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DOSSIER - VITICULTURE, NÉGOCEDES RELATIONS APAISÉES

PAYS NANTAIS Des relations plus sereines

PATRICK TOUCHAIS - La vigne - n°304 - janvier 2018 - page 55

Avec 8 000 ha en production, le Muscadet semble avoir trouvé un équilibre que tous les acteurs de la filière veillent à préserver malgré deux petites récoltes successives.
JEAN-YVES BRETAUDEAU (à droite), président du groupement Vignerons Nantes-Atlantique (VNA), et Raphaël Allard, vice-président de VNA, qui réunit une centaine de fournisseurs du négociant Lacheteau. E. BALANÇA

JEAN-YVES BRETAUDEAU (à droite), président du groupement Vignerons Nantes-Atlantique (VNA), et Raphaël Allard, vice-président de VNA, qui réunit une centaine de fournisseurs du négociant Lacheteau. E. BALANÇA

Après deux petites récoltes successives, le spectre de 2008 revient dans toutes les discussions liées au marché du vrac en Pays nantais. 2008, l'année des erreurs, des « conneries ». Un gel de printemps anéantit la moitié de la récolte alors que le vignoble commence seulement à se remettre du gel de... 1991. Les prix flambent. Le moût de Muscadet-Sèvre-et-Maine sur lie - l'appellation phare - passe de 104 €/hl à près de 200 €/hl. L'année suivante, les vins augmentent de 1 €/col en grande distribution et les consommateurs s'en détournent. C'est la catastrophe : les ventes et les cours chutent. La filière doit faire distiller des vins pour assainir les marchés.

Chacun a tiré les leçons de cet épisode malheureux. Alors que la récolte 2017 est faible, après celle tout aussi maigre de 2016, les cours grimpent raisonnablement. « Les relations sont bien plus sereines, moins conflictuelles. Les deux familles font en sorte de ne pas reproduire 2008 », apprécie le courtier Hervé Luneau.

« Autre phénomène : le vignoble est passé en quelques années de 13 000 à 8 000 ha, ajoute Christian Gauthier, le président de la Fédération des vins de Nantes. Les négociants commencent à craindre de ne pas obtenir assez de volume. Ça change forcément les relations. Désormais, on se voit tous les six mois pour évoquer les chiffres. On parle de prospective. On demande au négoce ce qu'il attend de la production, sur quel produit il souhaite qu'on se concentre. »

Conséquence de cet apaisement, des négociants reviennent. « Depuis deux ans, on s'intéresse à nouveau au muscadet, confie l'un d'eux basé en Anjou. Nous proposons des contrats pluriannuels aux producteurs. La qualité a énormément progressé. Aujourd'hui, on attend de ce vignoble de la stabilité avant tout. »

Des relations plus stables, c'est ce qu'ont essayé de construire des vignerons vendeurs de vrac en montant des coopératives dès les années 1990 pour proposer des lots importants au négoce. Une seule a survécu : Vignerons Nantes-Atlantique (VNA), qui, depuis, a pris une forme associative. Ce groupement compte une centaine de membres qui apportent leurs raisins ou moûts récoltés sur quelque 700 ha au vendangeoir de Lacheteau (filiale des Grands Chais de France), à Tillières. Ils bénéficient d'un contrat exclusif négocié entre le groupement et le négociant.

« On fonctionne avec un contrat pluriannuel de trois ans par reconduction tacite, sur la base d'un engagement de surfaces, mais c'est surtout un partenariat. On discute des prix chaque année qui sont arrêtés avant les vendanges. On évite le yo-yo. Quand ça monte très haut, comme en 2008, on ne suit pas. De même, quand c'est descendu très bas l'année d'après, on n'a pas chuté autant. Une telle relation, ça se construit sur le long terme », indique le président Jean-Yves Bretaudeau, producteur qui, consacre 10 ha sur ses 36 à VNA.

