Dans le Roussillon, lorsque des relations de confiance s'établissent entre les producteurs et le négoce, elles durent ! « Depuis 2005, nous avons avec Gérard Bertrand un partenariat que nous venons de reconduire pour cinq ans et dans lequel les prix sont fixés pour les trois ans à venir », annonce Régis Ouguères, président des Vignerons de Tautavel-Vingrau, dans les Pyrénées-Orientales.
Ce partenariat repose sur un contrat écrit, associé à un cahier des charges. La coopérative s'engage à livrer au négociant la récolte d'une sélection de parcelles en AOC Côtes-du-Roussillon-villages Tautavel. Elle lui accorde l'exclusivité du vrac dans cette appellation et ne vend le reste de ses tautavels qu'en bouteilles, là où le négociant n'est pas présent. « Cela fonctionne bien. Nous avons démarré à 3 000 hl pour arriver à 5 000 hl. Les prix, quant à eux, ont grimpé de 120 à 160 €/hl », précise Régis Ouguères.
La maison Cazes, basée à Rivesaltes (groupe AdVini), et le Rhodanien Michel Chapoutier ont des partenariats similaires avec d'autres caves des Côtes-du-Roussillon-villages. « Ces vignerons négociants accompagnent la montée en gamme de nos vins secs en les distribuant dans des circuits où nous ne sommes pas présents », note Serge Guillet, de la Maison des vignerons, à Perpignan.
Parallèlement, les coopératives développent leurs ventes en bouteilles. Ceci contribue paradoxalement à améliorer leurs relations avec les négociants. « Nous avons nos propres informations sur les marchés et nous pouvons discuter de façon plus mature avec nos acheteurs », souligne Hervé Lasserre, directeur des Vignobles de Constance et du Terrassous, à Terrats. Il note aussi que les négociants deviennent moins opportunistes : « La concurrence s'accroît pour acheter des vins de qualité maîtrisée. Cela pousse les négociants à construire des relations durables avec nous. »
Du côté des vins doux naturels, la production monte au créneau pour obtenir des hausses de prix auprès de la GD, qui vend 80 % de ces vins. Les présidents des ODG Rivesaltes et Muscat de Rivesaltes ont écrit à toutes les enseignes pour leur expliquer que les vins doux naturels allaient s'éteindre si les cours ne remontaient pas au-dessus des coûts de production. « Nous subissons la guerre des prix entre enseignes, déplore Roger Torreilles, président de l'ODG Muscat de Rivesaltes. Les états généraux de l'alimentation ont mis en avant la nécessité de partir des coûts pour construire les prix et partager la valeur ajoutée. C'est le moment de faire bouger les lignes. Nous avons aussi rencontré les négociants pour faire le point sur nos coûts. À eux de prendre leurs responsabilités et de négocier des hausses avec la GD. »
En attendant, de plus en plus de producteurs misent sur le bio, là encore en partenariat avec des acheteurs. « Vinadéis s'est engagé sur des primes de 50 à 70 €/hl. Cela a décidé un tiers de nos adhérents à se convertir », explique Laurent Girbau, président des Vignerons de Passa Saint-André. Même constat à la maison Cazes : « Le bio n'est plus une niche, note Emmanuel Cazes. Nous proposons aux producteurs des contrats pluri-annuels avec des engagements de prix. »
Le Point de vue de
SELON VOUS, LES RAPPORTS ENTRE PRODUCTION ET NÉGOCE ONT-ILS CHANGÉ ?«Oui. Les relations se compliquent car les négociants n'hésitent pas à s'approvisionner aussi en Espagne. Mais de plus en plus d'acheteurs sont à la recherche de profils qualitatifs. Avec un négociant du Languedoc, nous reconduisons chaque année des contrats sur des cuvées de cépages en IGP Pays d'Oc. Nous travaillons en confiance. Tant que la qualité demandée est là, le prix reste bon. Cela représente 40 % de nos volumes. Pour le reste, nous passons par des courtiers en restant à l'affût des opportunités pour choisir les meilleurs prix. »
Le Point de vue de
SELON VOUS, LES RAPPORTS ENTRE PRODUCTION ET NÉGOCE ONT-ILS CHANGÉ ?«Non. Pour les vins doux naturels, nous avons depuis longtemps des relationsde confiance avec les négociants. Sur le marché des vins secs, il y atoujours des opportunistes.Ils n'étaient pas intéressés par nos vins il y a quelques années. Aujourd'hui, ils nous appellent car ils ont du mal à trouver les profils correspondant à leurs besoins. Mais avec une récolte en baisse d'un tiers, nous allons réserver nos volumes à nos débouchés en bouteilles et à nos acheteurs fidèles, ceux qui nous prennent chaque année des qualités bien définies. »