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DOSSIER - VITICULTURE, NÉGOCEDES RELATIONS APAISÉES

GASCOGNE CVG étend son empire

FLORENCE JACQUEMOUD - La vigne - n°304 - janvier 2018 - page 35

La coopérative CVG, principal acteur sur le marché du vrac, monte en puissance après avoir repris un négoce. En face, de gros domaines achètent de plus en plus de raisin pour continuer à se développer, introduisant des partenariats.
ÉRIC LANXADE, directeur commercial de CVG, qui représente un quart de la production du bassin.  CVG

ÉRIC LANXADE, directeur commercial de CVG, qui représente un quart de la production du bassin. CVG

En Gascogne, premier bassin de production de vin blanc sous IGP avec 27 % des volumes nationaux, le marché du vrac a connu de grandes évolutions. « Le Gers comptait auparavant un courtier en vin par canton. Aujourd'hui, il n'en reste plus que deux, constate le courtier Xavier Papelorey, gérant des établissements éponyme, à Larressingle. Nous traitons 175 000 hl de vins du Gers par an, dont 15 % en IGP. » Le deuxième courtier est la Distillerie des Grands Crus, filiale de la Distillerie Douence. Les autres acheteurs interviennent de l'extérieur.

Les volumes d'IGP Côtes-de-Gascogne conditionnés localement augmentent chaque année. Le bassin fait donc moins appel aux intermédiaires, mais il a toujours besoin de négociants pour écouler une bonne part de sa production. Surtout les années de grosse récolte, comme en 2016, où 840 000 hl d'IGP ont été certifiés (+ 5 % par rapport à 2015).

Sur ce point, Bertrand-Gabriel Vigouroux, négociant et producteur à Cahors et acheteur de vins de Gascogne, observe que la région s'est bien professionnalisée. « Elle répond aux attentes des metteurs en marché, estime-t-il. Or, il est indispensable pour une région d'avoir une vraie politique de vrac car elle nous permet de bâtir des marques. »

En première ligne sur le marché du vrac : les Caves et Vignobles du Gers (CVG), alliance entre la section viticole de Vivadour et le groupe Gerland, issu de la fusion des caves d'Eauze et de Panjas. Cette coopérative vend entre 400 000 et 500 000 hl par an, soit un quart de la production du bassin. Ses vins sont principalement des blancs secs : une moitié d'IGP Côtes-de-Gascogne pour les clients attachés au terroir, l'autre vendue en vins de France, au grand export, à des clients plus sensibles au cépage.

En 2017, CVG a lancé le plan Bacchus 300 qui vise à installer vingt jeunes sur 15 ha chacun pour disposer de 300 ha supplémentaires sous cahier des charges dans cinq cépages majeurs (sauvignon, chardonnay, colombard, gros manseng et ugni blanc).

CVG a par ailleurs passé un cap en fin d'année, en reprenant le négociant vinificateur Mao, à Gondrin, augmentant ainsi son potentiel de production de plus de 100 000 hl. Mais rien ne dit que tous les viticulteurs travaillant avec Mao veuillent intégrer le fonctionnement coopératif. Les cartes sont donc à nouveau rebattues.

À cela s'ajoute une vingtaine de vignerons indépendants qui se développent en achetant du vin à d'autres producteurs. Ils établissent des accords de partenariat à long terme avec leurs confrères, reposant sur des cahiers des charges précis. Des apports vitaux pour leur croissance, particulièrement en 2017, année de faible récolte. « Ces initiatives dynamisent la filière, commente Bernard Bonnet, président de l'interprofession des vins de côtes-de-gascogne. Nous avons de la chance d'avoir des entreprises qui portent l'image de la région. »

La Gascogne n'a pas l'habitude de la contractualisation, en dehors de ces vignerons indépendants. « Je fais appel à des vignerons ou à CVG pour me fournir du vin en vrac, explique Bertrand-Gabriel Vigouroux. Mais je ne signe pas de contrat à long terme avec mes fournisseurs. Je privilégie les engagements oraux. La dernière fois que j'ai signé un contrat écrit avec un viticulteur, ses vignes ont gelé et il n'a rien pu me vendre. »

« Les acheteurs préfèrent les contrats ponctuels, signés devant des échantillons en discutant le prix, plutôt que de contractualiser sur du long terme », confirme Xavier Papelorey. Chez CVG, Éric Lanxade, directeur commercial, « ne crois pas aux contrats pluriannuels avec le négoce ».

Chaque année en juillet, au vu des perspectives de récolte, cette cave estime les lots qu'elle aura à proposer et fixe ses prix. Dès lors, ses clients peuvent réserver des lots, ce qui est le cas pour 20 % de l'offre, l'objectif étant d'atteindre 50 %. « Nous refusons l'idée qu'il y ait des cours du vin », affirme Franck Clavier, le directeur général de Vivadour. CVG soutient que son prix moyen de vente augmente chaque année, sauf en 2016 pour cause de surproduction. Ce prix s'est élevé à 92 €/hl l'année dernière, avec une fourchette allant de 75 à 150 €/hl.

