Certaines bonnes pratiques phytosanitaires sont mises en œuvre avant le début de tout traitement. Pour les applicateurs, il s'agit d'abord d'aménagement des installations : les lieux et matériels qui y fonctionnent, ceci bien avant le démarrage du pulvérisateur, avec les moyens de protection utiles. Il y a aussi... la formation et l'information ! Et il faut vérifier le bon état du pulvérisateur. Les deux articles suivants seront consacrés à de nouvelles obligations réglementaires de l'avant-traitement : d'une part la formation avec le Certiphyto obligatoire demain, et d'autre part le contrôle périodique des pulvérisateurs, inspection obligatoire depuis 2009. En attendant, cet article rappelle des points utiles. Voire indispensables.
Parlons d'équipements, d'abord. En commençant par le local de stockage des produits phytopharmaceutiques (on écrira « phytos » dans la suite de cet article).
Du côté des équipements
Stockage à la page
Les indications pour « bien stocker les produits phytos sur l'exploitation » (1) que nous donnions il y a trois ans restent valables. On sait que 75 à 80 % des stagiaires en formation volontaire, a priori mieux équipés que la moyenne, stockent leurs produits dans un local fermé à clé (2). Il reste à équiper les autres et à améliorer certaines installations : remplacer les étagères en bois par du matériau non poreux, prévoir une rétention ou augmenter sa capacité, améliorer la signalétique, etc. Certains outils pédagogiques cités plus loin donnent des indications pour le faire.
Préparation et remplissage : cuves ou stations intégrées
Du côté de la préparation de la bouillie et du remplissage des pulvérisateurs, les outils de bonnes pratiques se multiplient. Par exemple les fabricants de pulvérisateurs intègrent dans les matériels neufs des cuves d'incorporation souvent munies de dispositifs rince-bidons (voir la photo de couverture de ce numéro).
Par ailleurs des entreprises se spécialisent dans les équipements pour les bonnes pratiques.
Ainsi les stations phytos d'Axe Environnement intègrent le stockage du matériel, le poste de préparation, le bac de rétention amovible avec la cuve de rétention jointe, la colonne de remplissage, sans compter le dispositif de traitement des effluents évoqué p. 30 à 40 et les cuves souples de stockage de liquide.
Nouveau, un dispositif mobile d'incorporation
Autre exemple : la Chambre d'Agriculture du Gard qui, après le Rinçotop (rince-bidon autonome pour ceux qui n'ont pas de rince-bidon intégré au pulvérisateur) et la station Top remplissage, vient de lancer le Top incorpo (photo ci-dessous). Ce matériel est destiné aux personnes dont le pulvérisateur n'a pas de cuve d'incorporation et/ou qui ont des poudres à incorporer.
Il comporte une cuve de brassage de 500 l à l'ouverture à moins de 1 m du sol, une pompe permettant d'abord ce brassage puis le transfert dans le pulvérisateur sans contact avec la bouillie, et enfin sa propre cuve de rinçage. L'agriculteur introduit le produit et l'eau, l'appareil brasse, envoie les 500 l (ou moins) de bouillie toute mélangée dans le pulvérisateur. Puis l'agriculteur rince l'intérieur de sa cuve de brassage et envoie l'eau de ce rinçage dans la pulvérisateur, jusqu'à remplissage total de ce dernier s'il le veut.
« L'entretien est très simple, il suffit de nettoyer le filtre et de rincer la pompe, » explique Renaud Cavalier, inventeur du matériel. De plus : « Le transfert est rapide, la pompe débite du 250 l à la minute. »
Il signale qu'on peut utiliser ce matériel pour rincer les emballages avec le Rinçotop, pomper les eaux de lavage intérieur du pulvérisateur vers le dispositif de gestion des effluents ou la cuve tampon, ou encore stocker de la bouillie ou vider un pulvérisateur en cas de problème (traitement interrompu avec réparation à faire ou risque de prise en masse).
Le dispositif a reçu une citation au Sitevi 2009 sous le terme de « table roulante de préparation des bouillies phytosanitaires ».
