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Stratégie « bas intrants fongicides » sur pommiers

Laurent Brun*(1), Johanny Guinaudeau*, Christophe Gros*, Freddy Combe*, Luciana Parisi* et Sylvaine Simon* - Phytoma - n°636 - septembre 2010 - page 40

Concevoir et tester de telles stratégies contre les maladies du pommier en vergers dans la vallée du Rhône
 Tavelure. ph. L. Brun

Tavelure. ph. L. Brun

Un des capteurs de spores type Burkard mis en place durant cinq saisons complètes dans des vergers de la Drôme pour enregistrer les projections d'ascospores de tavelure. Ils ont permis de « caler » les modèles par rapport à la réalité de terrain. ph. F. Combe

Un des capteurs de spores type Burkard mis en place durant cinq saisons complètes dans des vergers de la Drôme pour enregistrer les projections d'ascospores de tavelure. Ils ont permis de « caler » les modèles par rapport à la réalité de terrain. ph. F. Combe

Tavelure sur feuilles de pommier Golden, variété que l'on sait sensible à la maladie. L'expérimentation rapportée ici a été menée sur trois variétés de pommier :      Smoothee 2832T®, mutant de Golden et lui aussi sensible, Melrose donnée peu sensible à la tavelure, et Ariane porteuse du gène de résistance Vf à la tavelure. ph. L. Brun

Tavelure sur feuilles de pommier Golden, variété que l'on sait sensible à la maladie. L'expérimentation rapportée ici a été menée sur trois variétés de pommier : Smoothee 2832T®, mutant de Golden et lui aussi sensible, Melrose donnée peu sensible à la tavelure, et Ariane porteuse du gène de résistance Vf à la tavelure. ph. L. Brun

Parcelle « BIO » (menée selon le cahier des charges de l'agriculture biologique) du verger de Gotheron. On a comparé des stratégies fongicides pour chacun des deux modes de production, conventionnel et biologique. Bilan : dans les deux modes de production, on peut mener des stratégies plus « bas intrants » que d'autres. ph. K. Morel

Parcelle « BIO » (menée selon le cahier des charges de l'agriculture biologique) du verger de Gotheron. On a comparé des stratégies fongicides pour chacun des deux modes de production, conventionnel et biologique. Bilan : dans les deux modes de production, on peut mener des stratégies plus « bas intrants » que d'autres. ph. K. Morel

Aujourd'hui, la recherche doit travailler sur des stratégies de production agricole dites « bas intrants » c'est-à-dire peu utilisatrices de ces intrants, et notamment de produits phytopharmaceutiques. L'INRA avait commencé à le faire bien avant le Grenelle de l'Environnement de 2007 et la sortie du plan Ecophyto. Tant mieux : des résultats de travaux sont ainsi disponibles maintenant. C'est le cas pour les stratégies « bas intrants fongicides » étudiées en vergers de pommiers depuis 2005 en vallée du Rhône. Présentation.

Les principales variétés de pommiers cultivées étant sensibles à diverses maladies, produire des pommes exige une protection fongicide intense. Dans un contexte d'objectif de réduction des intrants phytosanitaires, il est nécessaire de développer et tester en verger des stratégies de protection « bas-intrants ». Nous allons montrer ici la démarche utilisée pour concevoir des stratégies de protection du pommier permettant de réduire l'usage des fongicides. Nous témoignerons des réflexions avancées, difficultés rencontrées, études complémentaires nécessaires, etc., pour concevoir ces stratégies.

Le contexte du site

Le verger expérimental (nommé BioREco ; Alaphilippe et al., 2009) a été planté en janvier 2005 sur l'unité expérimentale INRA Gotheron située dans la moyenne vallée du Rhône (Drôme), sous climat continental avec influences méditerranéennes. Concernant les maladies du pommier, le contexte du site est l'absence de feu bactérien (dû à Erwinia amylovora) et de souches de Venturia inaequalis, agent responsable de la tavelure, virulentes vis-à-vis des variétés porteuses du gène de résistance Vf. De plus, la pression du chancre européen dû à Nectria galligena est faible et les applications de fongicides cupriques à la chute des feuilles automnale ne sont pas nécessaires.

