dossier - Bonnes pratiques phytosanitaires

S'informer avant de traiter profiter des BSV

Marianne Decoin* et Aldjia Younsi** - Phytoma - n°634 - mai 2010 - page 26

Avant le traitement, se renseigner sur la pression des bioagresseurs donc l'intérêt ou non de traiter

Les « BSV » ? Même ceux qui ne les connaissent pas en profitent et ceux qui veulent en profiter davantage peuvent le faire gratuitement ! Les BSV, « Bulletins de santé du végétal » remplaçant les Avertissements agricoles, sont opérationnels. Ils sont mis à disposition de la profession agricole. On les consulte pour savoir comment va la santé des végétaux face à leurs bioagresseurs, et ils étayent les conseils phytosanitaires dispensés par les uns et les autres, voire des articles de presse... Ce qui fait que tout le monde profite de ces outils au service des bonnes pratiques phytosanitaires. Voici des informations pour en savoir plus sur les « BSV » et des indications pour ceux qui veulent les lire en direct. Car c'est possible et, répétons-le, gratuit.

En théorie, c'est en 2009 que les « BSV », « Bulletins de santé du végétal », ont remplacé les « AA », « Avertissements agricoles ». En fait 2009 a été une année de transition, et c'est au printemps 2010 que les BSV succèdent vraiment aux AA partout en France.

Pourquoi et comment ? Qu'est-ce qu'il y a de neuf dans les BSV par rapport aux AA ? Quel rapport entre BSV et bonnes pratiques phytosanitaires ? Comment peut-on avoir les BSV gratuitement ? En réponse à ces quatre questions, voici un rappel historique, deux explications de texte et des indications pratiques.

Un peu d'histoire

Retour sur les AA

Historique : jusqu'en 2008, les SRPV, Services régionaux de la protection des végétaux, aujourd'hui intégrés dans les SRAL(1), éditaient des bulletins « Avertissements agricoles », en abrégé « AA »(2). De nombreux SRPV travaillaient en partenariat avec leur FREDON, Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles, et certains avec d'autres partenaires mais ce n'était pas systématique.

Il y avait des éditions spécialisées par filière ; grandes cultures, vigne, etc. Chaque édition paraissait durant la saison végétative de sa filière à un rythme en général hebdomadaire. On y lisait d'une part l'état des lieux de la situation phytosanitaire et des alertes sur les risques liés aux bioagresseurs et, d'autre part, des conseils de traitement ou de non-traitement.

L'état des lieux se basait sur le travail d'un réseau d'observateurs, agriculteurs ou organismes divers, alliant l'observation directe des cultures au piégeage de ravageurs (ou de spores de pathogènes, etc.), et à des mesures notamment climatiques. Ces dernières venaient de stations météorologiques en général implantées, surveillées et entretenues par les membres du réseau.

Pour leur part les conseils se basaient sur :

– l'état des lieux épidémiologique local (ex. premiers symptômes d'une maladie ou émergences d'un ravageur),

– des connaissances locales sur les risques parcellaires (ex. : type de sols induisant un risque accru de telle ou telle maladie),

– des modèles de prévision des risques, utilisés en y intégrant l'état des lieux épidémiologique et les données climatiques locales,

– des connaissances nationales agronomiques, par exemple résistances variétales aux maladies ou ravageurs, résistance des bioagresseurs (maladies, ravageurs et mauvaises herbes) aux moyens de lutte...

... Ces quatre éléments permettant l'analyse du risque phytosanitaire proprement dite,

– des connaissances réglementaires (produits autorisés ou retirés du marché, etc.) et phytopharmaceutiques (profils techniques des produits phytopharmaceutiques).

... Ce cinquième élément permettant de conseiller (ou déconseiller) tel ou tel type de produit suite à l'analyse du risque.

Les AA étaient distribués sous forme papier posté, fax ou mail. L'abonnement était payant vu notamment les frais de distribution.

Dans certaines régions, d'autres organismes éditaient leurs bulletins d'alerte et de conseil phyto, certains puisant dans les informations émises par les Avertissements agricoles.

