pages spéciales - Qualité sanitaire des récoltes

Analyser les mycotoxines, les records tombent

Marianne Decoin* - Phytoma - n°624 - septembre 2009 - page 14

Détecter et doser les toxines, identifier les Fusarium : des laboratoires en quête de l'idéal analytique
 ph. Qualtech(6)

ph. Qualtech(6)

Peut-on confondre l'idéal analytique avec l'idéal olympique ? La devise des Jeux Olympiques est : plus vite, plus haut, plus fort(1). Celle des laboratoires analysant les mycotoxines et autres contaminants alimentaires pourrait être : plus rapide, plus sensible, plus robuste... Après tout, il s'agit là aussi de performances voire de records à battre ! La compétition concerne toutes les méthodes de détection, certaines visant davantage la sensibilité et sa précision et d'autres cherchant la rapidité. Mais toutes exigent robustesse et fiabilité. Quelques exemples.

En matière d'analyse de mycotoxines, les progrès continuent. L'article précédent a évoqué des travaux sur les dosages de T2 et HT2 par chromatographie. Mais il y a des évolutions pour l'ensemble des mycotoxines.

Qualtech : chromato pour mycotox...

Non loin de Nancy, le laboratoire Qualtech utilise la chromatographie pour doser la teneur en mycotoxines d'environ 15 000 échantillons de grains par an : des orges (Qualtech est laboratoire filiale de l'IFBM(2)), du blé, des céréales secondaires, du maïs et des dérivés.

Le laboratoire est accrédité COFRAC(3) pour le dosage des fusariotoxines prises individuellement (DON, NIV, zéaralénone, T2 et HT2), des aflatoxines et ochratoxines, ainsi que pour les analyses multitrichothécènes (DON, NIV, T2 et HT2) et multifumonisines (FB1, FB2 et FB3).

Tout cela en chromatographie, soit liquide (HPLC(4)), soit en phase gazeuse (GC/MS/MS(5)). Après l'appareillage HPLC de 2008, la société a acheté un nouveau GC/MS/MS cette année.

Visuel et moléculaire pour Fusarium

Autre nouveauté : « Le LNPV de Nancy a cessé les identifications visuelles de Fusarium sur culture in vitro. Il nous a transféré l'activité et le personnel qualifié. Nous visons l'accréditation COFRAC en la matière », raconte Patrick Boivin, Directeur scientifique IFBM-Qualtech.

Où en est le processus ? « Nous avons eu l'audit en juin et attendons les résultats. Nous sommes confiants car cela s'est très bien passé. »

De plus l'IFBM a travaillé sur l'identification par PCR des espèces de Fusarium. Ces tests sont complémentaires des identifications visuelles en boîtes de Petri(6). Ces dernières décèlent les espèces vivantes y compris celles qu'on n'attendait pas, alors que les tests PCR établissent si telle ou telle espèce recherchée est oui ou non présente, vivante ou morte.

Bilan : « Avec le visuel, le moléculaire et la chromatographie, nous maîtrisons toute la chaîne d'identification des fusarioses et de leurs toxines », se réjouit P. Boivin. Qualtech peut, à partir du même échantillon, identifier les mycotoxines et les moisissures qui les ont produites.

SGS Multilab : chromato pour mycotox...

Près de Rouen, le laboratoire SGS Multilab dose les mycotoxines d'environ 2 000 échantillons de matières premières agricoles par an (plus de nombreux autres contaminants type pesticides, antibiotiques, métaux lourds, etc., et de l'analyse de tous types de denrées alimentaires).

Cela fait environ 3 000 dosages : certains échantillons font l'objet d'une seule recherche de mycotoxine ou multitoxines, d'autres requièrent plusieurs dosages. Certains sont effectués pour des organismes officiels : « Nous en réalisons pour la DGCCRF(7) », signale Patrick Reboul, Directeur technique industrie SGS Agri Min(8).

Le laboratoire a lui aussi une belle corbeille d'accréditations COFRAC pour ces dosages dans diverses matrices. Sur céréales et dérivés, il est accrédité pour l'extraction, la purification et le dosage par chromatographie (HPLC/FLUO(9) ou LC/MS/MS) du DON, de la zéaralénone, des T2-HT2, des aflatoxines et de l'ochratoxine. Le laboratoire dose également les fumonisines B1 et B2 pour lesquelles il va bientôt demander une extension d'accréditation COFRAC.