Dans ce contexte, les principales maladies exigeant la mise en œuvre de méthodes de protection sont la tavelure, l'oïdium (dû à Podosphaera leucotricha) et les maladies de conservation des fruits (type « Gloeosporioses »).

Réduire le développement des maladies au verger avant la protection fongicide

Choix de la variété

Le premier facteur est sûrement la sensibilité variétale aux maladies. Notre choix s'est porté sur les 3 variétés suivantes (Tableau 1) :

– Smoothee 2832T® (mutant de Golden Delicious), témoin sensible aux maladies ;

– Melrose, donnée peu sensible à la tavelure et aux gloeosporioses ;

– Ariane, porteuse du gène de résistance Vf à la tavelure et également donnée peu sensible aux gloeosporioses.

Prophylaxie

La prophylaxie est une approche importante pour limiter le développement des maladies.

Ainsi, en ce qui concerne la tavelure, la méthode de réduction de l'inoculum primaire par balayage/ buttage a été retenue (Brun et al., 2005). Elle consiste en un retrait des feuilles sur l'inter-rang enherbé à l'aide d'une balayeuse couplée à un tracteur, complété par un enfouissement des feuilles sur le rang par buttage à l'aide d'une décavaillonneuse à disque. Cette stratégie oblige à choisir l'entretien mécanique du rang de plantation (il peut être complété par un désherbage chimique en agriculture conventionnelle).

Pour l'oïdium, la prophylaxie consiste en la suppression de l'inoculum primaire, en particulier des rosettes de feuilles oïdiées issues de bourgeons contaminés.

Enfin, des distances de plantation relativement élevées (5 m entre rangs et 2 m entre arbres) permettent d'obtenir un verger aéré limitant le développement des maladies. Le choix d'une conduite centrifuge permet également d'obtenir une forme d'arbre aéré (puits de lumière, extinction artificielle des points de fructification).

Raisonner la protection fongicide

Deux modes de production : conventionnel ou biologique...

Les 3 variétés étudiées sont conduites en agriculture conventionnelle (ECO) et en agriculture biologique (BIO). Le choix des produits phytosanitaires diffère donc selon ces deux modes de production.

... mais des stratégies comparables

Pour les deux modes, nous avons retenu des stratégies de raisonnement de la protection fongicide comparables. Par ailleurs, et dans tous les cas, les applications de fongicides respectent la réglementation française (produits commerciaux et doses d'emploi homologués, délais d'utilisation avant récolte), ainsi que les pratiques d'utilisation préconisées (périodes d'utilisation, respect des délais d'efficacités préventives et curatives, alternance des familles chimiques si possible). De plus, nous avons choisi de ne pas faire d'associations de produits fongicides lors des applications.

Protection contre la tavelure, selon la variété

Pour la tavelure, 3 modalités de raisonnement de la protection fongicide sont utilisées durant la période des contaminations primaires :

– Stratégie fongicide « classique » mise en œuvre sur Smoothee et qui consiste en des applications préventives des fongicides avant pluie, curatives après pluie si absence de protection préventive ou si lessivage de cette protection préventive ; tous les risques de contamination tavelure (Angers, Léger, Moyen, Grave) sont protégés.

– Stratégie fongicide selon les « propositions d'Olivier » (1986), utilisée sur Melrose et qui consiste à choisir une courbe de Mills comme seuil d'application des fongicides (Tableau 2) ; les fongicides peuvent être appliqués en préventif ou en curatif.

– Stratégie fongicide « durabilité résistance Vf », utilisée sur Ariane pour retarder l'installation des souches virulentes sur les variétés résistantes Vf ; cette stratégie consiste à protéger les risques Mills Moyen et Grave associés à de fortes projections d'ascospores (Didelot et al., 2009) ; les fongicides peuvent être appliqués en préventif ou en curatif.

