dossier - Bonnes pratiques en zones non agricoles

Palmier, les deux politiques contre le papillon palmivore et le charançon rouge

Marianne Decoin* - Phytoma - n°637 - octobre 2010 - page 22

Les politiques de gestion du papillon palmivore et du charançon du palmier diffèrent, même si certains moyens de lutte pourraient servir aux deux
 ph. L. Ollivier (CIRAD) et E. Chapin (FREDON PACA)

ph. L. Ollivier (CIRAD) et E. Chapin (FREDON PACA)

En France métropolitaine, les palmiers deviennent un végétal d'ornement de plus en plus répandu. Les ravageurs du palmier profitent de l'aubaine pour suivre leur végétal préféré. Ainsi le papillon palmivore Paysandisia archon volète sur tout l'arc méditerranéen où il est devenu la principale cause de dépérissement de palmiers. On l'a même trouvé, ponctuellement certes, en Ile-de-France. Quant au charançon rouge Rhynchophorus ferrugineus, arrivé plus tard, il est moins répandu mais bien aussi menaçant. Face à cela, quelles sont les ripostes ? Elles diffèrent dans leur logique, même si certains outils pourraient servir contre les deux ravageurs. Après les pages précédentes détaillant deux moyens contre P. archon, faisons le point.

Commençons par Paysandisia archon, papillon bien installé sur une partie du territoire. Des produits récents font espérer une gestion durable, « en routine ». Ils déclinent trois principes actifs. D'origine biologique, signe des temps.

Papillon, vers la maîtrise ?

Barrière physique

C'est le cas de glu à base d'huiles végétales, cire d'abeilles, latex naturel et résine de pin (p. 18). C'est une barrière physique donc on n'a pas besoin d'AMM(1) pour la vendre et l'utiliser.

La formulation actuelle, nouvelle, n'a été testée qu'en 2010. Plus facile à appliquer que la précédente, elle ne cause plus de phytotoxicité.

On verra vraiment son effet au printemps 2011 mais les observations de 2010 sont encourageantes. À suivre.

Elle peut protéger préventivement les palmiers et empêcher des sujets infestés de contaminer les voisins et se recontaminer d'une année sur l'autre. Intéressant pour des sujets en place.

Moyens biologiques : nématode

En revanche on la voit mal engluer des palmiers à vendre donc à exposer, transporter et manipuler. Pour les sujets en production (pépinières), vente ou revente (jardinerie), il faut des moyens invisibles après application, et la lutte contre P. archon est obligatoire en cas de détection.

Deux principes actifs à base d'organismes vivants sont disponibles. D'abord le nématode Steinernema carpocapsae est à la base de deux produits différents (v. p. 14). C'est un macro-organisme donc il n'a pas besoin d'AMM. Sur palmiers infestés, il semble donner le meilleur de lui-même avec des applications à l'automne. A combiner avec la glu qui s'applique au printemps ? Par ailleurs il a un effet préventif(2).

Mais aussi champignon

De même, la souche 147 de Beauveria bassiana, un champignon entomopathogène, s'est montrée efficace en préventif et en curatif. Étant un micro-organisme, il lui fallait une AMM pour pouvoir être vendue contre P. archon sur palmier – elle l'a obtenue. Elle est nommément recommandée dans un arrêté du 5 juin 2009(3).

Le produit se nomme Ostrinil. C'est un microgranulé à base de spores de cette souche. Il faut l'appliquer à sec (ne pas faire de bouillie !) Déjà disponible sur le marché professionnel, il sera bientôt lancé sur le marché amateur.

Et les autres ?

Quid de l'insecticide à base de diflubenzuron et du bio-insecticide à base de spinosad cités en 2009(4) ? Le premier est autorisé contre ravageurs divers, dont le papillon, sur arbres d'ornement, dont le palmier ; le second attend...

