Les 19 et 20 octobre 2009 avait lieu à Lucerne en Suisse, pour la quatrième année consécutive, le Congrès ABIM (Annual Biocontrol Industry Meeting), ou « Congrès annuel de l'Industrie de la protection des plantes par des produits de biocontrôle ».
Un congrès à l'image de ce marché émergent et innovant. Parmi toutes les informations échangées, cet article retient des indications sur les marchés mais aussi sur sept nouveautés en matière de produits.
Conscients du succès remporté par cette nouvelle édition d'ABIM, les organisateurs ont d'ores et déjà donné rendez-vous les 25 et 26 octobre 2010 pour le 5e congrès sur les produits de biocontrôle.
Le congrès de « biocontrole » était organisé par IBMA (International Biocontrol Manufacturers Association – www.ibma-global.org) et FIBL (Research Institute of Organic Agriculture – www.filb.org). Il a reçu le parrainage de la Commission européenne et rassemblé plus de 350 participants (contre 300 en 2008), représentant plus de 200 entreprises et organismes de toutes les régions du Globe. Conférences plénières, mais aussi échanges d'expériences et rencontres avec les exposants dans la salle réservée aux stands et posters ont permis de faire le point sur le marché mondial des produits de biocontrôle avec ses perspectives et de découvrir des produits novateurs pour la protection des plantes
Quatre ans d'existence et déjà développé
Si les participants aux trois premiers congrès pouvaient s'interroger sur l'avenir du marché des produits de biocontrôle, 2009 aura répondu à leurs questions. En effet, tant au niveau de la participation que des contacts entre congressistes et intervenants, l'intérêt et l'attention étaient montés d'un cran.
Produits, marchés, entreprises
Pourquoi ? On peut voir au moins quatre raisons possibles...
• Une gamme de produits qui s'étoffe ; chaque année de nouveaux produits sont autorisés à la vente.
• Un marché en pleine croissance et qui devient significatif dans de nombreux pays. En effet, jusqu'à maintenant lorsque l'on parlait « biocontrôle » on pensait « agriculture biologique » alors qu'aujourd'hui on parle de plus en plus protection intégrée, d'où une taille de marché potentiel très différente.
• De nombreuses multinationales qui commercialisent les pesticides s'intéressent de près à ce « nouveau marché ». Citons à titre d'exemple, les sociétés Syngenta et Bayer CropScience qui viennent d'acquérir respectivement Alfaguard et Bioneer, ou encore BASF Agro qui a récemment signé un accord de distribution avec Agraquest pour le produit Serenade dans de nombreux pays.
Avantages avancés
• Une prise de conscience des avantages qu'apporte le biocontrôle, mis en avant dans les présentations de Wyn Grant, de l'Université de Warwick, de Hans Muilerman, de Pan-Europe (Pesticide Action Network) et de Marcus Meadows-Smith, d'Agraquest, que l'on peut résumer par la conclusion de l'un d'eux.
« Dans le cadre d'une agriculture durable, l'intégration des moyens de biocontrôle dans les programmes de protection intégrée permet :
– un haut niveau de protection des cultures et des récoltes,
– un maintien de la biodiversité,
– une meilleure préservation de l'efficacité des moyens de protection chimiques,
– une réduction des risques pour l'applicateur,
– une diminution des risques de pollution de l'eau, l'air et des sols,
– une meilleure protection du consommateur (moins de résidus),
– une valorisation de l'agriculture et du métier d'agriculteur. »
Marché en pleine croissance
Le marché des produits de biocontrôle est donc en pleine croissance.
L'Allemagne comme exemple
C'est le cas chez nos voisins allemands où les surfaces cultivées en agriculture biologique sont presque le double de la France (Tableau 1) et les surfaces conduites en protection intégrée beaucoup plus importantes (Tableaux 2 et 3).