Par ailleurs, si la protection fongicide contre la tavelure doit être poursuivie durant la période des contaminations secondaires, alors tous les risques de contamination tavelure (Angers, Léger, Moyen, Grave) sont protégés. Les applications de fongicides sont alors préventives avant pluie, curatives après pluie si absence de protection préventive ou si lessivage de cette protection préventive. Ceci, quelle que soit la stratégie de protection fongicide retenue durant les contaminations primaires.

Protection contre l'oïdium et les maladies de conservation

En ce qui concerne l'oïdium, le raisonnement de la protection fongicide est basé sur les propositions d'Audemard et al. (1993). Les applications fongicides sont basées sur des contrôles en végétation après fleur. Les 5 dernières feuilles, situées sous la dernière feuille déroulée, sont observées sur 100 pousses réparties sur la parcelle (Tableau 3). Les contrôles et la protection fongicide oïdium se terminent avec l'arrêt de croissance des pousses.

Melrose et Ariane, peu sensibles aux maladies de conservation, ne reçoivent aucune application fongicide dirigée contre ces maladies.

Mise en œuvre des stratégies de protection

Prophylaxie contre la tavelure

Pour la tavelure, les combinaisons des méthodes de protection (=modes de production) et des modalités de raisonnement sont présentées dans le tableau 4.

Concernant la prophylaxie tavelure, le retrait des feuilles de l'inter-rang enherbé a été réalisé de 2005 à 2007 à l'aide d'une balayeuse à rotor équipé de balais (Morel Environnement, 2200 TH, Yvetot, France) achetée d'occasion et remise en état sur l'unité. En 2008 et 2009, nous avons utilisé un Tondobalai à rotor à lames ventilées (Amazone, LGD-180, Forbach, France). L'enfouissement des feuilles par buttage est réalisé à l'aide d'une décavaillonneuse à disque (Ommas, Idéal ARR, Modena, Italie) utilisée pour l'entretien du rang de plantation. Les feuilles situées en limite des zones travaillées et enherbées ont été andainées à l'aide d'une brosse satellite (Perfect). Cette opération est réalisée en même temps que le retrait par balayage (brosse satellite montée entre le tracteur et la balayeuse). Pour BIO Smoothee, ce retrait des feuilles a été réalisé en deux passages (50 % de chute de feuilles et 100 %) les années où l'inoculum d'automne était « Dense ».

Protection anti-tavelure : « caler » les modèles par rapport au terrain

La mise en œuvre des stratégies fongicides « propositions d'Olivier » et « durabilité résistance Vf » (sur Melrose et Ariane) nécessite d'identifier les fortes projections d'ascospores. Or, nous avons constaté des écarts importants entre les observations en verger et la prévision des modèles d'aide à la décision.

Ainsi, un travail complémentaire a été entrepris pour définir un usage simple et représentatif de la réalité par les modèles (Encadré 1 et tableau 5). Nous avons ainsi défini, pour notre site, que les projections d'ascospores étaient considérées comme fortes sur une période débutant dès le stade phénologique C-C3 et terminant lorsque le modèle d'aide à la décision Melchior® annonce que 95 % du stock d'ascospores de l'année a été projeté.

Seuils de poursuite de protection : les choisir et simplifier le travail

À la fin des contaminations primaires (fin des projections d'ascospores et aussi de la durée d'incubation pour la sortie des taches liées aux dernières projections), il est préconisé de poursuivre la protection fongicide contre la tavelure durant l'été en cas de présence d'inoculum secondaire (i.e. taches de tavelure sur les feuilles et/ou fruits avec présence de conidies). Mais les guides de protection intégrée ne précisent aucun seuil d'arrêt de cette protection, et lorsque les contrôles sont réalisés de nombreux vergers présentent des taches de tavelure (Gros et al., 2009).