Charançon, l'éradication évolue

Plus coriace mais moins répandu

Quant au charançon du palmier, il est plus difficile à toucher que le papillon car il effectue plusieurs cycles dans le même palmier : une colonie d'individus se multiplie bien à l'abri dans le végétal où tous les stades se retrouvent présents simultanément. Quand le palmier dépérit, des nuées de femelles le quittent pour en infester d'autres. Mais par ailleurs le charançon n'est pas encore aussi répandu que le papillon. La logique de lutte n'est pas celle de maîtrise mais d'éradication, et elle a évolué cet été.

Arrêté de juillet et taille sanitaire

En effet la détection de ce ravageur classé organisme de quarantaine dans l'Union européenne déclenche des mesures d'éradication. Tant que celles-ci exigeaient d'abattre les palmiers, certains propriétaires ne signalaient pas les insectes. Un arrêté du 21 juillet(5) change les règles. Parmi les mesures d'éradication obligatoires on a désormais le choix, dans les 15 jours ouvrés (3 semaines) après détection, entre « destruction totale du végétal » et « destruction de la seule partie infestée du végétal suivie de l'utilisation de traitement insecticide et fongicide ».

Cette destruction de partie infestée est la « taille sanitaire » dite aussi « assainissement par enlèvement des palmes infestées » ou « assainissement mécanique » que Phytoma de novembre 2008 évoquait(6). Avoir le droit de sauver ses palmiers infestés encourage à les signaler.

Mesures par zones

L'arrêté oblige à déclarer les foyers de R. ferrugineus : palmiers contaminés ou pièges ayant capturé des charançons. Il fait délimiter une « zone contaminée » d'au moins 100 m autour de chaque foyer, une « zone de sécurité » de 100 m de plus et une « zone tampon » de 10 km autour, le tout étant « périmètre de lutte ».

Dans la zone contaminée, il faut traiter préventivement tous les palmiers.

Dans les zones contaminées et de sécurité, il faut surveiller les palmiers avec inspection mensuelle. Sur palmier des Canaries, celle-ci utilise une « fenêtre d'inspection » telle que décrite en novembre 2008(7). Si on détecte ainsi des charançons, on peut assainir les palmiers.

Dans tout le périmètre de lutte, les lieux de production, stockage et vente de palmiers classés « végétaux sensibles » doivent les placer sous « protection physique complète » ou leur faire subir un « traitement préventif approprié ».

Décision d'août et végétaux sensibles

Attention, une décision européenne du 17 août dernier(8) allonge la liste des végétaux sensibles qui sont désormais 27 (le genre Washingtonia plus 26 espèces dont 7 nouvelles).

Deux produits aujourd'hui

L'annexe de l'arrêté du 21 juillet précise les conditions de lutte et les produits utilisables. Toutes les interventions doivent être réalisées par des personnes « enregistrées auprès des services chargés de la protection des végétaux » du département et « reconnues aptes à ces interventions ».

Pour les traitements curatifs après taille sanitaire, l'insecticide est l'imidaclopride et le fongicide (contre l'infection des plaies de taille) est « à partir de mancozèbe et de myclobutanil ». La protection préventive sur lieux de production, stockage et vente (palmiers en conteneur) est un traitement du sol à base d'imidaclopride.

Enfin, pour le traitement préventif des palmiers en plantation, on a le choix entre deux stratégies alternant l'imidaclopride et « une préparation à base de nématodes entomopathogènes » : les produits à base de Steinernema carpocapsae sont ceux visant aussi le papillon.

Pour demain, les travaux sur Beauveria bassiana évoqués l'an dernier(9) continuent (essais BPE en cours) et sont prometteurs. D'autres sont en cours sur la glu... Là encore, à suivre.

Piéger, piéger...

Par ailleurs il existe des pièges spécifiques du charançon. Comme celui-ci infeste les palmiers plutôt en grimpant depuis le sol qu'en arrivant en vol, presque tous les pièges se placent au sol. Tous ont des formes et matériaux pensés pour une attractivité maximale et une rétention parfaite, et utilisent une phéromone d'agrégation attirant mâles et femelles.

Nufarm propose deux Rhynconex associant phéromone et attractif alimentaire (kairomone + ajout possible de dattes). L'un s'enterre à demi dans le sol et l'autre se suspend en hauteur, hors de portée du vol, du vandalisme et de la libération d'insectes.

