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« Les copains font salon »

COLETTE GOINÈRE - La vigne - n°303 - janvier 2017 - page 53

Ils sont amis, ont suivi les mêmes étudeset sont à la tête depropriétés. Une foispar an, ils organisentau château Haut-Lagrange (Gironde) un salon de vente baptisé LES COPAINSDU TERROIR.
DES LIENS AMICAUX ET PROFESSIONNELS TRÈS FORTS unissentles organisateurs des Copains du Terroir. De gauche à droite : Violaine Henry, Ghislain Boutemy, Amélie Berthaut, Mathieu Mercier et Audrey Rouanet. PHOTOS : L. WANGERMEZ

DES LIENS AMICAUX ET PROFESSIONNELS TRÈS FORTS unissentles organisateurs des Copains du Terroir. De gauche à droite : Violaine Henry, Ghislain Boutemy, Amélie Berthaut, Mathieu Mercier et Audrey Rouanet. PHOTOS : L. WANGERMEZ

SUR SON STAND, Amélie Berthaut présente à Cécile      et Fred son fixin premier cru. Un vrai coup de foudre !

SUR SON STAND, Amélie Berthaut présente à Cécile et Fred son fixin premier cru. Un vrai coup de foudre !

ENTRAÎNÉES PAR LEUR AMIE canadienne Kim Loranger, Soline Bossiset Nicole Takeda (de gauche à droite) dégustent les vins de Violaine Henry, du domaine Thierry Massin.

ENTRAÎNÉES PAR LEUR AMIE canadienne Kim Loranger, Soline Bossiset Nicole Takeda (de gauche à droite) dégustent les vins de Violaine Henry, du domaine Thierry Massin.

GHISLAIN BOUTEMY accueille la vente dans son château Haut-Lagrange,à Léognan,       en Gironde.

GHISLAIN BOUTEMY accueille la vente dans son château Haut-Lagrange,à Léognan, en Gironde.

RÉMI ET MARIE-CHRISTINE apprécient le blanc du château Haut-Lagrange qu'ils jugent exceptionnel et valant bien des noms plus prestigieux.

RÉMI ET MARIE-CHRISTINE apprécient le blanc du château Haut-Lagrange qu'ils jugent exceptionnel et valant bien des noms plus prestigieux.

AUDREY ROUANNETest venuedu Minervois. Elle présente les produits de ses vignes, récemment converties au bio, ainsi que l'huile de ses oliviers.

AUDREY ROUANNETest venuedu Minervois. Elle présente les produits de ses vignes, récemment converties au bio, ainsi que l'huile de ses oliviers.

MATHIEU est le seul des copains à ne pas avoir repris une exploitation familiale. Il a acheté le château La Grande Clotte,       à Lussac (Gironde).

MATHIEU est le seul des copains à ne pas avoir repris une exploitation familiale. Il a acheté le château La Grande Clotte, à Lussac (Gironde).

L'affiche placardée sur la porte du chai annonce la couleur : cinq copains, cinq terroirs et de bons vins à découvrir. Audrey est venue du Minervois, Amélie de Bourgogne, Violaine de Champagne et Mathieu de Lussac, près de Saint-Émilion. Ce samedi 11 novembre, ils tiennent salon chez Ghislain Boutemy, propriétaire du Château Haut-Lagrange, à Léognan, en Gironde. Ces cinq vignerons sont liés par une forte amitié, mais pas seulement. Ces trentenaires sont tous de la même promotion de l'Enita de Bordeaux, diplômés d'oenologie et à la tête de propriétés viticoles.

Dans la grande salle de réception attenante au chai, chacun a pris place derrière son stand pour présenter ses vins : à droite en entrant celui de Ghislain, à gauche le champagne et, tout à côté, le saint-émilion. au fond de la salle, le minervois fait face au bourgogne. À 10 heures pétantes, les premiers clients passent la porte : Marie-Christine et Rémi, un couple de retraités. Sans hésiter, ils se dirigent vers le stand du Château Haut-Lagrange, en AOC Pessac-Léognan. « Nous connaissons bien ce château. Le blanc est exceptionnel. Et à un prix raisonnable. Il vaut bien des grands noms », souligne Rémi.

