dossier - Bioagresseurs ré-émergents

La processionnaire du pin vue par ses gestionnaires

Alice Leblond*, Jean-Claude Martin*, Claude Napoléone**, Ghislain Geniaux**, Christelle Robinet***, Damien Provendier**** et Caroline Gutleben**** - Phytoma - n°633 - avril 2010 - page 18

Une enquête auprès des communes françaises donne un nouveau regard sur ce ravageur
 ph. J.-C. Martin

ph. J.-C. Martin

Médaillon page gauche, attaque de processionnaire sur pin noir en limite altitudinale au Mont Ventoux. A noter : cette limite monte, autrement dit on trouve le ravageur de plus en plus haut en altitude. Ci-dessus, procession de nymphose. ph. J.-C. Martin

Médaillon page gauche, attaque de processionnaire sur pin noir en limite altitudinale au Mont Ventoux. A noter : cette limite monte, autrement dit on trouve le ravageur de plus en plus haut en altitude. Ci-dessus, procession de nymphose. ph. J.-C. Martin

La processionnaire du pin Thaumetopoea pityocampa est connue depuis longtemps dans la moitié sud de la France. Mais elle se montre émergente voire envahissante suite au réchauffement climatique et peut-être... aux plantations de pins le long de voies de communication. Quoiqu'il en soit, ce papillon aux chenilles nuisibles aux arbres, mais aussi à la santé publique, voit s'élargir son aire de présence. Et, là où on le connaît depuis des lustres, on note de façon cyclique une recrudescence des dégâts sur pins d'agrément et même en massifs forestiers. La recherche travaille à son sujet, mais qu'en dit-on sur le terrain ? Pour le savoir, l'INRA et Plantes&Cité ont lancé une enquête dont voici quelques résultats. Un nouveau regard et un lien intéressant qui permettent aux uns et aux autres de croiser leurs informations. Donc d'en profiter mutuellement.

Les changements climatiques peuvent pénaliser, voire éradiquer certains bioagresseurs, et au contraire en favoriser certains. Pour la processionnaire du pin, Thaumetopoea pityocampa, les conditions hivernales plus clémentes résultant du réchauffement climatique ont entraîné une progression de son aire.

Cantonné à l'origine dans la zone méditerranéenne, l'insecte progresse en altitude et en latitude. Suite à la levée de la contrainte climatique en région Centre (Robinet et al., 2007), la processionnaire progresse rapidement vers Paris (à une vitesse de 5,6 km/an depuis les années 1990) (Battisti et al., 2005).

Une nuisance sanitaire en expansion

Sa progression est d'autant plus préoccupante du fait des caractéristiques propres à l'insecte. La processionnaire du pin est non seulement l'un des plus grands ravageurs des pinèdes du Bassin Méditerranéen, mais elle peut générer des problèmes de santé plus ou moins graves chez l'Homme et les animaux par l'action de ses soies urticantes. Des problèmes sanitaires importants peuvent résulter du contact avec le nuisible ou bien tout simplement du fait de se trouver à proximité d'un nid ou d'une colonie.

Ses soies propulsées et véhiculées dans l'air peuvent provoquer des atteintes cutanées, allergiques, respiratoires et oculaires. Pour les animaux, un contact entraîne souvent l'euthanasie de l'animal (Bonnet et al., 2008).

Pour ces raisons, les scientifiques ont tiré la sonnette d'alarme et ont organisé l'enquête « Inventaire et évaluation des méthodes de lutte contre la processionnaire du pin » (Encadré).

Un nombre important de communes participantes

Plus de 1 500 réponses à l'enquête envoyée en mai 2009 auprès de l'ensemble des communes de France ont été obtenues et analysées. Des responsables de services espaces verts et des services techniques, des agents de mairie comme des élus ont contribué à faire progresser la recherche sur ce sujet grâce à leurs réponses. Nous tenons à remercier toutes les communes participantes.

La répartition des réponses est homogène au niveau du territoire français. A chaque commune participante a été attribuée la zone géographique correspondante à la répartition de la processionnaire telle qu'issue des travaux de l'Inra d'Orléans (données de 2005-2006).

