En zones non agricoles comme ailleurs, la réglementation encadre les pratiques phytosanitaires dans le but déclaré de favoriser les bonnes. En la matière, l'été 2010 a été marqué non seulement par l'arrêté charançon du palmier évoqué p. 22, mais aussi par la Loi Grenelle 2. Car celle-ci concerne les ZNA en particulier dans ses articles sur l'agrément et la certification. Sur ce thème, plusieurs arrêtés « certiphyto 2009-2010 » sont sortis cet été dont deux spécifiques aux ZNA. Décryptage.
Dans la loi Grenelle 2(1) publiée le 13 juillet 2010 au JORF(2), les nouvelles règles concernant la protection des plantes en zones non agricoles se trouvent au chapitre des... « dispositions relatives à agriculture » !
Grenelle 2, agrément, certification et ZNA
Agrément des prestataires, tous certifiés
Ainsi l'article 94 de la loi réforme l'agrément des entreprises vendant des produits phytos(3) ou en appliquant en prestation de services, en ZNA comme en agriculture.
En effet, depuis 1996, la « Loi d'agrément »(4) oblige les entreprises vendant des produits phytos ou en appliquant pour des tiers (en prestation de service) à être agréées, et pour cela à avoir une partie de leur personnel titulaire d'un certificat dit certificat DAPA(5). Grenelle 2 va étendre l'obligation d'agrément aux conseillers professionnels. De plus, elle exigera que soient certifiés tous les salariés concernés par les produits phytos et pas seulement une partie.
Pas prestataires, tous certifiés quand même !
Autre nouveauté de Grenelle 2 : il faudra faire certifier aussi tous les applicateurs professionnels de produits phytos, opérateurs comme décideurs, même si ce n'est pas de l'application en prestation de service donc que leur employeur n'aura pas à être agréé.
Ainsi les salariés de collectivités locales, d'entreprises et de particuliers qui ont à appliquer des produits phytos dans des jardins, espaces verts, terrains de sport, bord de voirie, etc., devront tous être certifiés. Ce n'est pas une surprise, c'était dans le projet de loi(6), mais c'est confirmé. Selon l'article 98 de la loi, le décret rendant cela applicable doit être publié « au plus tard dans un délai d'un an » après la promulgation de la loi, donc d'ici juillet 2011.
En attendant, des choses se précisent de par l'expérimentation « Certiphyto 2009-2010 ».
Certiphyto, les arrêtés de juillet
Le principe
Cette expérimentation permet à certaines des personnes bientôt soumises à l'obligation de certification d'obtenir tout de suite un certificat dit « Certiphyto 2009-2010 ».
Le but de ce test grandeur nature est de rendre le dispositif final plus pertinent.
L'expérimentation a bien avancé pour les agriculteurs, mais pour les autres catégories, même si des formations avaient démarré, les consignes ne se sont précisées que l'été dernier.
Deux arrêtés « spécial ZNA »
En effet, nous l'avons écrit en septembre(7), cinq arrêtés du ministère de l'Agriculture datés du 22 juillet 2010 et publiés au JORF le 5 ou le 6 août, précisent les modalités de délivrance du certificat « Certiphyto 2009-2010 ». Chacun vise une catégorie de public et est accompagné de sa circulaire publiée au BO (Bulletin officiel) du ministère de l'Agriculture le 30 juillet.
Deux catégories concernent directement les zones non agricoles : celle des « opérateurs » de la spécialité « usage non agricole des produits phytopharmaceutiques », en abrégé « UNA » et celle dite « produits grand public » de la spécialité « délivrance, distribution, vente de produits phytopharmaceutiques », en abrégé « DDV ».
Opérateurs en ZNA, parcours de deux jours
Les opérateurs des UNA sont les professionnels réalisant les traitements phytos en ZNA. Ils pourront se voir attribuer un Certiphyto après un parcours de deux jours : passage de QCM (questionnaire à choix multiple) puis formation au contenu adapté au résultat du QCM (complétant les connaissances manquantes). Et ceci que leur employeur leur fasse faire ces traitements dans le cadre d'une prestation de service ou non (Tableau 1).
Les autorités qualifient ce parcours de « voie C » mais certains observateurs estiment qu'il diffère tant de la voie C des agriculteurs qu'ils le qualifient de « voie C' ».
Et les « voies D » lancées ?
Mais au fait, des sessions de type « voie D » (formation sans évaluation) avaient démarré pour les opérateurs en UNA ! En effet une circulaire du 24 mars 2010(8) avait déclaré « en cours » le « déploiement des modalités d'obtention du certiphyto 2009-2010 » par cette voie. Selon la circulaire de juillet, les candidats s'étant inscrits avant le 30 juillet (date de sa publication) peuvent présenter le certiphyto par la voie D. Mais eux seuls.