Formation, information, les fabricants roulent pour les bonnes pratiques
Parlons de formation ensuite. Pas du Certiphyto ni des formations DAPA, évoqués p. 18, mais de formations proposées à des agriculteurs volontaires. Beaucoup le sont par des fabricants de produits phytos. Pourquoi les fabricants s'occupent-ils de pratiques d'application de leurs produits ? Par intérêt bien compris.
En effet, les produits phytos ont mauvaise presse. On leur attribue tous les problèmes liés à leur usage en oubliant leurs conditions d'application. Un peu comme si on reprochait tous les accidents de la route aux automobiles et à elles seules en oubliant l'état des routes et la conduite des automobilistes.
Or bien des pollutions et intoxications peuvent être évitées par de bonnes pratiques, ce qui pourrait faire baisser les attaques anti-phytos. Certes, cela fait baisser aussi les chiffres de vente en évitant aux agriculteurs tout gaspillage de produit... mais Ecophyto le demande !
Les sessions EBPP de l'UIPP
L'UIPP (3) intervient dans le secteur avec son EBPP, écoles des bonnes pratiques phytos. Depuis son lancement l'hiver 2004-2005, les sessions ont lieu d'octobre à mars avec un pic en janvier-février. Cinq campagnes plus tard, 7 500 stagiaires ont été formés en 520 sessions.
Elles durent une journée. La matinée en salle permet une mise à niveau théorique. Les stagiaires vont l'après-midi chez un agriculteur équipé pour débattre sur un cas concret. Les formations sont toujours organisées avec des partenaires locaux, distributeurs et prescripteurs. Le projet est soutenu par l'ensemble des entreprises membres de l'UIPP, dont certaines interviennent directement dans les formations.
À noter aussi que l'UIPP édite des documents sur les bonnes pratiques comme, en 2009, celui sur l'utilisation du glyphosate.
Bayer et son institut
Par ailleurs, plusieurs sociétés adhérentes à l'UIPP mènent des actions de formation et d'information en faveur des bonnes pratiques au sein de services ou départements plus ou moins dédiés.
C'est le cas de Bayer CropScience France qui, outre sa participation à l'EBPP, fait fonctionner son propre institut de formation intégré dans son département CTO (Coordination technique opérationnelle).
Basf, Educ'Phyto et ses antisèches
D'autres mettent au point des outils pédagogiques. Citons le logiciel Educ' Phyto de Basf, qui avait lancé cet outil à utiliser par ses distributeurs en réunions de formation ou d'information. Elle en propose une version simplifiée avec seulement des vidéos. Et la version interactive fonctionne toujours ! L'outil est utilisable pour toutes les filières agricoles.
Mais le papier peut servir aussi. La société a réalisé des anti-sèches pour ses agents et distributeurs : de solides petits carnets de fiches cartonnées faciles à compulser en bout de champ, sur la réglementation et les bonnes pratiques. Devant le succès, elle les réédite et réfléchit à une version agriculteur.
De Sangosse et ses fiches limaces
Autre exemple de fiches informatives et pédagogiques, celles de De Sangosse sur les limaces : présentation des auxiliaires à favoriser, conseils sur les bonnes pratiques d'utilisation des produits, fiche spéciale maraîchage et conseils d'épandage.
Le tout est associé à un module de formation et à des OAD (outils d'aide à la décision).
Autres intervenants, quelques exemples
Jouffray-Drillaud, Pulvé'Diag continue
Bien sûr, les membres de l'UIPP ne sont pas seuls à réaliser des formations et à diffuser des outils pédagogiques. C'est aussi le cas d'autres sociétés comme Jouffray-Drillaud avec ses formations Pulvé'Diag, testées en 2004, lancées à grande échelle l'hiver 2005-2006 et narrées en 2007 dans Phytoma(4). Elles continuent avec près de 2 500 stagiaires formés depuis le début.
Chambres d'agriculture, Instituts
Les Chambres d'agriculture ne sont pas en reste. Nombre d'entre elles réalisent des formations aux bonnes pratiques phytosanitaires. Ainsi celle du Gard, habilitée pour la réalisation de Certiphytos expérimentaux en 2009 (voir p. 18 à 21), réalise depuis longtemps des formations sur la question.