Ainsi, 3 zones sont à distinguer : une zone anciennement colonisée par l'insecte (violet), une zone de front correspondant à la zone de progression récente de l'espèce (rouge) et une zone dans laquelle la processionnaire est encore absente (vert) (Figure 1).

Surveillance épidémiologique du territoire : état des lieux

Détection de six nouveaux foyers potentiels d'infestation

48 % des communes ayant répondu à l'enquête signalent être touchées par ce ravageur forestier. La carte de présence réalisée à partir de ces résultats reflète très bien l'aire de répartition connue par les scientifiques. La processionnaire du pin est effectivement présente dans les zones définies comme infestées et de front. Deux foyers d'infestation en amont de ces zones, en région parisienne et en Alsace, étaient déjà connus avant cette enquête. Lors de celle-ci, huit autres communes se trouvant dans la même zone considérée comme non infestée ont elles aussi été déclarées par les enquêtés comme abritant la processionnaire du pin.

Deux d'entre elles peuvent être écartées pour confusion avec la processionnaire du chêne (période de procession en juillet-août, non cohérente avec la processionnaire du pin). Les six autres signalements seront prochainement vérifiés et les données de présence mises à jour le cas échéant (Figure 2, p. 20). L'apparition de tels foyers pourrait être due au transport accidentel de l'insecte lors de plantations de pins.

Point de vigilance : Lors des aménagements urbains, les communes doivent veiller à la provenance de leurs pins et privilégier des arbres originaires de zones non infestées.

Une pression parasitaire variable sur le végétal

La proportion d'arbres infestés représente en moyenne 20 % du territoire communal soit 20 % de la totalité des pins ou cèdres présents sur la commune et peut atteindre les 100 %. Le nombre moyen de nids par arbre est de 4,6 et il a été observé jusqu'à plus de 40 nids par arbre dans une commune.

Les dommages sur l'arbre sont plus ou moins préjudiciables et dépendront fortement de sa taille et de son état sanitaire initial, c'est-à-dire s'il a été préalablement sujet à un stress hydrique répété ou à des attaques d'autres insectes xylophages. Ils ne provoquent, en général, pas la mort de l'arbre.

Les bords de route, des corridors propices à la propagation

Les communes utilisent souvent le pin noir (Pinus nigra), pour agrémenter abords routiers et ronds-points. Or cette espèce est particulièrement appréciée par la processionnaire du pin.

De plus, par la configuration des aménagements routiers, les arbres isolés sont en général bien exposés au soleil... Et cette exposition est une condition très favorable à l'établissement de ce ravageur. Tout cela facilite sa propagation d'une commune à l'autre. Il est à noter que 10 % des communes infestées envisagent encore de planter des pins...

Point de vigilance : Il est indispensable pour les gestionnaires communaux de régions infestées ou proches du front d'évaluer les risques avant toute plantation afin de choisir une essence non sensible à l'insecte.

Les particuliers, premières victimes

Bois, pinèdes, espaces verts et jardins sont tous envahis de façon importante par la processionnaire du pin, mais ce sont chez les particuliers que la plupart des nids sont localisés. Ce sont d'ailleurs eux qui pâtissent le plus des nuisances occasionnées par les chenilles et émettent le plus grand nombre de plaintes.

Celles-ci font souvent suite à un problème de santé réel (sur l'homme ou l'animal), mais beaucoup sont préventives, résultant de la peur du risque que représente l'insecte.

Aspect juridique : La commune n'est pas compétente pour agir sur les territoires privés. Mais le maire peut, s'il le juge nécessaire, émettre un arrêté municipal d'obligation de lutte en usant de son pouvoir de police afin de préserver sûreté, sécurité et salubrité publiques. Les administrés devront alors se conformer aux méthodes et périodes d'utilisation préconisées dans ledit arrêté sous peine de sanctions (procès verbaux)... De plus, certains terrains privés peuvent aussi se trouver dans un périmètre sur lequel des traitements aériens seront effectués.