Ainsi, les sessions voie D réalisées avant fin juillet seront validées, ainsi que celles plus tardives mais dont les inscriptions ont été prises avant le 30 juillet. Mais la voie D, qui fut ouverte, est désormais fermée...
Vente de produits amateurs, trois voies au choix
Les distributeurs, vendeurs et délivreurs de produits pour amateurs ont le choix entre trois parcours (Tableau 1) :
– un passage de QCM ; réservé à ceux qui sont assez sûrs d'eux pour passer l'examen directement ; ce parcours est qualifié de « voie B » ;
– une combiné formation + QCM (voie C), d'une demi-journée seulement ;
– une formation sans QCM, qualifiée de voie D, et qui dure deux jours.
Vente de produits « pro » et conseil, ZNA comme agriculture
Par ailleurs, deux autres catégories concernent les ZNA comme l'agriculture (Tableau 1).
Celle dite « produits à usage professionnel » des distributeurs (toujours la spécialité « DDV », délivrance, distribution, vente) concerne aussi bien le secteur agricole que celui des produits professionnels en ZNA.
Enfin une autre spécialité dite « conseil en produits phytopharmaceutiques » s'applique aux conseillers professionnels s'ils ne sont pas également vendeurs. Ce cas de figure est plutôt rare en ZNA(9) mais pas impossible.
Les vendeurs aux professionnels ont le choix entre deux voies d'accès. Le certiphyto 2009-2010 de la catégorie « produits à usage professionnel » de la spécialité DDV peut s'obtenir soit :
– en passant directement un QCM (voie B),
– après deux jours de formation (voie D).
Les conseillers ont eux aussi le choix entre les voies B et D mais le QCM est plus fouillé et la formation de la voie D dure trois jours.
Certiphyto et DAPA
La question du niveau
Mais comment vont s'articuler l'actuel certificat DAPA et le futur certificat exigé par Grenelle 2 ? Pour le certificat DAPA, disons ici « le DAPA », les formations durent souvent de 5 à 10 jours et sont obligatoirement suivies d'une évaluation officielle. Celle-ci, réalisée par QCM, est validée par un jury qui atteste les connaissances acquises et garantit la compétence des stagiaires donc la validité de l'agrément de leur employeur (un quota de personnes compétentes dans l'effectif) sur un niveau d'exigences supérieur à celui des certiphytos expérimentaux.
Alors, les certificats et agréments instaurés par Grenelle 2, disons ici « futurs certificats » et « futurs agréments » vont-il remplacer le DAPA et l'agrément actuel par un dispositif au rabais ? Pas sûr. Il y a deux moyens d'éviter cela.
Co-existence DAPA-Certiphyto ?
Le premier, c'est que le DAPA continue à exister, tel quel ou amélioré, à côté du futur certificat. Pour être agréées, les entreprises de distribution de produits phytos et de leur application en prestation de service devraient continuer à avoir une personne sur dix (ou par tranche de dix entamée) titulaires du DAPA, avec le même niveau d'exigences donc de garantie.
Par ailleurs les autres membres de leur personnel ayant affaire aux produits phytos devraient être titulaires du futur certificat attestant de leur participation aux formations, avec ou sans évaluation. La garantie de leur niveau de compétence, information et sensibilisation serait certes inférieure à celle des titulaires du DAPA, mais supérieure à celle d'aujourd'hui.
Quant aux professionnels aujourd'hui non concernés par le DAPA ni l'agrément, eux aussi devraient être titulaires du futur certiphyto de leur catégorie. Ainsi le niveau ne baisserait pour personne et augmenterait pour beaucoup.
Substitution ? Le cas des décideurs UNA
Second moyen : que certaines catégories du futur certificat se substituent au DAPA.
Ainsi on pourrait transposer le parcours de l'actuel DAPA à la catégorie « décideurs » des UNA. Elle n'est pas dans l'expérimentation et une partie de ces décideurs (travaillant chez des paysagistes et autres prestataires de service) sont souvent titulaires du DAPA.
Mais quid des « décideurs UNA » ne travaillant pas en prestation ? Trois possibilités.
La première est de scinder la catégorie des décideurs UNA en prestataires et non prestataires ; les premiers auraient un parcours de type DAPA, ce qui revient à garder le DAPA pour les entreprises agréées mais en l'exigeant de tous les décideurs au lieu d'un salarié sur dix au choix de l'employeur ; quant aux décideurs non prestataires, ils obtiendraient un futur certificat après un parcours à mettre au point.
La deuxième est de faire suivre un parcours de type DAPA à tous ; cela revient au même pour les décideurs prestataires, et cela élargit les obligations de la loi d'agrément aux non prestataires ; reste à voir si c'est économiquement et légalement possible.
La troisième est d'imposer à toute la catégorie un parcours plus léger que celui du DAPA ; mais si cela aboutit à agréer des entreprises suite à la certification de leur personnel sans évaluation du parcours de formation, par exemple, et même s'il y aura davantage de personnes certifiées qu'avec l'actuel agrément, les mauvaises langues parleront d'agrément au rabais.