Aussi, d'après notre expertise en régions à influence méditerranéenne, nous avons utilisé le seuil de 2 % de feuilles tavelées comme seuil d'arrêt de la protection fongicide. Nous l'avons utilisé dans notre essai sauf pour la parcelle Smoothee ECO pour laquelle le seuil de 1 % de pousses tavelées a été conservé.

Estimer le pourcentage de feuilles tavelées nécessite d'observer toutes les feuilles de la pousse (contrôle sur 100 pousses par parcelle). Nous avons réalisé une étude en vergers pour simplifier ce contrôle (Encadré 2). Ainsi, le seuil de 10 % de pousses tavelées est proposé comme seuil d'arrêt de la lutte en fin de contamination primaire.

Du côté de l'oïdium

La mise en œuvre au verger de la stratégie de protection contre l'oïdium, n'a pas rencontré de difficultés particulières. Aucun passage spécifique dans le verger pour la prophylaxie oïdium n'a été prévu. En effet cette prophylaxie était réalisée en même temps que les opérations culturales au verger (taille, extinction artificielle des points de fructification).

Résultats obtenus

Oïdium et maladies de conservation

De 2006 à 2009, l'oïdium a été correctement contrôlé sans difficultés particulières.

De 2007 à 2009, un test réalisé sur 200 fruits de premier choix par parcelle mis en conservation 6 mois à 1 °C n'a pas permis de mettre en évidence le moindre développement de « pourriture » de conservation.

Efficacité face à la tavelure

De 2006 à 2008, des années de plus en plus favorables à la tavelure ont été observées. L'année 2008 fut très pluvieuse et très favorable à la tavelure. Les conditions climatiques de 2009 furent, au contraire, peu favorables au développement de la tavelure (Tableau 6).

Ariane est restée indemne de tavelure durant les 5 années de l'essai.

Sur les autres variétés, très peu de fruits tavelés ont été observés aux récoltes 2006 et 2007. En 2008, le taux de fruits tavelés reste faible sauf pour BIO Smoothee et BIO Melrose avec 7,5 % et 4 % de fruits tavelés respectivement. En 2009, BIO Smoothee présente encore 3,4 % de fruits tavelés à la récolte (Tableau 7).

Les inoculums d'automne observés pour BIO Smoothee sont « Dense » fin 2007, et restent à ce niveau en 2008 et 2009. Pour ECO Smoothee, BIO Melrose et ECO Melrose, 2008 a permis une augmentation de l'inoculum d'automne mais cet inoculum est revenu à un niveau faible fin 2009 (Tableau 8, page 44).

Nombre d'applications fongicides

Le nombre moyen annuel d'applications fongicides sur la période 2006-2009 varie de 5,75 pour ECO Melrose à 18 pour BIO Smoothee (Figure 1).

Nous ne disposons pas de données sur le nombre moyen de fongicides en vergers de pommiers dans la moyenne vallée du Rhône pour la période de cette étude. En revanche, sur la Zone Observatoire Atelier de la basse vallée de la Durance évoquée dans l'encadré 2 (Ricci et al., 2009), le nombre moyen de fongicides sur la période 2006-2008 était de 13,8 dans les vergers de pommiers en agriculture conventionnelle et de 16,7 dans ceux en agriculture biologique (Plenet, communication personnelle), chiffres proches de ceux observés sur la variété Smoothee dans notre étude.

Pour BIO Smoothee, la protection tavelure a dû être poursuivie après la période des contaminations primaires en 2007, 2008 et 2009. En revanche il n'y a pas eu d'applications visant l'oïdium, les nombreuses applications de soufre ciblées contre la tavelure ont sûrement protégé les pommiers de l'oïdium (Figures 1 et 2).

La protection contre la tavelure a également dû être poursuivie après la période des contaminations primaires en 2009 pour BIO Melrose et ECO Smoothee (Figure 1).

