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DOSSIER - VITICULTURE, NÉGOCEDES RELATIONS APAISÉES

CENTRE Tous ensemble

MARION BAZIREAU - La vigne - n°304 - janvier 2018 - page 49

À Sancerre, « un négociant est un vigneron qui a réussi ». En effet, 100 % des négociants sont producteurs. Les deux parties n'ont pas besoin de contrats pour entretenir des relations pérennes.
ARNAUD, Lionel et Jean-Christophe Bourgeois(de gauche à droite) sont négociants.  © H. BOURGEOIS

ARNAUD, Lionel et Jean-Christophe Bourgeois(de gauche à droite) sont négociants. © H. BOURGEOIS

Dans le Centre, l'interprofession n'a qu'une vision imparfaite des ventes en vrac. Elle n'a pas de contrats et pas d'information sur ceux conclus entre producteurs et négociants. « Nous n'avons connaissance des volumes que via les DRM », explique Benoît Roumet, directeur du BIVC. Selon ces statistiques, 35 % des bouteilles sont vendues par le négoce. « Mais, comme tous les négociants sont aussi producteurs, ces chiffres englobent leur production. » Et pour connaître les prix, l'interprofession questionne les acheteurs. Libre à eux de répondre !

Les relations entre acheteurs et vendeurs sont encore plus informelles. « Tout passe par des poignées de mains, rien n'est écrit. Certains opérateurs, comme les Grands Chais de France, ont bien des contrats internes mais il arrive que les vignerons refusent de les signer », témoigne Olivier Thierriaz, seul courtier assermenté de la région. Clément Berthier, vigneron sur 25 ha à Sainte-Gemme-en-Sancerrois et négociant depuis 2013, fait le même constat. « Nous devons nous battre pour faire signer les viticulteurs lorsque nous achetons de gros volumes. »

Pour autant, les relations commerciales sont pérennes. « Les vignerons vendent souvent un même pourcentage de leur récolte au même négociant pendant de nombreuses années », poursuit Benoît Roumet.

« Nous connaissons les parcelles de nos partenaires par coeur », lance ainsi Arnaud Bourgeois, PDG de la maison Henri Bourgeois, à Sancerre. À rebours des coutumes, ce négociant établit des contrats de trois ans tacitement reconduits s'ils ne sont pas dénoncés avant avril. Les prix et les volumes d'achat sont définis en septembre lors d'une réunion de prévendanges à laquelle il invite les vignerons. Alors qu'à Sancerre neuf ventes sur dix portent sur des vins clairs, cette maison achète essentiellement de la vendange et des moûts.

En trente ans, Arnaud Bourgeois n'a perdu qu'un seul fournisseur. Il n'en a pas non plus gagné beaucoup. « Quand nous faisons face à une petite récolte, nous essayons d'orienter nos clients vers des vins à élevage plus long. Nous ne partons pas à la recherche de nouveaux vignerons car nous savons qu'ils sont très fidèles à leurs acheteurs. Et nous ne voulons pas jouer la surenchère. »

Pour les négociants extérieurs, le marché est complètement verrouillé. Ainsi, Noël Bougrier, qui travaille sur l'ensemble du Val de Loire, ne réalise que 5 % de son chiffre d'affaires à Sancerre. « Nous aimerions y acheter davantage de vins mais c'est très difficile. » D'autant qu'il a face à lui deux fois plus de concurrents qu'il y a cinq ans. Jusqu'en 2012, la région comptait une trentaine de négociants. Ils sont aujourd'hui 60, plusieurs vignerons ayant pris le statut de négociant pour pouvoir répondre à la demande de leurs clients.

« Ces demandes viennent souvent des Américains, qui se sont pris d'amour pour Sancerre et Pouilly depuis trois ans », relate Olivier Thierriaz. Clément Berthier s'est lancé car il ne pouvait plus satisfaire le marché anglais. Il achète désormais du moût et du vin à une vingtaine de viticulteurs et a élargi sa gamme aux Pouilly-Fumé et Menetou-Salon. « Nos fournisseurs sont souvent des gens qui ont acheté des vignes et ne souhaitent pas mettre davantage de vin en bouteilles », explique-t-il.

Le tandem négoce-viticulture fonctionne si bien qu'il a gagné les organisations professionnelles. Depuis 2014, le BIVC s'est doté d'une coprésidence, en lieu et place de l'habituelle alternance de mandats.

« Nous nous sommes également dotés d'un conseil territorial début 2017 », ajoute Gilles Guillerault, président de la FUVC. Ce conseil regroupe le BIVC, la FUVC, l'IGP Val de Loire et l'administration (préfecture, Inao et FranceAgri-Mer). « Cette année, il nous a permis d'obtenir la garantie qu'il n'y aurait pas de plantation de sauvignon ou de pinot noir en IGP à proximité de notre aire d'appellation. » Même sur cette question, le négoce est de l'avis des producteurs. « Cela créerait de l'ambiguïté dans la tête des consommateurs. C'est un terrain trop glissant », indique ainsi Arnaud Bourgeois.

Le Point de vue de

Un sujet tabou

« Nous ne parlons pas de ça. » C'est ce que nous ont répondu plusieurs vignerons lorsque nous leur avons demandé comment ils travaillaient avec le négoce. Le syndicat, l'interprofession, et les négociants ne se sont pas montrés plus coopératifs lorsque nous leur avons demandé des contacts. Nous n'avons pas non plus pu obtenir le cours moyen du sancerre. Le sujet de la vente en vrac semble complètement tabou dans la région. Un professionnel nous a même expliqué que nos efforts étaient perdus d'avance, que nous ne parviendrions à recueillir aucun témoignage. « On se querelle en interne mais, dès que quelqu'un de l'extérieur approche, on ne dit plus rien et on fait comme si tout allait bien », a-t-il expliqué.

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