.

En Alsace, Delphine Binet, de l'Inra de Colmar, ne partage pas tout à fait ces observations. Elle a remarqué en effet que la drosophile s'était développée sur tous les cépages avec la même dynamique dans les 68 pièges qu'elle a relevés en 2017. Ce n'est qu'à la fin de la maturation que le pinot noir s'est trouvé légèrement plus colonisé que les cépages blancs.

Une question reste ouverte : y a-t-il une différence de sensibilité selon les clones d'un même cépage ?, comme le suspecte un viticulteur allemand qui est intervenu au cours des débats. Les chercheurs, qui n'ont rien observé de tel, ont promis de se pencher sur cette question.

Le colloque a aussi été l'occasion de faire le point sur la lutte contre le parasite. En termes de lutte chimique, le spinosad reste la référence. Dans un essai mené en Rhénanie-Palatinat, il a montré une très bonne efficacité adulticide et ovicide, détruisant 97 % des oeufs.

En Alsace, la chambre d'agriculture a testé le kaolin et le talc en 2016 et 2017. Mais, en raison de la faible pression parasitaire, elle n'a pu juger de leur efficacité. Par ailleurs, lors d'essais d'application de kaolin sur des cerisiers, en Suisse, il a été observé qu'il restait beaucoup de résidus de cette argile sur les fruits au moment de la récolte. Un résultat qui doit inciter à la prudence.

Enroulement des blancs Un mal méconnu des viticulteurs

Sur les cépages rouges, l'enroulement viral s'exprime nettement par un enroulement des feuilles et un rougissement précoce du limbe alors que les nervures principales restent vertes. Mais cette maladie passe inaperçue sur les cépages blancs, qui sont majoritaires en Alsace. Sans doute est-ce pour cela que les Alsaciens la connaissent mal comme le montre une enquête de l'Inra réalisée cette année et à laquelle 75 viticulteurs ont participé. L'Inra leur a ainsi demandé quelle était la fréquence de la maladie dans leurs parcelles. Ils n'ont pas pu répondre à cette question. De même, ils connaissent peu les cochenilles qui sont les vecteurs de cette maladie et ne font pas le lien entre leur présence et l'occurrence des symptômes. Or, selon l'Inra, les vignobles du Rhin supérieur, dont l'Alsace fait partie, connaissent une prolifération des cochenilles vectrices de l'enroulement. Pour Étienne Herrbach, de l'Inra de Colmar, la toxicité de certains fongicides vis-à-vis des prédateurs des cochenilles pourrait expliquer ce phénomène. Cette hypothèse reste à confirmer. Pour y voir plus clair, l'Inra et son partenaire allemand, l'institut JKI, vont cartographier l'enroulement dans les vignobles de la vallée du Rhin.

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