Smoothee et Melrose ont nécessité très peu d'applications ciblées contre l'oïdium, Ariane en a nécessité un peu plus (Figure 1).

Pour les modalités conventionnelles (ECO), l'alternance des familles fongicides a été correctement réalisée : en moyenne le nombre de 2 applications par an et par famille n'est pas dépassé. En revanche, en agriculture biologique (BIO), l'usage des seuls fongicides minéraux ne permet pas cette alternance (Figure 2).

Faisabilité des stratégies, quelques éléments

Temps de travail pour les contrôles

Le nombre moyen par an de contrôles en végétation nécessaires pour la mise en place des stratégies de protection est compris entre 4 (BIO Smoothee) et 7,25 (Melrose), pour un temps moyen de 45 mn par contrôle (Tableau 9). La principale difficulté est que beaucoup de ces contrôles sont à réaliser en mai-juin, période très chargée dans les vergers.

Information climatique, prophylaxie : des équipements nécessaires

La mise en œuvre des stratégies fongicides contre la tavelure nécessite un accès aux informations bioclimatiques par un logiciel d'aide à la décision (équipement propre ou réseau régional d'alerte tavelure).

Le choix de la prophylaxie tavelure (pour réduire fortement l'inoculum primaire) par la méthode de balayage/buttage nécessite un équipement en matériel spécifique. La durée de vie du matériel de retrait des feuilles en usage prophylaxie verger n'est pas connue. Les temps de travaux pour un passage de retrait des feuilles en verger sont de 2 heures 30 mn/ha pour la balayeuse à rotor équipé de balais et de 1 heure/ha pour le Tondobalai à rotor à lames ventilées.

Conclusion

En conventionnel (ECO) comme en agriculture biologique (BIO), le choix variétal associé à des méthodes de prophylaxie et de raisonnement de la protection fongicide a permis de réduire fortement l'usage des fongicides par rapport à la variété de référence sensible Smoothee.

Ces résultats intéressants sont à relativiser. En effet, notre essai s'est déroulé dans une zone indemne de souches de V. inaequalis virulentes vis-à-vis du gène Vf, ce qui a fortement facilité la gestion de la tavelure. Or, dans les zones plus septentrionales où ces souches virulentes sont bien installées comme à Gembloux en Belgique, Ariane apparaît très sensible à la tavelure (Lateur et al., 2009). Si la stratégie de protection « durabilité Vf » permet effectivement de retarder l'implantation des souches virulentes, nous ne savons pas pour combien de temps (Didelot et al., 2009). Les variétés peu sensibles à la tavelure, comme Melrose, souvent anciennes, ne répondent pas toujours aux critères modernes de production et/ou de commercialisation, et la grande majorité des variétés cultivées en France sont assez sensibles à la tavelure.

L'objectif de ce papier a été de présenter une démarche pour concevoir des stratégies de protection contre les maladies permettant une réduction de l'usage des fongicides. Rappelons que les méthodes et outils utilisés, ainsi que les résultats obtenus, restent liés au contexte de l'étude (région, climat, absence de certains pathogènes, matériel disponible, moyens humains...). Dans un autre contexte, d'autres démarches peuvent être mises en œuvre, et les résultats en termes de recours aux fongicides pourront être très différents.

Remerciements : Ce travail a été en partie financé par le programme ADD-GEDUPIC de l'Agence nationale pour la recherche.

Les auteurs souhaitent remercier Estelle Dumont, Laurence Flachaire, Benjamin Langendorf et Marie Torres pour leur participation aux observations des projections d'ascospores, Daniel Plénet et Jean-François Toubon pour notre collaboration sur la Zone Observatoire Atelier, ainsi que Pédro Asencio, Franck Merlin et Carlos Asencio pour leur réactivité dans la mise en œuvre des applications fongicides sur le dispositif BioREco.