Un risque accru chez les populations non familiarisées avec l'insecte

Les responsables communaux évaluent le risque comme « très élevé » bien plus fréquemment dans les communes de la zone de front que dans celles de la zone infestée. C'est d'ailleurs dans cette zone de front que l'on recense les communes avec le plus grand nombre de plaintes. Les populations non familiarisées avec l'insecte ne connaissent pas encore les règles de précautions devenues « de routine » dans les secteurs historiquement colonisés, et sont donc davantage victimes de ses nuisances.

Point vigilance : Afin d'éviter des problèmes sanitaires sérieux, une communication doit être mise en place par les communes pour informer les populations dès l'apparition du nuisible sur le territoire communal, voire même avant.

Afin de prévoir son arrivée, nous conseillons aux responsables communaux de se tenir au courant de la progression de l'insecte par la mise en place d'une veille sanitaire, surtout pour les communes situées près de la zone de front ou de foyers isolés (carte figure 2). Elles peuvent installer, en lisière de leur territoire, des pièges à phéromones pendant la période de vol de l'insecte (juin à août) afin de détecter précocement son apparition dans la commune.

Aspect juridique : Il incombe à toute personne constatant la présence de la processionnaire, nouvellement apparue dans la commune, de le déclarer au maire qui transmettra au service chargé de la protection des végétaux – maintenant SRAL – ou directement au service chargé de la protection des végétaux dont elle dépend (Article L251-6 du Code rural).

Si vous trouvez une processionnaire en dehors des régions non officiellement touchées, vous pouvez aussi le signaler à l'adresse suivante : http://www.inra.fr/urticlim/liens/vous_avez_trouve_une_processionnaire.

La lutte contre la processionnaire du pin

Prise de décision : seules 35 % des communes infestées luttent

Près des deux tiers des communes infestées ne luttent pas contre la processionnaire du pin. Pour 40 % d'entre elles, la situation n'exige pas d'agir. Mais plus de la moitié invoque une méconnaissance des techniques de lutte et un manque de moyens financiers, constituant ainsi un obstacle à l'organisation de la lutte. Ces communes sont souvent de type rural, de population faible et de superficie moyenne.

Le déterminant principal dans la prise de décision de lutter au niveau communal est les plaintes. Les responsables communaux déclarent intervenir principalement à cause des risques sanitaires, et ensuite à cause des risques de défoliation voire de dépérissement des arbres engendrés par le ravageur. Cependant, c'est la nécessité de répondre au besoin et à la satisfaction des citoyens (exprimés par le biais des plaintes) qui est le facteur déterminant dans la prise de décision de lutter.

Le budget moyen affecté à la lutte est de 3 450 € par commune. Mais la moitié d'entre elles n'engagent pas plus de 750 €. Le budget maximal peut s'élever à 50 000 € pour certaines communes qui traitent par voie aérienne.

Aspect juridique : Il n'existe aucune obligation de lutte au niveau national. L'arrêté du 31 juillet 2000, précise que la lutte contre la processionnaire du pin est obligatoire seulement au DOM de la Réunion. Il peut cependant en exister à l'échelon du département ou de la commune (arrêtés préfectoraux ou communaux, cf. plus haut).

Méthodes de lutte les plus utilisées

La technique la plus utilisée par les gestionnaires (82 %) est la lutte dite mécanique (prélèvement des nids au sécateur ou à l'échenilloir pour destruction). Elle est souvent couplée à d'autres méthodes. Les traitements chimiques laissent peu à peu la place aux traitements microbiologiques à base de la bactérie Bacillus thuringiensis ou Bt, comme il l'a déjà été observé pour les propriétaires forestiers (Pauly, 2006), même si le nombre d'utilisateurs de chimiques reste important (20,5 % des communes).

De nouvelles méthodes alternatives au chimique et au microbiologique, respectueuses de l'environnement, émergent. Elles sont encore soumises à des tests par la recherche mais déjà très employées au niveau communal. Hélas leurs protocoles d'utilisation ne sont pas harmonisés, ce qui peut nuire à leur efficacité.