Ghislain, qui a repris la propriété familiale de 8,5 ha, leur explique le principe de cette vente des « Copains du terroir » qui en est à sa troisième édition. « Tous les cinq, nous sommes éloignés géographiquement. Alors j'ai proposé à mes amis cette journée de dégustation dans notre propriété. Cela nous permet de nous retrouver et de faire découvrir aux Bordelais des vins d'autres régions », explique-t-il.

Marie-Christine et Rémi apprécient le concept. Mais, avant tout, ils veulent déguster le Haut-Lagrange. Va pour le blanc 2016 : 50 % sauvignon, 50 % sémillon, mis en bouteille en juin dernier, proposé à 17,50 € la bouteille. Rémi le trouve « un peu jeune ». Qu'importe, il reste un inconditionnel du domaine. Satisfaits, les voilà partis pour découvrir d'autres régions. Ils reviendront plus tard pour acheter un carton de blanc. Direction le stand du Minervois. Le couple y découvre Audrey Rouanet, une brune piquante, sourire malicieux, tout juste 30 ans.

Entre les six bouteilles qui trônent sur sa table, (trois pays-d'oc à 6 € la bouteille et trois minervois à 9 €), la jeune femme a placé des cartes de sa région et de son terroir. Bien en évidence trône la photocopie d'un article de l'hebdomadaire Le Point de septembre 2016, où elle figure en photo aux côtés de son père. Elle propose aussi l'huile d'olive produite à partir de la centaine d'oliviers de son domaine. En quelques mots, elle retrace ses choix : en 2012, elle reprend la propriété familiale de 22 ha à Cesseras (Hérault). Fini le vrac et l'apport à la cave coopérative. Place à la bouteille et au bio.

« Je suis partie de zéro, cela a été dur mais ça valait le coup », lâche-t-elle. « Elle pilote son affaire et elle est jeune », confie Marie-Christine, un brin admirative, tout en buvant son pays-d'oc blanc 100 % colombard qu'elle juge « rond, fruité ». Son prix de 6 € la bouteille n'est pas pour lui déplaire. Puis elle attaque les tartines à l'huile d'olive. Un régal. Marie-Christine et Rémi en achètent une bouteille. Organisée, Audrey prend leurs coordonnées qu'elle saisit immédiatement dans son ordinateur portable.

Sur le stand du château La Grande Clotte, Mathieu Mercier fait exception : il est le seul de la bande à avoir acheté une propriété hors du cadre familial. En 2016, avec sa compagne Julie Rapet, il acquiert ce vignoble de 7,5 ha à Lussac, anciennement confié en fermage à Michel et Danny Rolland. Il fait goûter le blanc 2013 signé par Michel Rolland, à 17 € la bouteille à Cécile et Fred, qui travaillent dans la banque et dans la sécurité. Le couple a quitté les Yvelines il y a quatre mois pour s'installer en Gironde. Ils apprécient ce blanc. « Je sens le gras. Il n'écrase pas les papilles », indique Fred.

Mathieu profite de cette bonne impression pour faire goûter le rouge 2015, un assemblage de merlot (90 %) et de cabernet franc (10 %), le premier millésime assemblé par le jeune couple, proposé à 12 € la bouteille. Cécile et Fred sont unanimes : « Ce rouge est différent de ce que l'on a l'habitude de boire. Il y a cette explosion de fruits, cette belle longueur. » Alors, Mathieu parle de son domaine, du beau terroir argilo-calcaire de l'appellation Lussac Saint-Émilion, ses 6,5 ha de rouge, son hectare de blanc, et ses projets de se lancer dans l'oenotourisme. Il engage les visiteurs à goûter son blanc 2015 ramassé tardivement et affiché à 18 € la bouteille. « Le Château Haut-Lagrange vendange début septembre. Nous le faisons autour du 25 septembre », indique-t-il. Cécile et Fred promettent de revenir plus tard. Ils veulent aussi découvrir les autres vins.

