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VIN

Bretts Plus besoin de labo ?

MARION BAZIREAU - La vigne - n°303 - janvier 2017 - page 50

Le Brett Alert devrait permettre aux vignerons de détecter eux-mêmes les Bretts en moins de 30 minutes. La méthode doit encore être éprouvée sur le terrain.
CHARLES CERVIN a conçu un mini-laboratoire mobile qui mesure la quantité de Bretts dans les vins.  . © S. BEUCHERIE

CHARLES CERVIN a conçu un mini-laboratoire mobile qui mesure la quantité de Bretts dans les vins. . © S. BEUCHERIE

Le microbiologiste Charles Cervin s'intéresse à l'oenologie depuis six ans. Il vient de trouver le moyen de détecter rapidement les Brettanomyces par l'ATPmétrie. Cette technique permet de doser l'ATP (adénosine tri-phosphate) présent dans un échantillon, en mettant en oeuvre une réaction d'émission de lumière. L'ATP, c'est la molécule qui fournit de l'énergie aux cellules vivantes. Plus un échantillon en contient, plus il renferme de micro-organismes. En dosant cette substance, on peut donc évaluer la chargemicrobienne d'un vin. Jusqu'à présent, l'ATPmétrie aidait les vignerons à vérifier la propreté de leur matériel de chai (cuves, pompes, canalisations...). Le principe est simple : tant que l'on trouve de l'ATP dans une eau de lavage, c'est qu'il reste des germes sur le matériel que l'on nettoie.

Mais la méthode ne différenciait pas les levures des bactéries. Charles Cervin a trouvé la parade. « J'ai réussi à formuler une solution levuricide qui libère l'ATP des levures sans libérer celui des bactéries », affirme-t-il. Selon lui, une fois que l'on a versé cette solution dans un vin, on ne quantifie plus que les levures. En revanche, il est toujours impossible de distinguer les Brettanomyces des autres levures. Dès lors, tout se joue au moment de la prise de l'échantillon : il ne faut utiliser le Brett Alert qu'à la fin des fermentations et prélever correctement le vin au fond des cuves ou des barriques. « On évite ainsi les levures de voile et on maximise les chances de tomber sur des Brettanomyces, qui ont tendance à sédimenter. » Le Brett Alert décompte toutes les levures vivantes, y compris les viables non cultivables (VNC), même si elles ne sont qu'une dizaine par échantillon.

En pratique, le maître de chai reçoit un mini-laboratoire mobile semblable à une petite caisse à outils. Il renferme un bioluminomètre, qui va détecter l'ATP des levures, un logiciel, et tout le matériel nécessaire à l'analyse. « J'ai fait attention au placement des accessoires. Par exemple, les seringues et les pipettes sont suspendues en hauteur pour éviter les contaminations. »

Ainsi, même les moins aguerris peuvent s'en sortir. Après avoir prélevé son vin et préparé l'échantillon en y ajoutant la solution levuricide et un complexe enzymatique pour rendre l'ATP lumineux, le maître de chai l'insère dans le bioluminomètre. « L'appareil donne une valeur en unités relatives de lumière, détaille Charles Cervin. Il ne reste plus au vigneron qu'à prendre un abaque pour la convertir en nombre de Brettanomyces présentes dans son lot. Il peut sauvegarder tous ses résultats sur Excel. » L'ensemble de ces opérations demande moins d'une demi-heure.

Le mini-laboratoire est vendu 9 600 €, plus une vingtaine d'euros par analyse. Pour rappel, une analyse par cytométrie de flux coûte une trentaine d'euros, tandis qu'une analyse par PCR coûte entre 50 et 100 €.

« Les vignerons qui souhaitent tester la fiabilité du Brett Alert avant de l'acheter peuvent m'envoyer un échantillon à analyser, à Commercy (Meuse). Je le ferai devant eux par visioconférence. Ils pourront comparer mon résultat avec celui de leur laboratoire, pour vérifier qu'il est bon. » Convaincu par son appareil, le microbiologiste entrevoit déjà d'autres applications. « Les producteurs de liquoreux pourront par exemple s'assurer de l'efficacité de leurs mutages, en constatant qu'il ne reste plus de levures dans leur vin. »

Le Brett Alert doit encore faire ses preuves

« En 2016, j'ai effectué une journée de tests sur le Brett Alert, en le comparant avec la cytométrie de flux et la culture sur boîte de Petri », relate Vincent Gerbaux, ingénieur à l'IFV de Beaune. « J'avais vu le potentiel de cette technique. Mais les résultats affichés par le Brett Alert n'étaient pas encore bien corrélés avec ceux fournis par la cytométrie. Il restait du travail à faire, notamment pour affiner le temps de contact entre la solution levuricide et l'échantillon, et bien convertir les unités relatives de lumière en nombre de Brettanomyces. Charles Cervin a continué à développer son kit et nous devrions bientôt organiser une deuxième journée d'essais. C'est bien qu'un test permette aux vignerons de s'intéresser à la microbiologie. Il ne faut surtout pas les décevoir, sinon ils s'en écarteront encore davantage. »

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