En annonçant son désengagement de l'aide au maintien en agriculture biologique (150 €/ha), l'État s'est attiré les foudres de cette filière. Nombre de responsables ont dénoncé son double discours consistant à encourager un mode de production tout en lui retirant son soutien.
Mais chez les viticulteurs bio, les réactions sont bien plus mesurées. « Ce qui est très désagréable, c'est le changement de règles chaque année, regrette Jérôme Cinel, directeur d'Interbio Nouvelle-Aquitaine. Les producteurs n'ont pas de visibilité. Certes, l'impact des aides est moins important en viticulture que dans d'autres cultures. Mais elles restent nécessaires dans une région comme la nôtre où l'écart de prix entre le vin bio et le vin conventionnel est faible. »
En Alsace, Jean-Jacques Muller, vigneron sur 11 ha à Traenheim (Bas-Rhin) et administrateur d'Opaba (Organisation professionnelle de l'agriculture biologique en Alsace) reste serein. En bio depuis vingt ans, il estime que si les aides à la conversion sont utiles, celles au maintien le sont moins.
« Les aides à la conversion sont nécessaires car il faut acheter de nouveaux outils et se former quand on change de méthode de culture, précise-t-il. Nous avons aussi le crédit d'impôt qui est intéressant. Mais d'une manière générale, je ne suis pas trop partisan des aides, sauf dans les régions ayant un handicap naturel comme les montagnes. »
Jean-Jacques Muller vend l'essentiel de sa production en bouteilles, au prix moyen de 8 € HT/col. Son chiffre d'affaires se situe entre 50 000 et 60 000 €/ha. L'aide au maintien ne représente que 0,3 % de ce montant. Elle pèse très peu alors qu'elle est imposable.
« Nous n'allons pas nous battre pour le maintien des aides, d'autant qu'elles ont toutes une fin, explique Nicolas Richarme, président de la commission Millésime Bio au sein de SudVinBio, à la tête du château de Bastet, dans le Gard, et qui défend le même point de vue. Néanmoins, il est dommage que l'État se désengage car cela va avoir de l'impact dans les secteurs à petits rendements. Notre cheval de bataille, c'est le prix du vin bio ! Nous informons les vignerons et les metteurs en marché qu'il ne doit pas descendre en dessous de 180 €/hl pour le côtes-du-rhône. »
SudVinBio s'est réunie avec le négoce à la mi-janvier pour acter une augmentation de 20 % du cours du côtes-du-rhône bio sur cinq ans, soit 4 % par an. « Le négoce a besoin de volume pour développer ses marchés et il nous faut de la visibilité pour convaincre les vignerons de passer en bio », résume Nicolas Richarme.
En Nouvelle-Aquitaine, la région s'est substituée à l'État. Elle s'est engagée à prendre en charge les aides au maintien jusqu'à fin 2019. « Nous sommes satisfaits de cette décision, indique Anne-Lise Goujon, viticultrice au château Moulin de Lagnet, à Saint-Émilion, et présidente du syndicat des vignerons bio d'Aquitaine. Mais il est regrettable que l'État se désengage car toutes les régions ne voudront pas ou ne pourront pas suivre. »
Effectivement et le Grand Est a tranché. Cette région ne versera pas d'aide au maintien. Celle-ci va donc disparaître dès 2018 en Alsace et en Champagne. L'Occitanie s'interroge encore. Elle attend de savoir ce que l'État va faire des 4,2 % du budget du premier pilier de la Pac qu'il doit réorienter vers le second pilier, celui qui finance l'aide à l'agriculture biologique mais aussi l'ICHN (indemnité compensatoire de handicaps naturels) et l'assurance récolte. À plusieurs reprises, le gouvernement a laissé entendre qu'il donnerait la priorité aux ICHN. C'est autant que les régions voulant aider la filière bio devront puiser dans leur propre budget.
En attendant, l'Occitanie vient de lancer son plan Bi'O 2018-2020 qui aide les producteurs pour des investissements spécifiques à la bio et qui comprend un appel à projet de recherche et d'expérimentation en bio. Pour l'instant, il n'est plus question d'apporter une aide à l'hectare.
Selon plusieurs sources, le gouvernement envisagerait aussi de réduire la durée de versement des aides à la conversion en bio (350 €/ha) pour passer à trois ans contre cinq actuellement. Une information qui n'a pas encore été confirmée. La seule bonne nouvelle est l'augmentation du crédit d'impôt pour l'agriculture biologique, qui passe de 2 500 à 3 500 € dès l'année 2018.
Le bond en avant de la viticulture bio
En 2016, la France comptait 5258 viticulteurs bio, soit 35 % de plus qu'en 2010. Avec 9 % de ses surfaces cultivées en bio (plus de 70 000 ha), la France est le troisième vignoble bio au monde derrière l'Espagne et l'Italie. C'est dans la région Occitanie que l'on trouve le premier vignoble bio de France, avec 21 060 ha. Mais en viticulture, le premier département bio est le Vaucluse avec 9 162 ha, suivi de la Gironde (7 600 ha).