Le Rhyncotrak de NPP (fabricant de l'Ostrinil), s'enterre en partie dans le sol. La société annonce la « durée de vie du diffuseur (de phéromone) la plus longue sur le marché (4 mois) ».

Koppert (fabricant d'un des nématodes), annonce la phéromone de son Palm'atrap comme « reconnue comme la plus efficace du marché par le monde scientifique ». Sa « pyramide rugueuse » est à poser sur le sol.

Ce sont d'abord des outils de surveillance. En zone très infestée et près d'un palmier dépérissant, ils ne piègent pas tous les adultes ; en revanche, ils permettent de repérer les pics d'activité et évaluer l'importance des populations. Ils sont aussi utiles en zones tampons pour repérer précocement l'arrivée d'individus pionniers, voire retarder l'installation de populations à partir de ces individus. Et même hors périmètres de lutte, au cas où des charançons se soient infiltrés en des lieux insoupçonnés...

Certains veulent les placer en « barrière sanitaire » autour de sujets isolés ou de lieux de production. Mais combien en faut-il pour un piégeage de masse efficace ? Mystère !

<p>(1) Autorisation de mise sur le marché. Cette AMM est exigée par la loi française (encadrée depuis 1991 par la directive européenne 91/414/CE), pour tout produit phytopharmaceutique, qu'il ait une action pesticide directe ou indirecte (stimulatrice de défenses naturelles de plantes, etc.) Un produit pharmaceutique peut être, soit une préparation inerte d'origine chimique (= issue de la chimie de synthèse), minérale ou biologique, soit une préparation à base de micro-organismes vivants. Actuellement, la loi n'exige pas d'AMM pour les macro-organismes vivants (insectes et acariens auxiliaires, nématodes) ni pour les barrières physiques (filets, glus, etc.).</p> <p>(2) N. André et E. Chapin, 2010. <i>« Nouveau moyen biologique... »</i> dans <i>Phytoma</i> n° 635, de juin-juillet 2010, p. 27.</p> <p>(3) Arrêté du 5 juin 2009 publié au JORF <i>(Journal officiel de la République française)</i> le 17 juin.</p> <p>(4) E. Chapin &amp; al., 2009. « Papillon palmivore, charançon du palmier... » <i>Phytoma</i> n° 626-627, octobre 2009, p. sp. ZNA, p. IV. Voir aussi le CD-Rom des actes de la conférence ZNA de l'AFPP d'octobre 2009, afpp@afpp.net</p> <p>(5) Arrêté du 21 juillet 2010 relatif à la lutte contre <i>Rhynchophorus ferrugineus</i> (Olivier), paru au JORF le 22 juillet 2010.</p> <p>(6) et (7) M. Ferry et S. Gomez, 2008. <i>« Une nouvelle stratégie contre le charançon du palmier, l'assainissement... ». Phytoma</i> n° 620, novembre 2008, p. 24.</p> <p>(8) Décision 2010/467/UE du 17 août 2010, publiée au JOUE (Journal officiel de l'Union européenne) le 28 août.</p> <p>(9) Même référence que (4).</p>

Résumé

La gestion du papillon palmivore et celle du charançon rouge du palmier relèvent de deux logiques différentes.

Face au papillon, bien installé en France, la lutte est obligatoire sur les lieux de production et vente. Ailleurs, trois moyens d'origine biologique (glu comme barrière physique, nématode Steinernema carpocapsae, champignon Beauveria bassiana) donnent espoir de maîtriser les populations.

Face au charançon, un arrêté du 21 juillet 2010 autorise à éradiquer les foyers sans abattre tous les palmiers infestés (destruction de la seule partie infestée du végétal) et oblige à des traitements à base d'imidaclopride et de S. carpocapasae. Par ailleurs la surveillance des populations peut utiliser des pièges (modèles variés).

Mots-clés : zones non agricoles, palmier, papillon palmivore Paysandisia archon, maîtrise, charançon rouge du palmier Rhynchophorus ferrugineus, éradication.

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