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VIGNE

Mycorhizes Les bonnes féesdes plants

»INGRID PROUST - La vigne - n°305 - février 2018 - page 28

Les plants de vigne inoculés avecdes mycorhizes poussent plus vite queles plants classiques. Ils réussissentaussi mieux en complantation.
ANNIE SAUVAT est très satisfaite      de la reprise des ceps mycorhizés      dans ses vignes de côtes-d'auvergne.

ANNIE SAUVAT est très satisfaite de la reprise des ceps mycorhizés dans ses vignes de côtes-d'auvergne.

Fruit d'une belle symbiose entre des champignons et des plantes, les mycorhizes se développent chez nombre de végétaux, dont la vigne. Elles rendent son système racinaire plus performant. « Grâce à elles, la vigne absorbe mieux les éléments minéraux du sol, notamment les moins mobiles comme le phosphore et le zinc. En contrepartie, celle-ci fournit aux mycorhizes des sucres issus de sa photosynthèse », expose Clémentine Marçon, conseillère viticole et oenologue à la Sicavac, à Sancerre (Cher).

Plusieurs pépiniéristes proposent des plants déjà mycorhizés par inoculation, afin de doper leurs capacités d'exploration racinaire et leur développement. Qu'en est-il de ces plants ? Présentent-ils un réel intérêt ?

La Sicavac a voulu le savoir. En 2011, cet organisme de conseil basé à Sancerre a planté du sauvignon greffé sur Fercal, Gravesac ou 3309 C dans trois parcelles qui étaient auparavant en friche ou cultivées en céréales. Tous les plants venaient des pépinières Guillaume. Tous étaient en pots, mais une moitié seulement avait été mycorhizée par le pépiniériste. Résultat : « Les plants inoculés ont mieux poussé que les témoins pendant leurs deux premières années. Ils ont développé une surface foliaire bien plus importante. Leur avance était flagrante », relate Clémentine Marçon.

Un feuillage plus développé. Dans une parcelle étudiée fin juillet, deux ans après leur plantation, les plants inoculés présentaient 1,3 m2 de surface foliaire par cep contre 1 m2 pour les plants non mycorhizés. Dans une deuxième parcelle, au bout d'un an et toujours fin juillet, ils avaient développé près de 0,3 m2 de surface foliaire par cep contre 0,1 chez les plants témoins. Dans une troisième, l'écart était moins prononcé.

Dans une de ces trois parcelles, la Sicavac a prélevé des racines en deuxième feuille. Elle n'a relevé aucune différence significative de taux de mycorhization entre les plants inoculés et les plants classiques. Plus surprenant encore : elle a trouvé les mêmes souches sur des plants inoculés et sur des plants classiques pourtant éloignés d'une dizaine de mètres. « Il semble y avoir eu contamination », relève Clémentine Marçon.

Quoi qu'il en soit, cette étude montre que les mycorhizes s'implantent rapidement sur les racines des vignes, même si celles-ci n'ont pas été inoculées en pépinière. Le gain de vigueur des plants inoculés à leur démarrage s'expliquerait par le fait qu'ils seraient armés dès le départ pour bien s'alimenter en eau et en nutriments. Les autres ne le seraient qu'avec un temps de retard, le temps qu'ils soient colonisés par les mycorhizes naturellement présentes au vignoble. Compte tenu de leur comportement, « les plants mycorhizés semblent présenter un intérêt pour des remplacements, une situation où la concurrence pour les ressources minérales est forte », observe la technicienne.

Conseillés pour les complantations. Les pépiniéristes les recommandent justement pour la complantation. « Ils se développent plus vite que les plants classiques. Et l'effet de la mycorhization est encore plus flagrant dans des sols maigres », assure Olivier Zekri, responsable recherche et développement chez Mercier. « L'impact le plus remarquable s'observe en conditions difficiles, dans des sols fatigués », ajoute Pierre-Marie Guillaume, dirigeant des pépinières du même nom.