Sur l'espace des champagnes Thierry Massin, c'est l'effervescence. On parle fort, on est dans l'exubérance. Kim, 42 ans, canadienne, titulaire d'un MBA en Wine Marketing and Management, Nicole, qui vit au Japon depuis vingt ans, et Soline, 30 ans, blogueuse et guide oenotouristique dans les vins bio à Bordeaux, semblent ravies de déguster gratuitement ! Kim a eu l'info sur Facebook et elle y a entraîné ses amies.

Violaine Henry, la gérante de ce domaine créé par son grand-père, leur a servi la cuvée Instant M, un blanc de noirs extra brut issu de terroirs argilo-calcaires, à 18,10 € la bouteille. « Il a peu de sucre. On est sur le côté vineux, sec. On aime ou on n'aime pas », prévient-elle, plutôt directe. « Il a de l'acidité. Il n'est pas mal. On pourrait le boire avec des feuilletés au fromage », note Kim avec gourmandise. Les trois copines trinquent. Et en redemandent.

Cette fois, Violaine leur présente la cuvée Mélodie, un pur chardonnay qui a vieilli plus de 24 mois en cave (17,70 € la bouteille). « Les bulles sont plus fines et il est plus gras. Il a plus de caractère », selon Nicole. Pendant que ses visiteurs dégustent, Violaine présente en quelques mots la propriété familiale de 12 ha à Ville-sur-Arce, dans l'Aube, qu'elle gère avec son cousin. Elle évoque la limitation des intrants, l'enherbement, l'effeuillage précoce et les vinifications parcellaires. Elle désigne sur une carte son village de la Côte des Bar. Tout en encaissant les commandes de plusieurs visiteurs venus uniquement pour récupérer leurs bouteilles.

« On connaît ce champagne. On n'est pas déçu. On achète en prévision de Noël », explique une dame pressée, la quarantaine, qui n'a pas le temps de jeter un oeil aux autres stands.

Il est 13 heures. Violaine a vendu six cartons. « C'est mieux que l'an dernier. » Les trois amies sont toujours là. Elles attaquent la cuvée Prestige (16,70 € la bouteille), 70 % pinot noir, 30 % chardonnay, médaille d'argent aux Vinalies Internationales 2014. Un flop ! « Au nez, c'est décevant. Je ne sens rien », avoue Soline. Les trois amies tournent les talons sans rien acheter et mettent le cap sur les bourgognes.

Là, un autre trio fait déjà face à Amélie Berthaut, à la tête du domaine du même nom, basé à Fixin, en Côte-d'Or : Fanny, Théo et Clémence, des trentenaires bordelais. En préambule, Théo, l'avoue : « On est habitué aux bordeaux. » Pour un peu, il s'excuserait. Pas de problème pour Amélie. La voix douce, presque timide, elle joue la carte de la pédagogie. Ça tombe bien, Fanny ne sait pas ce qu'est le pinot noir. Et encore moins le fixin. Sauf qu'à goûter le fixin 2015 1er cru, elle est scotchée. « Mais que c'est bon ! », lâche-t-elle.

Amélie déploie la carte de l'appellation Fixin qu'elle entend bien défendre, celle de la Côte de Nuits et la carte géologique pour expliquer ce qu'il y a sous les pieds de vigne. Dans la foulée, elle offre à ses visiteurs un petit livret sur la Bourgogne et ses cinq régions viticoles.