Projet BSV, séparer conseil et constat

En 2008, suite au Grenelle et dans le cadre du plan d'Ecophyto 2018, le ministère chargé de l'agriculture a décidé de séparer les fonctions de constat des risques de celles de conseil phytosanitaire (choix et application de produits phytopharmaceutiques). Et aussi de ne plus se mêler de ces dernières fonctions. « Ce n'est pas le rôle de l'État de préconiser l'emploi et le choix des produits », nous expliquait ainsi Emmanuelle Soubeyran, Sous-directrice de la Qualité et de la Protection des végétaux à la DGAL du MAAP(3) en décembre 2008(4).

Dans le cadre des RES

En revanche l'état a souhaité renforcer les fonctions d'alerte phytosanitaire, et d'abord leur base c'est-à-dire la surveillance biologique du territoire. Il a donc cherché à réorganiser et dynamiser cette surveillance en créant le « Réseau d'épidémio-surveillance », en abrégé RES. L'idée est de ne pas se contenter des forces des seuls agents de l'état, d'autant que leur effectif a tendance à diminuer, mais de :

– mutualiser les informations que les différents organismes obtenaient jusqu'ici en ordre plus ou moins dispersé, ce qui ne peut qu'améliorer leur quantité et leur qualité,

– intensifier et améliorer la collecte de ces informations là où ce pouvait être nécessaire,

– utiliser cela de façon coordonnée pour des synthèses nationales et pour une diffusion aux professionnels concernés au niveau de chaque région et chaque filière, sous la forme des BSV, Bulletins de santé du végétal.

Il a donc suscité la création de Comités opérationnels régionaux présidés par les Chambres régionales d'agriculture sous la surveillance des préfets de région représentés par le DRAAF. Chaque comité s'est organisé en confiant la réalisation de différentes éditions de BSV à tel ou tel partenaire : FREDON souvent, ou bien tel ou tel service de la Chambre régionale, station régionale de tel ou tel institut technique, tel comité interprofessionnel de filière, etc.

Point important : l'état a, citons E. Soubeyran en décembre dernier, « établi le cahier des charges et, par le biais des Préfets de Région et concrètement des SRAL, veillera à son respect ».

BSV, précisions

Comme les Avertissements Agricoles et la plupart des outils d'alerte phytosanitaire existant auparavant, les Bulletins de Santé du Végétal sont édités par filière avec un rythme hebdomadaire durant la saison végétative.

Les informations sont issues d'un réseau d'informateurs, agriculteurs ou organismes agricoles. Gageons qu'un bon nombre d'entre eux sont des anciens « correspondants Avertissements agricoles ».

Réseau rajeuni, enrichi

Mais ce réseau a été rajeuni, étoffé, ré-organisé. Les réseaux de parcelles d'observation déjà utilisés dans le cadre de la biovigilance et des anciens AA ont été renforcés.

Enfin, même si certaines FREDON déjà rédactrices d'AA ont repris du service pour les éditions de BSV correspondantes, de nouveaux organismes sont entrés dans le dispositif. Le tout dans une logique, toujours, de mutualisation. Il y a deux autres différences fondamentales.

Pas de préconisation

D'abord, les AA allaient jusqu'à la préconisation de traiter ou non et ils donnaient des conseils pour cela. En général ils ne citaient pas les produits commerciaux mais signalaient, par exemple, les règles d'alternance entre familles chimiques, qu'ils nommaient.

Les BSV, eux, s'arrêtent avant. On peut y lire si tel ou tel bioagresseur se manifeste ou non, quelle pression il exerce, quelle est l'importance du risque induit, et c'est tout. On a bien séparé le conseil du constat.

À chaque lecteur d'en déduire la suite : attendre pour traiter voire s'en dispenser, ou bien traiter. Le BSV n'évoque pas le choix du produit.

Certains organismes peuvent en tirer des conseils par le biais de bulletins de préconisation. Ces derniers ne s'appelleront pas « Avertissements agricoles » car le titre avait été déposé, et ce sera en dehors du dispositif. Bien sûr ils pourront utiliser l'information contenue dans les BSV : elle est libre et gratuite.

C'est gratuit

Car, c'est l'autre différence, les BSV sont mis gratuitement à la disposition du public.

Mais quel intérêt des organismes peuvent-ils trouver à participer à un réseau qui leur demande d'investir des moyens (temps de travail de surveillance terrain, etc.) pour générer de l'information, si celle-ci est ensuite diffusée gracieusement ?