À Saint-Bris-le-Vineux, dans l'Yonne, Jean-Christophe Bersan a bien constaté l'avantage des plants mycorhizés qu'il a utilisés pour faire des complantations dans ses sols calcaires. « Ils ont un meilleur taux de reprise et une pousse nettement plus rapide, en complantation comme en plantation. Ils sont entrés en production dès cinq ou six ans », explique ce viticulteur biologique.

Annie Sauvat, vigneronne en Côtes-d'Auvergne, est satisfaite, elle aussi. « Nos sols sont usés et en manque d'humus. La mycorhization aide les plants dès le départ. Ils ont une bonne reprise et poussent plus vite. »

L'effet de la mycorhization dure-t-il dans le temps ? Non, d'après Clémentine Marçon : « Les différences de surface foliaire entre les plants inoculés et les autres s'estompent après deux ans. » Oui, selon Jean-Christophe Bersan : « Même plusieurs années après la plantation, la différence est encore visible. Les vignes mycorhizées sont plus belles. J'ai l'impression qu'elles stressent moins par forte chaleur, qu'elles résistent mieux à la sécheresse », avance le vigneron.

« Nous avons constaté de très bons résultats sur des sols souffrant de stress hydrique en Espagne. Dans ce cas, les mycorhizes aident la plante à développer un meilleur réseau racinaire. Elle est ainsi avertie plus tôt du manque d'eau et ferme ses stomates en conséquence », explique Olivier Zekri.

Et question prix ? Mercier annonce un surcoût de 20 à 30 % pour ses plants mycorizhés et inoculés avec une souche de Trichoderma contre l'esca. Les pépinières Guillaume indiquent un surcoût de 10 c par rapport aux plants classiques.

« L'effet sur la pousse justifie à lui seul le surcoût », note Annie Sauvat. « Cela vaut largement le coup, abonde Jean-Christophe Bersan. Et pourtant, au départ, je n'y croyais pas trop car je suis en viticulture biologique et mes sols sont déjà riches en micro-organismes. Mais les plants mycorhizés font preuve d'une réelle vigueur dès la plantation. »

Une offre en développement

Mercier propose des plants mycorhizés en pots sous la marque Force 9, depuis 2009. « Cette mycorhization est possible sur toutporte-greffe », indique Oliver Zekri. Mais elle n'est pas disponible pourles plants traditionnels à racines nues.

À l'inverse, les pépinières Guillaume mycorhizent aussi bien des plants traditionnels que des plants en pots. « Nous avons sélectionné des souches qui colonisent 80 % du système racinaire du plant. Tous les porte-greffes sont possibles. Nous vendons aussi des mycorhizes sous forme de pastilles à apporter dans le sol au moment de la plantation », explique Pierre-Marie Guillaume.

Dans le Maine-et-Loire, les pépinières Dubé commercialisent des plants mycorhizés en motte, avec du terreau classique ou biologique. « Nous comptons étendre la mycorhization aux plants à racines nues », annonce Pascal Dubé, le dirigeant de l'entreprise.

Un effet possible contre le mildiou

D'après plusieurs chercheurs, les vignes mycorhizées seraient plus résistantes aux maladies fongiques. Dans ses laboratoires de l'université de Haute-Alsace, à Mulhouse, Sébastien Bruisson a montré que leurs feuilles produisent plus de stilbènes - des composés de défense - après une infection par le mildiou. Il a obtenu des résultats similaires avec le botrytis. Des observations qu'il faudrait confirmer au champ, mais qui n'étonnent pas Jean-Christophe Bersan. « En 2016, mes chardonnays mycorhizés n'ont eu que tardivement du mildiou et seulement sur les entre-coeurs, alors que la maladie avait été très virulente dans mes autres vignes », se souvient ce vigneron de Saint-Bris-le-Vineux, dans l'Yonne. De son côté, Annie Sauvat, vigneronne en Auvergne, n'a rien constaté de tel. Olivier Zekri non plus. Toutes les souches de champignons mycorhizogènes n'ont peut-être pas le même pouvoir de renforcer les défenses de la vigne.

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