On trouve ainsi 26 % de communes utilisant le piégeage de masse des adultes et 12 % la gestion paysagère et sylvicole ; 6,5 % piègent les chenilles et un peu moins de 5 % emploient la lutte biologique par conservation (Figure 3). A noter : les utilisateurs de produits chimiques ne connaissent en général pas les autres méthodes de lutte.

Point de vigilance : Une meilleure communication sur l'efficacité des traitements microbiologiques à base de Bt paraît nécessaire. En effet, leur spectre d'action s'étend maintenant aux quatre premiers stades larvaires et leur efficacité n'est plus à démontrer (Martin et al., 2006). Par ailleurs, le transfert d'information de la recherche vers le gestionnaire est ressenti comme une nécessité, et en particulier sur les « méthodes vertes » émergentes.

À la suite de cette enquête, un guide technique a été édité par l'Inra et Plante&Cité dans un but d'aide à la décision des gestionnaires (Leblond et al., 2009).

Évolution de la réglementation : vers la fin du chimique

Deux communes déclarent utiliser la deltaméthrine qui est pourtant interdite pour cet usage depuis le 30 avril 2009.

Par ailleurs la bifenthrine, autre insecticide chimique autorisé seulement pour une utilisation au sol (car toxique) et pour les cultures ornementales n'est pas inscrite à l'annexe 1 de la directive 91/414/CEE du Conseil selon la décision de la Commission Européenne du 30 novembre 2009. La France retire donc les AMM (autorisations de mise sur le marché) des produits phytopharmaceutiques contenant cette substance le 30 mai 2010. Les dates limites d'écoulement des stocks sont le 30 novembre 2010 pour la distribution et le 30 mai 2011 pour l'utilisation (avis au JORF du 24 mars 2010).

Les pratiques vont donc devoir évoluer très vite ! Les gestionnaires doivent penser dès maintenant à une nouvelle organisation de la lutte, en se tournant notamment vers des méthodes plus respectueuses de l'environnement.

Traitement aérien et traitement au sol

Les produits chimiques et microbiologiques peuvent être épandus par voie terrestre ou aérienne. Les traitements aériens sont plus fréquents en lutte microbiologique (45 %) que chimique (32 %) et les surfaces traitées plus importantes, mais les moyens terrestres restent privilégiés pour ces deux techniques.

Aspect juridique : Les conditions d'utilisation des moyens aériens se durcissent et exigent de se conformer à des conditions particulières. Actuellement, les seules substances actives autorisées pour l'épandage aérien sont le diflubenzuron, molécule chimique utilisable en forêt, et les produits microbiologiques à base de Bt, utilisés en forêt et pour les cultures ornementales et autorisés dans le cadre de l'agriculture biologique.

Il faut effectuer une déclaration préalable au SRAL (ex-SRPV) 24 heures avant le traitement et épandre à une distance supérieure ou égale à 50 m de tout point sensible (habitations, points d'eau, etc.) (Arrêté du 5 mars 2004 relatif à l'utilisation par voie aérienne de produits mentionnés à l'article L. 253-1 du code rural).

De plus, un des objectifs du Grenelle de l'environnement à l'avenir est d'interdire les traitements aériens sauf dérogation, et ce même pour les produits d'origine naturelle supposés moins préoccupants tel le Bt. Néanmoins, des dérogations seront accordées pour des motifs de santé publique.

Adaptation des stratégies de lutte selon l'espace à traiter et la période

Peu de traitements sont effectués en forêt de production. Les zones sur lesquelles un traitement est privilégié sont celles fréquentées par le public : forêts « de loisir » et espaces verts ainsi que milieux urbanisés. Les gestionnaires adoptent une gestion différenciée, n'intervenant que sur les endroits à risques.

Globalement, les périodes de lutte et le choix d'utiliser une méthode adaptée à la configuration des lieux sont bien comprises. Mais certaines aberrations ont été citées, par exemple traiter au Bt ou au dilfubenzuron en juillet-août quand la processionnaire est adulte (les deux substances sont larvicides). De même, enlever manuellement les pontes ou les nids sur plusieurs hectares est inadapté.