Les progrès de l'Espagne
Autre exemple : dans la région espagnole d'Alméria, en 3 ans, la progression de la protection intégrée a connu un développement important (Tableau 4). Cette progression significative est due en grande partie à une campagne de communication commune aux sociétés qui commercialisent les produits de biocontrôle, mais aussi à une information des pouvoirs publics qui se sont associés à cette action de vulgarisation.
Nouvelles substances naturelles
Bien entendu, le congrès a été l'occasion de découvrir des nouveautés : substances naturelles extraites de plantes et « produits vivants », qu'il s'agisse de macro- ou de micro-organismes.
Sept d'entre eux ont retenu notre attention : deux extraits de plantes, trois macro-organismes et deux micro-organismes.
Extrait de plantes contre insectes
Le produit Requiem a été présenté par Sarah Reiter, de la société Agraquest. Ce nouvel insecticide est extrait de Chenopodium ambrosioides (appelée communément ansérine vermifuge pour ses propriétés médicamenteuses). Le produit commercial est un concentré émulsionnable contenant 25 % de principe actif. Il agit essentiellement par contact.
Il contrôle un grand nombre d'insectes : thrips, aleurodes, acariens, pucerons. Il est actif aussi bien sur œufs que sur larves ou adultes. Les pucerons étant vecteurs de viroses, il permet de lutter indirectement contre ces maladies. Sur M. persicae et A. gossypii, les essais montrent une efficacité de 80 % 24 heures après la pulvérisation. Il est non toxique pour les abeilles, respecte les prédateurs et ne laisse pas de résidus.
Et contre des champignons
La société colombienne Ecoflora a présenté EcoWing. Homologué en Colombie, au Costa Rica et au Pérou, cette spécialité est un extrait de plante de la famille des Rutaceaes.
Les essais qui ont été montrés rapportent une efficacité significative sur le botrytis et l'oïdium de la vigne. Il est par ailleurs signalé de bons résultats sur les champignons pathogènes Cladosposrium, Aspergillus, Alternaria, Rhizopus et Penicilium.
Macro-organismes
Trichogramme contre Tuta absoluta
Trichogramma achaeae est un nouveau macro-organisme pour lutter contre la mineuse de la tomate Tuta absoluta. Il a été présenté par Firouz Kabiri, de la société Biotop, leader du marché des trichogrammes en Europe. Associée à Agribio en Espagne, la société commercialise T. achaeae contre T. absoluta.
Introduit accidentellement d'Espagne en 2007, Tuta absoluta a gagné de nombreux pays européens (Suisse, France, Italie, Hollande) et l'Afrique du Nord (Algérie et Maroc). Cette mineuse s'attaque aux feuilles et aux fruits des Solanacées. Une des mesures prophylactiques consiste à détruire les mauvaises herbes de cette famille qui poussent dans la zone de culture, en particulier les morelles noires et Datura stramonium, ainsi que les repousses de poivrons, tomates, pomme de terre ou aubergine.
En serre, T. achaeae permet de maîtriser T. absoluta de manière satisfaisante (90 %) 3 mois après l'invasion, sans aucun traitement chimique complémentaire.
Autres parasitoïdes associés
Le produit Fresa-Mix a été présenté par la société Viridaxis. Cette dernière est née le 26 juillet 2004 et s'est implantée à Charleroi (Parc d'Activités Héraclès). Elle s'est spécialisée dans la production de parasitoïdes des pucerons.
Sa nouvelle spécialité sera commercialisée en 2010. Elle est composée d'une association de parasitoïdes : Aphidius ervi, Aphidius colemani, Aphidius matricariae, Ephedrus cerasicola, Praon volucre et Aphelinus abdominalis.
Nématode anti-lépidos
Nemasys C est un nouveau produit à base de nématodes (espèce Steinernema carpocapsae) qui s'attaquent aux insectes lépidoptères.