À Ancenis, les Vignerons des Terroirs de la Noëlle, du groupe Terrena, était la seule coopérative en Pays nantais à commercialiser du vin en bouteilles. Était, car, cette année, la cave s'est muée en un simple groupement de producteurs. Fini la vinification et la commercialisation. Désormais, les adhérents livrent leur récolte aux deux vendangeoirs de Drouet-Frères, l'un au Landreau, l'autre à La Chapelle-Heulin. L'entreprise a été rachetée par Ackerman, le négociant saumurois, propriété de... Terrena. Une affaire qui reste en famille.

Avec 8 000 ha en production, le vignoble semble avoir trouvé un équilibre. « On peut vendre cette surface à condition d'organiser les choses », approuve Hervé Luneau. Les deux familles s'y attellent en travaillant à la révision des cahiers des charges pour segmenter efficacement les muscadets. À l'avenir, le muscadet AC pourra ainsi contenir 10 % de chardonnay en plus du melon de Bourgogne afin de proposer un vin frais, aromatique et facile à boire ciblant un jeune public.

Au niveau supérieur, celui des appellations nommées ici les sous-régionales, comme le Muscadet-Sèvre-et-Maine sur lie, les vins resteront à 100 % du melon de Bourgogne. Mais les producteurs ne pourront plus les replier après le 31 juillet suivant la récolte. Objectif : stabiliser les volumes dans chaque segment. Autre point important : le développement de la contractualisation voulue de part et d'autre. Il s'agit le plus souvent de contrats de trois ans portant sur un engagement de surfaces.

« Encore faut-il garder ces 8 000 ha en production », souligne Christian Gauthier. La pyramide des âges et les crises n'ont pas favorisé les installations. C'est là un autre chantier.

Le Point de vue de

Romain Barreau, domaine de la Maretière, à Tillières (49). 32 ha dont 14 vendus en vrac.

SELON VOUS, LES RAPPORTS ENTRE PRODUCTION ET NÉGOCE ONT-ILS CHANGÉ ?

«La seule évolution importante, c'est que le négoce n'achète plus que de la qualité. Je suis installé avec mon frère depuis 2010 à la suite de nos parents. On vend une partie de notre vrac à un groupement qui revend à un négociant, et le reste selon les opportunités. On ne connaît pas de changement dans la relation avec le négoce. On ne traite qu'avec les courtiers. Quand ils ont besoin de produits, ils achètent vite et à un prix correct. Les échanges sont trop liés à l'offre et la demande. C'est compliqué de se projeter quand on fait du vrac. »

Le Point de vue de

Philippe Patron, Saint-Philbert-de-Grand-Lieu (44). 17 ha dont 15,5 vendus en vrac.

SELON VOUS, LES RAPPORTS ENTRE PRODUCTION ET NÉGOCE ONT-ILS CHANGÉ ?

«Depuis mon installation en 1990, je vends presque toute ma production en vrac en vin. C'est un choix. Si je vendais en moût, j'aurais l'impression de ne pas faire mon métier. J'ai un gros client fidèle. Il prend tout ou une partie de mon volume. Mon courtier me trouve alors d'autres maisons. Pour ceux qui vendent des vins, il y a peu de contrats pluriannuels. Si on m'en proposait, je les étudierais avec intérêt. Je connais mes coûts de revient et je ne vends jamais en dessous. Il faut être patient et proposer de la qualité. »

Le Point de vue de

Bernard Jacob, Drouet Frères (Ackerman), à La Chapelle-Heulin (44). 50 000 hl.

SELON VOUS, LES RAPPORTS ENTRE PRODUCTION ET NÉGOCE ONT-ILS CHANGÉ ?

«Àune époque, il y avait trop de vins à bas prix, puis on a connu des périodes de faibles volumes à des prix élevés. Dans les deux cas, ni la viticulture, ni le négoce ne voulaient contractualiser. Aujourd'hui, on vit une période transitoire. On sent une volonté de développer les contrats pluriannuels sur les moûts et les raisins. Et au sein de l'interprofession, on a développé les Mep [commission Marchés, économie, prospectives]. On discute volumes, marchés, cahier des charges... Pas de prix : c'est interdit. On construit plus qu'auparavant. »

L'essentiel de l'offre

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