Point de vigilance : Les méthodes de lutte sont à adapter à la configuration du site tout en respectant les contraintes de périodes biologiques liées à l'espèce (Cf. Cycle de lutte figure 4). Si les conditions ne sont pas respectées, cela peut rendre la lutte inutile donc décourager les utilisateurs de méthodes alternatives.

Suivi et efficacité

Les communes réalisant un suivi post-traitement sont 44 % à observer une diminution du nombre de nids ; 32 % n'observent aucune différence, 22 % ne savent pas... et 2 % observent une augmentation. Ce sont les gestionnaires communaux couplant plusieurs méthodes qui obtiennent les meilleurs résultats. On observe de grandes différences d'efficacité entre la zone anciennement colonisée et la zone de front. La comparaison des suivis effectués par les communes révèle une réduction de l'efficacité de la lutte en zone de front. En effet, dans cette dernière, les communes n'observant aucune différence après traitement sont beaucoup plus nombreuses (Figure 5).

Point de vigilance : Il paraît indispensable de sensibiliser les gestionnaires confrontés à cette nouvelle situation, à une bonne utilisation des méthodes et de les guider dans leur mise en place de la lutte.

Satisfaction des méthodes : opinion des administrés...

L'opinion des administrés, à travers la vision des gestionnaires, est plus négative vis-à-vis de la lutte microbiologique que de la lutte chimique, tout simplement parce que la première est généralement pratiquée par voie aérienne.

Les riverains sont souvent non informés du traitement. Ils se plaignent du survol de leur habitation ou bien d'un dépassement du périmètre prédéfini. La peur des conséquences du traitement fait aussi partie des doléances. Pour le Bt, molécule dite « peu préoccupante », des arrêtés préfectoraux de dérogation aux règles de survol des agglomérations et des rassemblements de personnes ou d'animaux peuvent être délivrés, autorisant alors l'hélicoptère à épandre le produit juste au-dessus des habitations, ce qui n'est pas envisageable pour le chimique.

Concernant les luttes alternatives, l'opinion des administrés est très positive (Figure 6).

... et celle des gestionnaires

Pour les gestionnaires, il existe beaucoup plus d'aspects négatifs liés à l'utilisation du chimique. Le B. thuringiensis est en effet beaucoup plus écologique et spécifique de la lutte contre les lépidoptères.

Les luttes alternatives, quant à elles, sont très bien perçues par les gestionnaires, même s'il faut être en général plus patient pour obtenir des résultats, et qu'il peut exister des variations d'efficacité suivant la configuration des sites (Figure 7).

Seuls 3 % des gestionnaires pratiquant les techniques d'échenillage et 11 % des utilisateurs de chimique envisagent de changer de pratique. La lutte mécanique demande plus de moyens humains que les autres méthodes et nécessite des équipements individuels de protections pour les agents.

Les utilisateurs des techniques alternatives émergentes envisagent de poursuivre dans les années à venir le contrôle des populations de processionnaire par les mêmes moyens. Cela est donc un bon indicateur de satisfaction.

Mais au fait, quelles sont ces méthodes émergentes ?

Méthodes vertes émergentes

Piège à chenilles

Le piège à chenilles dit Écopiège™ permet d'éviter les risques sanitaires dus aux soies urticantes, en interceptant le nuisible à la période où il est le plus dangereux, au moment des processions.

Le dispositif est fixé sur chaque arbre portant des nids. Cette technique est recommandée pour les arbres isolés situés dans des lieux fréquentés par le public, et est parfaitement adapté aux jardins des particuliers.

Ce piège se sert de la séquence comportementale de la procession, en stoppant les chenilles lors de leur descente de l'arbre et en les dirigeant dans un sac rempli de terre dans lequel elles se nymphoseront. Cette méthode, testée récemment par l'INRA, démontre son efficacité. Quelques améliorations du piège ont déjà été réalisées, d'autres le seront prochainement.