<p>* INRA, Unité expérimentale de recherche intégrée en arboriculture fruitière, Domaine de Gotheron 26320 Saint-Marcel-lès-Valence.</p> <p>(1) lbrun@avignon.inra.fr</p>

Avertissement : des résultats limités à un contexte précis

Les méthodes utilisées dans le travail rapporté ici sont adaptées au contexte dans lequel l'essai a été réalisé (terroir, climat, moyens à disposition...). Les résultats obtenus sont donc valables dans ce même contexte.

En aucun cas, nous n'affirmons qu'ils sont transférables à l'identique dans d'autres situations.

Par exemple, il ne faut pas les extrapoler à d'autres vergers que ceux de la Vallée du Rhône et à d'autres variétés de pommes que les trois étudiées et citées dans cet article.

1 - Comment repérer la période des projections fortes d'ascospores ?

Nous avons défini la période de fortes projections d'ascospores comme débutant lorsque 5 % du stock d'ascospores de l'année est projeté, et se terminant lorsque 95 % du stock d'ascospores de l'année est projeté.

Pour identifier cette période, l'enregistrement des projections d'ascospores a été réalisé durant 5 saisons complètes dans la Drôme à l'aide de capteurs aériens de spores type « Burkard 7-day volumetric spore trap ». Ces capteurs ont été installés directement dans l'inter-rang de vergers présentant de forts inoculum d'automne tavelure l'année précédente. Nous avons ainsi disposé de 5 jeux complets de données biologiques.

La modélisation des projections d'ascospores, à partir de données issues de stations météo situées près des vergers étudiés, a utilisé deux logiciels d'aide à la décision pour le raisonnement de la protection contre la tavelure : Melchior® et RIMpro® (version 2.0.5).

Dans la Drôme, chacun des deux modèles a estimé le début de la période des fortes projections avec un retard important 3 années sur les 5 de l'étude. Ainsi, ne disposant pas d'un outil fiable en début de saison, nous avons décidé de fixer le début de la période des fortes projections d'ascospores dès que le stade phénologique C-C3 de début de sensibilité des pommiers à la tavelure était atteint.

La fin de la période de fortes projections d'ascospores est évaluée avec une avance importante en 2008 par RIMpro, et un retard important en 2004 et 2009 par Melchior et en 2009 par RIMpro. Pour éviter toute prise de risque due à un arrêt de protection fongicide trop précoce, nous estimons finie la période de fortes projections quand Melchior annonce 95 % du stock annuel d'ascospores projeté.

2 - Quel seuil d'arrêt de la protection fongicide contre la tavelure à la fin de la période des contaminations primaires ?

Notre expertise en régions à influence méditerranéenne nous a amené à définir le seuil de 2 % de feuilles tavelées à la fin des contaminations primaires pour l'arrêt de la protection fongicide dans notre expérimentation. Nous avons évalué la faisabilité de cette notation sur des parcelles en production.

En basse vallée de la Durance au sud d'Avignon, une « zone observatoire atelier » a été mise en place par l'INRA PSH d'Avignon : 55 parcelles de pommiers ont été suivies pour constituer ce réseau (Gros et al., 2009). En 2008 et 2009, lors du contrôle de fin de contamination primaire (100 pousses par parcelle), nous avons dénombré le nombre de feuilles tavelées par pousse.

Les relations entre les pourcentages de pousses tavelées et de feuilles tavelées semblent assez étroites. Ainsi, la valeur de 2 % de feuilles tavelées pourrait être estimée plus rapidement à partir du pourcentage de pousses tavelées.

A partir de ces 2 relations, nous proposons donc la valeur de 10% de pousses tavelées comme seuil en dessous duquel la protection chimique pourrait être stoppée lors de la période des contaminations secondaires (période estivale).

Cette relation mérite d'être testée dans d'autres situations et d'autres climats pour évaluer sa robustesse.

N.B. : Informations complémentaires dans C. Gros & al. (v. bibliographie), paru dans Phytoma de septembre 2009, p. 9 et dont la figure 3 (p. 11) montre la relation entre les % de pousses tavelées et de feuilles tavelées.