Les nématodes utilisés comme moyen de protection des plantes ont de façon générale de nombreux avantages : performances fiables, modes d'application simples semblables aux chimiques, longue persistance d'action et de protection, pas de résidus ni délais avant la récolte de la culture... Ils sont adaptés à la protection intégrée, non toxiques pour les applicateurs, respectueux de l'environnement et utilisables en agriculture biologique.
Le spécialiste des nématodes, Beckaret Underwood, présentait ce produit. Appliqué à l'automne (début octobre) à des doses variant de 1 billion à 1,5 billion par hectares, il montre une efficacité de 75 à 82 % sur le carpocapse des pommes Cydia pomonella. Il est par ailleurs efficace sur Cydia sp du châtaigner et Paysandisia archon, le papillon argentin du palmier.
Micro-organismes
Levure contre oïdium
Agro levures & dérivés est une nouvelle société créée par Philippe Pujos ; elle présentait le AL 1901 à base de Saccharomyces cerevisiae. Le produit se présente sous forme d'une poudre mouillable (WP) et est un « inducteur systémique de résistance ». Il est actif sur l'oïdium de la vigne. Les essais présentés et effectués à la dose de 250 g/ha sur Carignan et Cinsault montre une efficacité équivalente au soufre à la dose de 12,5 kg/ha utilisé comme produit de référence.
Bactérie (le Bt) contre moustiques
L'intérêt du Bacillus thuringiensis var. israelensis pour le contrôle des moustiques a été présenté par Denise Munday, de Valent Biosciences. Outre les désagréments de leurs piqûres, les moustiques sont des agents de transmission des maladies graves comme la dengue ou la malaria chez les humains et Dirofilaria immitis chez le chien. Rien de nouveau jusqu'ici...
Sauf qu'avec le réchauffement climatique on a vu ressurgir ces maladies en Europe ! En particulier en 2007 en Italie dans la région de Ravena (Ravenne) mais aussi en Grèce, en Espagne et en Autriche ainsi que dans l'est de l'Europe (Tchécoslovaquie, Russie, Roumanie).
B. thuringiensis israelensis est un larvicide qui s'applique dans les zones humides, précisément là où se trouvent les larves. L'application peut se faire soit par voie terrestre et dans ce cas, deux applicateurs peuvent traiter environ 1 ha en une heure, soit par hélicoptère et il faut alors 1 mn pour protéger 1 ha. Les traitements aériens ont aussi comme avantages d'assurer une meilleure répartition du produit et de déranger le moins possible les écosystèmes, en particulier les oiseaux.
Le produit permet une réduction supérieure à 90 % des nuisances des moustiques. De plus, il présente le très gros avantage – par rapport aux insecticides chimiques type pyréthrinoïdes – de respecter les invertébrés autres que les diptères (moustiques, mouches), les poissons et les oiseaux.
<p>* <i>IBMA.</i> Executive Committee Member.</p>
IBMA, quels adhérents
L'association IBMA (International Biocontrol Manufacters Association) regroupe 140 membres (contre 120 en 2008) représentant 23 nationalités. 121 sont actifs en Europe. La France compte 32 adhérents, 7 de plus que les 25 de 2008.
Comme en 2008, les objectifs de l'association sont : représenter ses membres auprès des instances nationales et internationales, organiser et participer aux événements afin d'assurer la promotion des produits de biocontrôle.
IBMA s'appuie sur des organisations nationales comme IBMA France. Ses membres ont tous signé une charte les engageant à suivre certains principes d'éthique, en particulier le respect de la législation des pays où ils commercialisent leurs produits.
IBMA, quels produits
Le principe du biocontrôle est de s'intégrer dans des stratégies de protection des plantes et des récoltes, en privilégiant les mécanismes naturels de régulation et de défense.
Les produits du biocontrôle se répartissent dans quatre grandes familles :
– Macro-organismes (insectes, acariens, nématodes...)
– Micro-organismes (champignons, bactéries, virus...)
– Phéromones et autres attractifs naturels.
– Substances naturelles (extraits de plantes, éliciteurs naturels...)
Pour en savoir plus
www.ibma-global.org