Dès l'inspection

Comme SGS AgriMin est par ailleurs accrédité COFRAC selon la norme NF ISO 17020 pour les inspections de denrées agro-alimentaires et de matériel de transport, y compris l'échantillonnage pour analyse de mycotoxines, le groupe assure ainsi toute la chaîne de contrôle.

Cela commence avec l'inspection visuelle, l'analyse physique et la prise d'échantillons dans le silo, la péniche, le wagon ou le navire. Vient ensuite la préparation d'échantillons (regroupement, homogénéisation, division, broyage). Enfin, après extraction et purification, le dosage est réalisé. Le groupe a contrôlé en agréage (avec ou sans recherche de mycotoxines) plus de 18 millions de tonnes de marchandises importées ou exportées de France sur la campagne 2008-2009.

Multitoxines, moins cher

Le laboratoire propose aussi des analyses plus rapides et/ou moins chères. P. Reboul révèle : « SGS Multilab, grâce à des développements multi-mycotoxines en LC/MS/MS pour lesquels il va demander une extension d'accréditation COFRAC, proposera des analyses officielles avec un coût optimisé par rapport à celui d'une série de dosages spécifiques en HPLC/Fluo ».

Mais, comme pour toute chromatographie, il se passe plusieurs jours entre le prélèvement de l'échantillon et la fourniture du résultat.

DON, lancer de bandelettes

À ses clients pressés, la société propose depuis 2007 des tests type ELISA quantitatif pour détecter et doser le DON, les ochratoxines et la zéaralénone. Ils donnent le résultat le soir qui suit un chargement de marchandise, en tout cas avant qu'elle n'arrive à destination.

Cet été, SGS propose un test bandelettes quantitatif de détection et dosage pour le DON mis au point par la société R-Biopharm. Ainsi, les opérateurs ont immédiatement un résultat officieux pour une prise de décision rapide (acceptation ou refus du lot, orientation en alimentation humaine ou animale, etc.)

« Nous avons le résultat avant que le train ou la barge n'ait quitté le silo de chargement », indique P. Reboul. Un taux réglementaire dépassé sera vérifié a posteriori par une analyse chromatographique officielle donnant son résultat quelques jours après.

Basf et DON, encore les bandelettes...

Ceci dit, ces tests bandelettes de R-Biopharm sont connus des lecteurs de Phytoma. Ce sont les Quali'DON de Basf déjà cités dans nos colonnes. Ils font partie des tests immuno-chromatographiques disponibles en France pour détecter les mycotoxines (Encadré ci-dessus).

En 2007, Basf les proposait en semi-quantitatif c'est-à-dire pour vérifier le dépassement ou non de seuils dans l'échantillon : 1 250 ppb pour le blé tendre, 1 750 ppb pour le blé dur et le maïs. En 2008, il a lancé le Quali'DON 2 qui modifiait et facilitait la lecture et ajoutait le seuil de 750 ppb « souhaité par les meuneries pour les farines », expliquait Dominique Jonville, Responsable filières céréales chez Basf Agro(10).

En 2009, Basf a lancé le test à résultat quantitatif. La mise en œuvre est la même : même préparation qui dure 10 mn après homogénéisation et broyage, même attente de 10 mn avant lecture. Mais la lecture de la bandelette à l'œil nu est remplacée par le passage dans un lecteur spectrophotomètre dit Rida Quick Scan qui donne la valeur en ppb. « Nous proposons le lecteur en plus du reste de l'équipement dans notre mallette Quali'DON, véritable labo mobile », signale D. Jonville.

Mais pour quelle fiabilité ? « Nous avons effectué un ring-test(11) avec les laboratoires de France AgriMer, qui a en outre fourni les échantillons, d'Arvalis-Institut du végétal, d'InVivo, de Nutrixo et de Champagne Céréales. Tous ont comparé le Quali'DON 2 quantitatif à des tests HPLC. Résultat : notre test est fiable dans une fourchette de 500 à 5 000 ppb ; sa précision de 30 % est celle de la HPLC. »

Au-dessus de 5 000 ppb, le Quali'DON a tendance à surestimer le taux de DON, comme le test ELISA. Mais de toute façon le lot est à coup sûr très contaminé !

En 2009, Basf a proposé le Quali'DON 2 à ses clients. R-Biopharm le vend en direct à des meuniers ou, par exemple à SGS, qui assure la phase amont de préparation de l'échantillon.

Fumonisines aussi

Basf a lancé en 2008 un test bandelettes de détection des fumonisines nommé Quali'FUMO. En 2009, la société prépare un Quali'FUMO 2 avec le même mode de lecture que Quali'DON 2 pour lecture directe comparant le taux de l'échantillon au seuil de 4 000 ppb. « Les laboratoires de la filière finissent l'évaluation fin août », selon D. Jonville le 20 août.

