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Magazine - Histoire

Période : XIXe siècle Lieu : Hérault Louis et Henri BouschetPionniers hybrideurs

FLORENCE BAL - La vigne - n°303 - janvier 2017 - page 86

À partir de 1820, les Bouschet père et fils ont été les premiers à se lancerdans la création de variétés de vignes. Ils voulaient obtenir des cépages productifs donnant des vins très colorés.
Le cépage petit Bouschet est le premier créépar Louis Bouschet. SOCIÉTÉ DE POMOLOGIE

Le cépage petit Bouschet est le premier créépar Louis Bouschet. SOCIÉTÉ DE POMOLOGIE

De la persévérance, le Montpelliérain Louis Bouschet et son fils Henri en avaient. Au XIXe siècle pendant près de 50 ans, ils ont été les pionniers de la création de nouvelles variétés de vignes par croisements de Vitis vinifera. En revanche, rien n'a filtré sur leur vie personnelle ni même professionnelle. Tout au plus sait-on qu'ils étaient propriétaires fonciers et viticulteurs à Mauguio, village de la plaine littorale près de Montpellier (Hérault). C'est là qu'ils réalisaient leurs croisements.

« Le nom de Bouschet restera attaché aux remarquables hybrides des teinturiers et des cépages méridionaux dont la création - commencée par M. Bouschet père et étendue par son fils - a introduit dans l'oenologie un élément de coloration naturel et légitime propre à enrayer l'emploi frauduleux des matières colorantes étrangères au vin », souligne Jules-Émile Planchon dans sa nécrologie d'Henri Bouschet, décédé en 1881.

Quelles ont été les motivations de Louis Bouschet pour entreprendre ce travail de titan ? « Au début du XIXe siècle, les plaines fertiles du Languedoc, où s'étaient récemment établis des vignobles de cépages terret-bourret, terret gris et aramon, ne donnaient que des vins destinés à la distillation, retrace Pierre Viala, professeur à l'école d'agriculture de Montpellier, dans sa monographie des hybrides Bouschet parue en 1886. Or, le Midi aurait eu intérêt à produire des vins colorés car ils étaient demandés et payés plus cher. »

Dans cette optique, à partir de 1820, Louis Bouschet compare des cépages méridionaux sur son domaine. Insatisfait de ses résultats, il cherche alors à acclimater le cépage teinturier du Cher qui donnait des vins colorés. Trois ans plus tard, les 65 ares qu'il a plantés donnent seulement 3 hl. Cet échec le décide à se lancer dans des croisements de ce cépage avec l'aramon, très productif.

En 1828, il fait ses premiers croisements au sein de l'espèce Vitis vinifera. Cinquante ans avant la crise phylloxérique, il n'est pas encore question de croiser des cépages français avec des vignes américaines. C'est bien plus tard, en pleine guerre contre le phylloxéra, que Jules-Émile Planchon relèvera tout l'intérêt scientifique de cette technique, employée en horticulture mais pas sur la vigne, jusqu'aux travaux des Bouschet qui restèrent longtemps méconnus.

La méthode de Louis Bouschet « consistait à planter, en les juxtaposant, les deux variétés à hybrider et à obtenir leur floraison en même temps. Il y parvenait au moyen d'écrans par lesquels il abritait du soleil la variété la plus précoce pour en retarder la floraison. Une fois les grappes en fleur, elles étaient entrelacées et maintenues par des fils de manière à permettre la fécondation croisée. Les pépins des grains colorés obtenus étaient ensuite semés pour être expérimentés », indique Pierre Viala.

Les Bouschet greffent alors les bois des jeunes vignes issues des semis sur des ceps vigoureux et obtiennent leurs premiers raisins en 1836. Leur jus est très abondant. Leur intensité colorante est 13 fois plus élevée que celle de l'aramon. Le succès est au rendez-vous.

« Le petit Bouschet est né, premier hybride métis d'une longue lignée que son fils développera à son tour après 1850 », raconte le géographe Marcel Lachiver dans son livre Vins, vignes et vignerons. Henri Bouschet s'est ensuite servi du petit Bouschet pour féconder les principaux cépages méridionaux et obtenir la « tribu » des hybrides Bouschet : alicante-Bouschet (grenache × petit Bouschet), grand noir de la Calmette (petit Bouschet × morrastel), carignan-Bouschet, etc. Père et fils obtiendront 1 100 nouvelles variétés de vignes. Lors de ses recherches contre le phylloxéra, Pierre Viala en retiendra 63, puis 12 pour leur réel intérêt productif ou ampélographique.

Père et fils « sont morts au moment où la reconstitution des vignobles détruits par le phylloxéra a mis en évidence l'utilité et le succès de leurs travaux », poursuit Jules-Émile Planchon. En effet, les cépages qu'ils ont obtenus seront abondamment plantés, à côté des hybrides producteurs directs créés pour reconstituer le vignoble après le phylloxéra : près de 100 000 ha en 1914, environ 400 000 ha en 1958 à leur apogée, soit presqu'un tiers du vignoble. En 2015, il restait encore 3 114 ha d'alicante-Bouschet, environ le double des surfaces cultivées en aramon.

Les Hybrides Bouschet, Pierre Viala, 1886. Nécrologie in Les Vignes américaines, par Jules-Émile Planchon. Description des principaux cépages méditerranéens, par Henri Mares. Vins, vignes et vignerons, par Marcel Lachiver.

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