Entre autres, celui de faire partie du réseau donc d'être aux premières loges pour recevoir l'information des autres participants tout aussi gracieusement, et en priorité.

Pourquoi les BSV sont-ils des outils pour les bonnes pratiques ?

Quoi qu'il en soit les BSV aident les agriculteurs à mettre en œuvre deux bonnes pratiques phytosanitaires de base :

– ne traiter que s'il le faut donc éviter tout traitement d'assurance ; on sait qu'une partie d'entre eux se révèle inutile après coup ;

– le faire quand il le faut donc éviter les traitements de rattrapage ; ces derniers sont nécessaires si on a traité au mauvais moment ou pas traité alors qu'on aurait dû ; en général ils aboutissent à traiter davantage que si on avait commencé par traiter au bon moment ! Se passer de ces traitements de rattrapage permet d'allier l'efficacité et l'économie de traitement : diminuer l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, objectif d'écophyto 2018, sans diminuer le rendement.

Mais, pour bénéficier directement de cet outil des bonnes pratiques qu'est le BSV, encore faut-il pouvoir y accéder.

Comment y accéder

Or le parti-pris de gratuité, qui interdit de vendre les abonnements, empêche de diffuser l'information de façon coûteuse pour l'émetteur. Pas question d'envoi par le poste ou par fax. Reste internet. Envoyer un bulletin à 3 000 destinataires ne coûte pas plus cher qu'à un seul, sauf pour la gestion de la liste de diffusion. Tâche que toutes les chambres régionales et SRAL ne semblent pas en mesure d'assurer.

Aller sur des sites

Mais tous les BSV sont mis à disposition sur les sites internet des Chambres régionales d'agriculture et des SRAL. Les coordonnées de ces derniers sont dans le tableau 1 p. 28-29.

Souvent des organismes participant au réseau font de même pour leurs filières... et même les autres. Ainsi le site du Cetiom (www.cetiom.fr) propose, dans son espace régional accessible via une carte de France visible dès sa page d'accueil, l'ensemble des bulletins grandes cultures mais aussi vigne, vergers, cassis, etc.

Certes, il faut avoir accès à internet. De plus, il faut aller chercher l'information. Ce n'est pas la même chose que de la recevoir directement.

Pour certains, les recevoir chez soi

Certains SRAL ont proposé à leurs anciens abonnés AA de recevoir gratuitement le BSV et on peut se faire porter sur leur liste de diffusion sur simple demande. Les possibilités sont reportées dans le tableau 1. Et puis, bien sûr, les bulletins de préconisation de divers intervenants reprennent les informations des BSV comme base de leurs conseils.

<p>* Phytoma, portage de plume.</p> <p>** Groupe France Agricole, réalisation de l'enquête.</p> <p>(1) Services régionaux de l'alimentation. Regroupent, au sein des DRAAF (Directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, anciennement DRAF, Directions régionales de l'agriculture et de la forêt), les anciens SRPV avec d'autres services (vétérinaires, etc.).</p> <p>(2) Précisons que les Bulletins d'Avertissements Agricoles sont antérieurs aux SRPV. Ceux-ci ont été créés au XXe siècle mais les premiers AA ont été publiés en 1898 à partir des Stations d'Avertissements Agricoles de Cadillac (Gironde) et Montpellier (Hérault) (source : B. de La Rocque).</p>

Résumé

Les BSV, « Bulletins de Santé du Végétal », qui succèdent aux AA, « Avertissements agricoles », sont vraiment opérationnels ce printemps 2010. L'article raconte l'histoire de cette création et les différences entre AA et BSV. Ces derniers rendent compte de l'état de santé des végétaux suite à une surveillance épidémiologique mutualisée et renforcée par rapport à la situation antérieure. Ils laissent la fonction de conseil (préconisation) à d'autres. Autre nouveauté : les BSV sont mis à disposition gratuitement. L'article donne les indications pratiques pour y accéder par région et filière de production.

Mots-clés : bonnes pratiques phytosanitaires, environnement, BSV, Bulletin de santé du végétal, AA, Avertissements agricoles, RES, réseau d'épidémio-surveillance, surveillance, conseil, constat, mutualisation, gratuité.

L'essentiel de l'offre

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