Anadiag, chromato et immunoaffinité

Revenons aux laboratoires et à la chromatographie avec Anadiag. Le groupe Anadiag est basé en Alsace (à Haguenau) du fait de liens avec le CNRS de Strasbourg lors de sa création.

Il pratique l'analyse et le diagnostic, son nom l'indique, mais aussi la prestation de service en expérimentation dans toute l'Europe ; en France, Solevi et Prestagro font partie du groupe.

Anadiag Défitraces pratique depuis 20 ans les analyses physico-chimiques et depuis 10 ans celles de mycotoxines.

Avec 500 à 1 000 échantillons par an, cette activité est la petite sœur de la recherche de résidus de pesticides (autour 20 000 échantillons par an). Mais elle n'est pas négligée.

« Nous sommes accrédités COFRAC pour le dosage de l'OTA et préparons notre accréditation pour un bouquet d'analyses multitrichothécènes à partir de n'importe quelle matrice », annonce Lounès Haroune, Responsable développement analytique chez Anadiag.

La société dose déjà le DON, la zéaralénone, les toxines T2 et HT2 et les fumonisines par chromatographie.

« De plus, nous purifions au maximum les échantillons sur colonnes d'immuno-affinité, détaille L. Haroune. Cela évite de nombreux problèmes ensuite, notamment en HPLC-Fluo lors de l'analyse en fluorimétrie après la chromato proprement dite. Nous pouvons ainsi travailler à partir de nombreuses matrices avec la plus grande spécificité, sans faux positifs provenant d'impuretés, un des risques avec les mesures optiques. »

<p>* Phytoma.</p> <p>(1) En latin : <i>Citius, altius, fortius.</i></p> <p>(2) Institut français de la brasserie et de la malterie.</p> <p>(3) Comité français d'accréditation.</p> <p>(4) Hight performance liquid chromatography : chromatographie en phase liquide à haute performance.</p> <p>(5) Gaz chromatography/mass spectrometry/mass spectrometry : chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse en tandem.</p> <p>(6) Exemple sur la photo en médaillon ci-dessus : <i>Fusarium graminearum</i>, aspect sur DCPA.</p> <p>(7) Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes du ministère chargé des Finances ; dite aussi souvent la « répression des fraudes ».</p> <p>(8) Groupe de SGS Multilab.</p> <p>(9) HPLC suivie de fluorimétrie.</p> <p>(10) Dans Fusariotoxines réglementées, quoi de neuf pour les gérer ? <i>Phytoma</i> n° 618, septembre 2008, p. 24 à 27.</p> <p>(11) Ring tests : on homogénéise et divise correctement plusieurs échantillons et on répartit les fractions. Des fractions identiques du même échantillon sont analysées par plusieurs laboratoires différents, chacun analysant des fractions de plusieurs échantillons différents, et on compare les résultats.</p>

Les tests bandelettes, c'est quoi ?

Pour détecter les mycotoxines, les tests les plus rapides sont les tests bandelettes comme ceux de R-Biopharm et de Neogen.

Il s'agit d'immuno-chromatographie. On dépose sur une bandelette quelques gouttes d'une solution contenant un broyat de l'échantillon à analyser. La présence du composé recherché déclenche une réaction, plus ou moins intense selon sa concentration, qui change la couleur de la bandelette.

On peut lire le résultat directement en comparant avec une bande témoin. Ou bien faire une lecture quantitative à l'aide d'un appareil de lecture. Seul R-Biopharm semble à ce jour proposer cette dernière solution, et seulement pour la recherche du DON. Pour l'instant.

Résumé

Les techniques de détection et de dosage des mycotoxines évoluent. L'exemple de trois laboratoires (Qualtech, SGS Multilab et Anadiag) et de la société Basf le montre. Sont évoquées les analyses physicochimiques quantitatives officielles (les techniques chromatographiques) mais aussi les tests ELISA et immuno-chromatographiques (tests bandelettes) rendus quantitatifs, ainsi que l'identification des Fusarium par PCR et examen visuel.

Mots-clés : qualité sanitaire des grains, mycotoxines, DON (déoxynivalénol), toxine T2, toxine HT2, zéaralénone, fumonisines, ochratoxine, aflatoxines, détection, dosage, chromatographie, tests ELISA , immuno-chromatographie, test bandelette, Fusarium sp.

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