Piégeage de masse des adultes

Développé depuis quelques années déjà, le piège à phéromone a pour but de piéger en masse les papillons mâles, réduisant ainsi les accouplements (donc les pontes et les sorties ultérieures de chenilles) et permettant de maintenir les populations à un seuil tolérable. Plusieurs modèles de pièges et de diffuseurs à phéromones sont disponibles sur le marché. Ils ne présentent pas tous la même efficacité. L'Inra publiera bientôt des résultats d'expérimentations selon différents types de modalités.

Lutte biologique par conservation ou « faciliter la mésange »

Plusieurs espèces de mésange sont connues pour leur prédation importante des chenilles des stades L4 et L5. Elles peuvent vider totalement un nid de ces occupantes, laissant un orifice caractéristique dans celui-ci. Déjà présentes dans nos forêts, parcs et jardins, l'idée est, par l'installation de nichoirs artificiels adaptés, de favoriser la nidification et donc, potentiellement, la prédation de ces chenilles.

Cette technique actuellement en test devra être évaluée à long terme. Elle semble adaptée au milieu urbain comme au milieu forestier, du moins en forêt « mixte ». En effet, il faut savoir que les forêts de conifères seuls ne sont pas les biotopes privilégiés des mésanges, ce qui limite l'intérêt de la technique dans leur cas.

Conclusion

L'enquête est un très bon moyen de suivi, et permet notamment de détecter des foyers isolés, qui ne suivraient pas l'évolution « normale » de la progression de la processionnaire du pin. Ce système pourrait être mis en place chaque année, mais de manière simplifiée, permettant ainsi de détecter les communes nouvellement infestées, et de leur proposer des techniques de lutte adaptées.

Le problème majeur des communes n'est pas tant l'impact qu'a l'insecte sur les arbres, mais bel et bien celui qu'il occasionne sur la santé des hommes et animaux par l'action de ses soies urticantes. Ce sont d'ailleurs les plaintes déposées en mairie qui font pencher la balance dans la prise de décision de lutter.

Il existe une grande différence entre zones anciennement colonisées et zones nouvellement colonisées. Il est important de partager les connaissances et de faire de la prévention afin d'éviter des problèmes sanitaires importants, et ce particulièrement dans les zones de front et foyers isolés.

La lutte devra bientôt être réorganisée et repensée, car les conditions d'utilisation des traitements chimiques et microbiologiques se durcissent jusqu'à une réduction programmée. Les techniques vertes émergentes (écopiège, piège à phéromone, gestion paysagère, lutte biologique par conservation...) sont donc complémentaires pour l'avenir de la lutte.

<p>* INRA, UE0348 Forestière méditerranéenne 84914 Avignon. jean-claude.martin@avignon.inra.fr</p> <p>** INRA, UR767 Ecodéveloppement, 84914 Avignon.</p> <p>*** INRA, UR633 Zoologie Forestière, 45075 Orléans.</p> <p>**** Plante&amp;Cité, Angers.</p>

INRA et Plantes&Cité, l'autre regard des communes

La recherche doit faire le lien avec l'appliqué : faire un état des lieux des situations locales, comparer ces observations à la distribution connue de l'insecte, évaluer les problèmes rencontrés par les gestionnaires afin de développer des procédés permettant de répondre à leurs attentes et répondre à deux questions subsidiaires : « Comment les responsables et les populations réagissent face à cette nuisance ? » et « Quelles sont les actions menées pour réguler ces populations d'insecte ? »

Or, qui sont les mieux placés pour répondre à tout cela, si ce n'est les responsables des espaces verts des communes ? C'est pourquoi Plante&Cité et l'INRA ont conduit, en étroite collaboration, une enquête adressée aux 36 000 communes de France et leur posant ces questions. En ligne sur Internet, l'enquête a été envoyée aux communes en mai 2009, avec pour objectif de porter un autre regard que celui de la recherche sur cet insecte : le point de vue des responsables communaux sur les conséquences de la présence de la processionnaire sur leur territoire.