Et les distributeurs ?
Restent que les distributeurs (deux catégories DDV) se voient proposer aujourd'hui un certiphyto 2009-2010 aux exigences très inférieures à celle du DAPA (voir tableau 1). Si le futur certificat ressemblait à ce certiphyto expérimental et leur donnait le futur agrément, ce serait bien un agrément au rabais pour ces catégories.
Aujourd'hui, DAPA toujours
En attendant le DAPA est bien vivant ! En effet le certiphyto certifie son titulaire mais sans faire agréer l'employeur de ce dernier. La loi de 1992 reste en vigueur, donc les entreprises pour lesquelles elle exige un agrément doivent avoir leur quota de certifiés DAPA.
Ainsi, les personnes arrivant en fin de validité de leur DAPA doivent le faire renouveler ; sinon, ils perdront ce certificat et leur entreprise perdra son agrément (sauf si son quota de certifiés DAPA est rempli par d'autres salariés).
Et de nouvelles personnes peuvent se porter candidates pour obtenir le DAPA.
<p>* Phytoma.</p> <p>(1) Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant sur l'engagement national pour l'environnement.</p> <p>(2) Journal officiel de la République française.</p> <p>(3) Comme souvent dans <i>Phytoma</i>, le terme <i>« phyto »</i> est là pour <i>« phytopharmaceutique</i> », adjectif désignant les produits autorisés comme tels (visés à l'article L-253-1 du code rural et bénéficiant dans ce cadre, lui-même encadré par la directive européenne 91/414/CE de juillet 1991, d'une AMM (autorisation de mise sur le marché).</p> <p>(4) Loi n° 92-533 du 17 juin 1992, appliquée depuis le 1er janvier 1996.</p> <p>(5) Certificat pour les distributeurs et applicateurs des produits antiparasitaires, ce dernier mot ayant été historiquement utilisé avant <i>« phytopharmaceutique »</i>. Un salarié sur 10 (1 par tranche de 10 entamée) doit en être titulaire pour que l'employeur soit agréé.</p> <p>(6) Actualité du secteur, du côté des règlements. <i>Phytoma</i> n° 326-627 d'octobre 2009, pages spéciales ZNA, p. XVI.</p> <p>(7) <i>« Certiphyto 2009-2010, expérimentation élargie »</i>. <i>Phytoma</i> n° 636, août-septembre 2010, p. 5.</p> <p>(8) Tableau en page 2 de la circulaire DGER/SDPOFE/C2010-2006 du MAAP du 24 mars 2010.</p> <p>(9) Certes tout salarié présent sur un lieu de vente de produits phytos aux amateurs peut conseiller le client ! Mais s'il est aussi vendeur il doit être certifié dans la catégorie <i>« produits grand public »</i> de la spécialité <i>« DDV »</i>. En ZNA, les conseillers exclusivement techniques sont rares. Alors qu'en agriculture, il y a ceux des Chambres d'agriculture, des CETA, des services techniques de certains distributeurs de produits phytos, ainsi que des conseillers privés.</p>
Grenelle 2, les ZNA dans d'autres articles
La loi Grenelle 2 concerne les ZNA au coin de bien d'autres articles.
Pulvérisateurs
L'article 96 sur le contrôle des pulvérisateurs change peu de choses... mais donne l'occasion de rappeler que les ZNA aussi sont concernées ! Certains pulvérisateurs ont dû être contrôlés avant le 31 mars 2010, si ce n'est pas fait le rattrapage est possible. D'autres doivent l'être d'ici le 31 décembre. Voir types d'appareils et calendrier à la rédaction.
PPNU, un an maximum
L'article 100 prévoit d'imposer l'élimination des PPNU (produits phytos non utilisables) dans un délai maximum d'un an après leur interdiction d'emploi, en ZNA et en agriculture. Il sera applicable après parution d'un décret.
Publicité
L'article 101 interdit la publicité sous forme télévisée grand public, radiodiffusée et par voie d'affichage extérieur hors lieu de vente. En pratique, il concerne surtout les produits grand public, donc de ZNA (la publicité des produits « pros » passe en presse « pro »).
Certains lieux publics
L'article 102 donne la possibilité d'interdire ou encadrer des produits phytos dans les lieux « fréquentés par le grand public ou les personnes vulnérables » – souvent des ZNA.
Épandage aérien, certains aussi
L'article 103 interdit l'épandage aérien sauf dérogation. Mais parions qu'on verra encore des hélicoptères sur le terrain. Moins à cause des dérogations que parce qu'il ne s'applique pas aux produits biocides. Déjà des traitements contre les processionnaires du pin ou du chêne ont « changé de catégorie » ; officiellement, ils ne visent plus à préserver la santé des arbres mais celle des passants incommodés par ces chenilles urticantes.