« Tout au long de l'année, nous entretenons la relation avec nos clients, poursuit Éric Lanxade. Nous allons les voir à ProWein et Vinexpo pour connaître leurs attentes. Nous présentons nos vins à la World Bulk Wine Exhibition, à Amsterdam, afin de valider le mix produit et le prix. Le fait que notre sauvignon y ait été élu, en 2014 et 2015, meilleur sauvignon du monde a renforcé notre crédibilité. En juillet dernier, nous avons participé au salon du vrac de San Francisco, ce qui nous a permis de nous ouvrir à des marchés américains, australiens, canadiens et chinois. L'important est de créer un lien. »

Cahors Une double casquette

À Cahors, la séparation entre viticulture et négoce n'est plus aussi tranchée qu'auparavant. Le négociant Vigouroux détient de longue date des domaines (Châteaux Mercuès et Haute-Serre). Quant aux viticulteurs, ils sont de plus en plus nombreux à se lancer dans une activité de négoce. Ils achètent du vrac à leurs confrères qui produisent trop pour tout vendre en direct et ils créent des marques qu'ils valorisent sur leurs réseaux commerciaux. Leurs rangs se sont étoffés cette année avec l'arrivée d'Hervé Joyaux, installé en Argentine, qui est revenu à Cahors en juillet. Il a racheté trois propriétés (Château Saint-Didier-Parnac, Château de Grézels, Prieuré de Cénac), soit 120 ha. Désormais deuxième producteur d'AOP Cahors, il a également lancé le négoce Latis. Cette interpénétration des rôles a permis aux deux familles de bien segmenter leur offre, avec l'IGP Côtes du Lot en entrée de gamme et l'AOP Cahors au-dessus. Le négoce a supprimé les cahors premier prix en GMS, en sortant 20 000 hl des rayons en dix ans. La production en AOP est passée de 250 000 hl au début des années 2000 à 150 000 hl aujourd'hui, celle d'IGP progressant en sens inverse.

Gaillac Peu de vrac

À Gaillac et dans le Tarn, le marché se partage entre deux coopératives - Vinovalie et la Cave de Labastide -, deux négociants - les vignobles Gayrel et la SARL Rose - et des vignerons embouteilleurs indépendants. « Il n'y a pas énormément de vrac et c'est un marché assez opportuniste, constate Céline Lahaye, courtière à Gaillac. Si les viticulteurs ont trop de vin pour leur production en bouteilles, ils le vendent en vrac. » Ce qui n'est pas le cas cette année. Selon cette courtière, production et négoce travaillent sans contrat. C'est le cas d'Adrien Fraysse, viticulteur avec ses parents sur 30 ha à Villeneuve-sur-Vère. « Nous livrons tout notre raisin à Gayrel, sans contrat, ni cahier des charges. Au moment des vendanges, nous ne savons jamais combien nous serons payés. Mais depuis bientôt vingt ans, cette entreprise achète à un prix correct la production locale. Il y a trois ans, mes parents ont quitté la coop, bien qu'elle procure une sécurité d'achat de la vendange et de paiement, pour livrer Gayrel. Et aujourd'hui, notre côtes-du-tarn nous est payé 15 €/hl plus cher qu'à la coop. »

Le Point de vue de

François Faget, Château Pomès-Pébérère, à Condom (Gers). 45 ha, 100 % de vrac

SELON VOUS, LES RAPPORTS ENTRE PRODUCTION ET NÉGOCE ONT-ILS CHANGÉ ?

«Nous n'avons pas de négoce local, excepté des producteurs-négociants qui veulent compléter leur production. Et les négociants hors région n'ont pas hésité, ces dernières années, à se servir en Espagne pour gagner 0,03 € de plus par col. Aujourd'hui, ils reviennent, mais j'ai peur que ce ne soit conjoncturel. Pour ma part, je travaille depuis vingt ans avec quatre entreprises sans contrat, en confiance. Je ne fais plus de bouteilles, je n'en ai plus envie. Mais pour amortir l'investissement dans ma cave, je vinifie toute ma récolte, soit 4 500 à 5 000 hl par an. »

Le Point de vue de

Hélène et Sébastien Périssé, Domaine de Malartic, à Sarragachies (Gers). 45 ha, 30 % de vrac.

SELON VOUS, LES RAPPORTS ENTRE PRODUCTION ET NÉGOCE ONT-ILS CHANGÉ ?

«Nous travaillons avec deux autres domaines indépendants, au sein du groupement Saveur Gascogne, grâce auquel nous vendons la moitié de nos vins IGP Gascogne sous la marque commune Vintus. Cela nous ouvre de nouveaux marchés, dans une démarche déconnectée du prix du vrac. Nos tarifs sont établis de manière à ce que tout le monde soit gagnant. Il s'agit de vins que nous élaborons et mettons en bouteille à la propriété. Nous vendons par ailleurs 20 % du volume sous le nom du domaine et encore 30 % en vrac. À terme, nous voulons tout passer en bouteille. »

Le Point de vue de

Xavier Papelorey, courtier à Larressingle (Gers). 175 000 hl par an.

SELON VOUS, LES RAPPORTS ENTRE PRODUCTION ET NÉGOCE ONT-ILS CHANGÉ ?

«Quelques viticulteurs achètent du raisin et des moûts à des collègues pour faire des vins qu'ils revendent ensuite en vrac. Ils traitent directement avec leurs collègues, sans passer par un courtier. Ils font du négoce, en plus de leur propre activité. Il s'agit d'une nouvelle concurrence pour nous, mais elle est naturelle. Dans la région, le nombre d'interlocuteurs diminue. Ceux qui restent ne peuvent pas tout faire. Or, tous les viticulteurs ne veulent pas travailler avec la coopération ou le négoce hors région. Ils cherchent d'autres partenaires. »

L'essentiel de l'offre

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