Figure 1 -

Nombre moyen annuel de fongicides par cible résultant de l'application des règles de décision sur la période 2006-2009.

Figure 2 -

Nombre moyen annuel de fongicides par famille chimique(1) résultant de l'application des règles de décision sur la période 2006-2009.

(1) Les familles sulfamides et phénylpyrroles utilisées en usage maladies de conservation ont été regroupées. Les différents fongicides de la famille « produits minéraux » sont présentés.

Bibliographie

Alaphilippe A., Brun L., Guinaudeau J., Sauphanor B., Hayer F., Simon S., 2009 - BioREco : un dispositif innovant pour évaluer les pratiques de protection en verger de pommiers. L'Arboriculture fruitière 641 : 30-33.

Audemard H., Gendrier J.P., Grosclaude C., Marboutie G., 1993 - Lutte raisonnée contre l'oïdium du pommier. Cpte rendu de la réunion du bureau et de l'équipe technique du programme Protection Intégrée du verger de l'an 2000, Avignon, 10/02/1993. Ed. INRA, 2 p.

Brun L., Gomez C., Dumont E., 2005 - Intérêts de la diminution de l'inoculum primaire de tavelure (...) Phytoma 581: 16-18.

Didelot F., Parisi L., Orain G., Lemarquand A., Le Cam B., Laurens F., Caffier V., 2009 - Situation actuelle en France du contournement de la résistance Vf par Venturia inaequalis - propositions de méthodes de lutte adaptées. Journées techniques fruits et légumes biologiques ITAB. 8 & 9 décembre 2009, p. 65-68.

Gros C., Toubon J.F., Brun L., Plénet D., 2009 - Démasquer la tavelure dissimulée sur feuilles en vergers de pommiers : Pister les inoculums de fin de contamination primaire et d'automne (...) Phytoma 624: 9-12.

Lateur M., Pissard A., Bastiaanse H., Donis T., Jamar L., 2009 - Création et expérimentation de variétés de pommes adaptées à l'agriculture biologique. Journ. Techn. Fruits & Lég. Bio. ITAB. 8 & 9 décembre 2009, p. 39-47.

Lefeuvre, M., 1995 - « Lutte raisonnée contre la tavelure du pommier : validation d'un modèle d'aide à la décision. » Mémoire d'Ingénieur Diplômé par l'état, ENITHP Angers, 32p.

Olivier, J. M. 1986 - La tavelure du pommier, conduite d'une protection raisonnée. Adalia 1: 3-19.

Orts R., Giraud M., Darthout L., 2006 - Protection intégrée pommier-poirier, 2e éd., Ed. Ctifl.

Ricci B., Franck P., Toubon J.F., Bouvier J. C., Sauphanor B. & Lavigne C., 2009 - The influence of landscape on insect pest dynamics: a case study in southeastern France. Landscape Ecology 24: 337-349.

Résumé

Des « stratégies bas intrants » de protection fongicide ont été testées en vallée du Rhône (Drôme) sur un verger expérimental implanté en 2005 dans un secteur indemne de feu bactérien et concerné par la tavelure mais sans contournement du gène Vf, ainsi que par l'oïdium et secondairement les maladies de conservation.

Les variétés étudiées sont : Smoothee (référence sensible), Melrose et Ariane. L'implantation, la conduite (centrifuge) et des interventions prophylactiques visent à réduire la pression de maladies. Des itinéraires sont testés en conventionnel et en bio.

Les résultats en termes d'efficacité des stratégies et de réduction des fongicides sont discutés, ainsi que les avancées (adaptation des seuils, simplification des contrôles, sécurisation des modèles de prévision) et la faisabilité des stratégies.

Mots-clés : pommier, variétés, Smoothee, Melrose, Ariane, tavelure, oïdium, maladies de conservation, stratégie bas intrants, prophylaxie, fongicides, agriculture conventionnelle, agriculture biologique.

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