Figure 1 - Répartition géographique des communes ayant participé à l'enquête.

Figure 2 - Cartographie des foyers recensés en 2009 dans le cadre de l'enquête conduite par l'INRA et Plante&Cité.

Figure 3 - Pourcentage d'utilisation des méthodes de lutte recensées dans le cadre de l'enquête. Les communes utilisent généralement plusieurs méthodes de lutte.

Figure 4 - Cycle de la processionnaire du pin, méthodes de lutte aux différents stades.

 Photos : J.C. Martin

Photos : J.C. Martin

Figure 5 - Variation d'efficacité de la lutte entre zone de front et zone anciennement infestée.

Figure 6 - Le point de vue des administrés. Perception des méthodes de lutte par les gestionnaires et les administrés.

Figure 7 - Satisfaction des gestionnaires en fonction de la méthode de lutte employée.

Remerciements

Nous tenons à remercier Plante & Cité, sans qui le projet n'aurait pas eu lieu, et en particulier Damien Provendier et Caroline Gutleben. Nous remercions aussi les équipes de l'UEFM et de l'URZF pour leurs travaux sur la processionnaire du pin, ainsi que l'ANR Urticlim pour son financement.

Bibliographie

Robinet C., Baier P., Pennerstorfer J., Schopf A. et Roques A., 2007 - Modelling the effects of climate change on the potential feeding activity of Thaumetopoea pityocampa (Den. & Schiff.) (Lep., Notodontidae) in France. Global Ecol. Biogeogr., 16, 460-471.

Battisti A., Stastny M., Netherer S., Robinet C., Schopf A., Roques A. et Larsson S., 2005 - Expansion of geographic range in the pine processionary moth caused by increased winter temperatures. Ecolog. Applic., 15, 2084-2096.

Bonnet C., Martin J-C., 2008 - Processionnaire du pin : quand un ravageur forestier devient un problème sanitaire. NPI, 54, 23-25.

Pauly H., Bordeaux DSF, 2006 - Bilan des traitements effectués contre la chenille processionnaire du pin. http://agriculture.gouv.fr/sections/thematiques/foret-bois/sante-desforets/annee2005/downloadFile/FichierAttache_9_f0/trait_pp_2006.pdf

Martin J.C., Bonneau X., 2006 - Bacillus thuringiensis : 30 ans de lutte contre les chenilles défoliatrices en forêt, Phytoma-LdV, 590, 4-7.

Leblond A., Martin J.-C., Provendier D., Gutleben C., Napoleone C., Robinet C., 2009 - Inventaire et évaluation des méthodes de lutte contre la processionnaire du pin : enquête nationale et guide technique.

http://www.plante-et-cite.fr/data/info/13510-Resultats_enquete_et_guide_technique.pdf

Résumé

Une enquête a été réalisée en 2009 par l'Inra et Plantes&Cité auprès des municipalités françaises sur la processionnaire du pin : présence, problèmes rencontrés et lutte pratiquée.

L'enquête a confirmé l'extension du ravageur et signalé six nouveaux foyers potentiels (à vérifier) hors de son aire actuelle. Elle a montré que seules 35 % des communes touchées luttent contre la processionnaire et fait le point des diverses méthodes. Elle permet de donner des conseils plus judicieux et plaide pour plus de relations entre chercheurs et gestionnaires, notamment sur la lutte microbiologique (efficacité parfois sous-estimée) et les méthodes émergentes (piégeage des adultes, piégeage des chenilles, favorisation des prédateurs tels les mésanges).

Mots-clés : bioagresseurs émergents, processionnaire du pin Thaumetopoea pityocampa, enquête, progression, aire de répartition, foyers d'infestation, lutte mécanique, lutte chimique, lutte microbiologique, Bacillus thuringiensis, piégeage des chenilles, piégeage des papillons, gestion paysagère et sylvicole, lutte biologique, mésanges.

L'essentiel de l'offre

Phytoma - GFA 8, cité Paradis, 75493 Paris cedex 10 - Tél : 01 40 22 79 85