Les instituts aussi font de la formation. Citons les Agriprotect de l'ACTA avec l'IFV, Arvalis-Institut du végétal, etc.
Quand Arvalis fait sa télé
Côté outils pédagogiques, le même Arvalis a mis en ligne en juin 2009 six vidéos sur les bonnes pratiques en grandes cultures. Elles sont mises gratuitement à disposition des formateurs mais un agriculteur peut les regarder ! On les trouve sur www.arvalis-tv.fr
Quatre d'entre elles évoquent l'avant traitement : le transport, le stockage, le contrôle du pulvérisateur et la préparation du traitement. La cinquième traite de l'après traitement et la sixième des EPI, équipements de protection individuelles (voir p. 26 à 28).
Le Corpen, la MSA...
Autre exemple, le CORPEN (5) a mis en ligne sur son site plusieurs documents pédagogiques, notamment sur les techniques d'application et de manipulation, en abrégé TAM, issus du travail d'un groupe spécialisé sur ce thème. Enfin la MSA a publié des fiches et dépliants sur la question.
Et les AA, pardon, les BSV ?
Restent les BSV, « Bulletins de Santé du Végétal », qui remplacent progressivement les « Avertissements Agricoles » auparavant édités par les SRPV des DRAF (6). Ces derniers sont, depuis le 1er janvier 2009, fondus au sein des SRAL des DRAAF (7). Les BSV, en cours de mise en place dans les régions et par filières de production, sont purement observateurs. Ils sont ou seront des bases de conseils de bonnes pratiques mais n'en donnent pas. Certains sont en ligne sur les sites de SRAL et de Chambres régionales d'Agriculture. À chacun d'aller voir si son BSV nouveau est arrivé !
<p>* Phytoma.</p> <p>(1) Titre de l'article p. 15 de <i>Phytoma</i> n° 593 de mai 2006.</p> <p>(2) Données issues de l'article <i>« En pratique, que font les agriculteurs ? »</i>, p. 46 de <i>Phytoma</i> n° 614 d'avril 2008.</p> <p>(3) Union des industries de la protection des plantes.</p> <p>(4) Article <i>« Diagnostiquer les pratiques phytosanitaires de l'exploitation »</i>, p. 37 de <i>Phytoma</i> n° 602, mars 2007.</p> <p>(5) Comité d'orientation pour la réduction des pollutions des eaux par les nitrates et les pesticides.</p> <p>(6) Services régionaux de la Protection des Végétaux des Directions régionales de l'Agriculture et de la Forêt.</p> <p>(7) Services régionaux de l'Alimentation des Directions régionales de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt.</p>
1 - Vigne, IFV, BASF et bancs de contrôle
Le contrôle du pulvérisateur est une bonne pratique d'avant le traitement. Il y a le contrôle périodique obligatoire (voir p. 22 à 24) mais on peut vouloir aller plus loin.
Ainsi la société BASF Agro et l'IFV (1) travaillent sur des bancs de contrôle des pulvérisateurs vigne.
« Ce banc permet de contrôler le bon état général de l'appareil comme dans les contrôles obligatoires, mais pas seulement, » explique Vincent Jacus, responsable Bonnes pratiques phytos chez Basf Agro. « Il vérifie aussi que la pulvérisation va bien atteindre sa cible. Nous l'avons testé avec trois distributeurs avec qui nous comptons précommercialiser son utilisation en prestation de service en 2010. »
Pour l'instant, deux bancs fonctionnent dans des stations de l'IFV. D'autres seront bientôt construits.
(1) Institut français de la vigne et du vin.
2 - Et les OAD ?
Faut-il considérer comme une bonne pratique phytosanitaire l'utilisation d'OAD – outils d'aide à la décision – pour savoir s'il faut traiter ou non ? Ce n'est peut-être pas une bonne pratique autour du traitement car elle intervient avant la décision de traiter, mais il s'agit bien d'une bonne pratique agricole. Et elle contribue à la réduction de l'usage des pesticides prônée par le Grenelle de l'Environnement. Seulement, le monde des OAD est si riche qu'il justifierait un dossier à lui tout seul ! Ce sera pour une prochaine fois ?