Kim, la Canadienne, est aux anges : « C'est bien que la Bourgogne vienne en terre bordelaise. J'adore ce fixin 1er cru 2015. C'est une pépite. Il est superbe. » Et de confier sa passion pour les vins de Bourgogne et les Bourguignons : « Quand tu téléphones dans un domaine en Bourgogne, tu entres en contact facilement avec le vigneron. Dans le Bordelais, tu tombes sur la stagiaire. Les Bourguignons sont plus simples. »

Entre deux gorgées de fixin, Brigitte, 57 ans, habitante de Léognan, enfonce le clou : « Les bordeaux sont trop chers. C'est du foutage de gueule. » Voilà Gérard, 65 ans, qui connaît bien les bourgognes. Il sait ce qu'il veut. Sans hésiter ni même prendre le temps de déguster, il commande six fixins et trois gevrey-chambertin pour 190 €.

Monique, employée de banque, et Francis, chauffeur, la cinquantaine, ont fait leur marché : six bouteilles de Haut-Lagrange blanc et six de rouge. Eux, c'est les bourgognes qu'ils trouvent trop chers. Pas question d'en acheter. Et ils veulent « faire travailler les gens d'ici. Nous sommes de la région, donc on achète des bordeaux », souligne Monique, sûre d'elle, d'une voix forte.

Malgré tout, ils jettent un oeil du côté du stand du Minervois. Audrey leur sert son minervois rouge 2015, 70 % de syrah et 30 % de grenache à 9 € la bouteille. Et patatras : ils succombent. Les voilà prêts à faire une petite entorse à leur religion. « Ce vin est charpenté, prometteur. Il se rapproche des vins d'ici », estime Francis. Il craque pour six bouteilles. Et confie : « C'est bien d'acheter à des jeunes. »

En fin de soirée, le club des cinq a partagé un bon repas, avec d'autres amis. Histoire de fortifier leur amitié et de fêter leurs retrouvailles.

Une troisième édition réussie

La bande des cinq a fait les comptes. En une journée, Ghislain a vendu 220 bouteilles de château Haut-Lagrange. Mathieu, le vigneron de Lussac, annonce le chiffre de 60 bouteilles. « C'est notre première édition car nous ne sommes à la tête de La Grande Clotte que depuis 2016. Pour les prochaines dégustations, il nous faut développer notre concept de Copains du terroir. Nous pourrions proposer un coffret réunissant cinq vins issus de chacune de nos propriétés », explique-t-il. Violaine a écoulé 200 bouteilles de champagne, contre 150 à l'édition précédente. « L'important, c'est de garder l'esprit des copains », lâche-t-elle. Audrey a vendu 70 cols de minervois, 60 de Pays d'OC et 45 d'huile d'olive, et Amélie une centaine de bouteilles de Bourgogne. « Je craignais un manque d'ouverture de la part des Bordelais. Mais les gens ont fait le tour des stands. Ils ont découvert les vins des autres régions. C'est une belle surprise », s'enthousiasme-t-elle. L'an prochain la quatrième dégustation devrait se tenir au château Haut-Lagrange à la même période. Mais une manifestation de printemps est envisagée.

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BILAN DE L'OPÉRATION

>> LES POINTS POSITIFS

Le concept est porteur : de jeunes viticulteurs et viticultrices qui ont la même formation font partager leurs passions lors d'une vente de leurs vins. Cela provoque des achats non planifiés.

Les consommateurs apprécient la dégustation gratuite. Certains ont alors acheté ne serait-ce qu'une bouteille pour exprimer leurs remerciements.

Faire découvrir des AOC d'autres régions fait recette, à condition de jouer la carte de la pédagogie.

CEUX À AMÉLIORER

Prévoir d'être plusieurs sur un stand pour se relayeret pouvoir souffler un peu.

L'absence de sens de circulation dans le stand pour la dégustation a occasionné une certaine pagaille.

La presse locale et les blogueurs du vin n'ont pas été prévenus de la manifestation. Le Château Haut-Lagrange a communiqué sur les réseaux sociaux et invité ses clients par mail : des outils nécessaires mais pas suffisants.

L'essentiel de l'offre

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