Les partenaires du programme Interreg Trans-BioFruit (voir encadré 1, p. 8) ont lancé l'idée d'organiser un colloque sur la thématique des intrants en arboriculture fruitière « bio », en collaboration avec l'ITAB(1). Afin de dépasser le cadre de l'arboriculture fruitière, la filière des cultures légumières a été associée avec l'implication des partenaires du projet Interreg VETABIO (voir encadré 2, p. 8) dans la tenue du colloque.
Les résultats expérimentaux obtenus dans le cadre de ces deux programmes ainsi que les perspectives scientifiques concernant les produits de protection des plantes (PPP) naturels ont été présentés. Les problématiques d'ordre réglementaire ont été complétées par le point de vue de divers opérateurs (producteurs, fabricants, distributeurs, chercheurs) puis par l'approche soutenue dans plusieurs pays européens.
Journée technique
Références encourageantes
Concernant les références les plus encourageantes ayant fait l'objet de présentations, on peut retenir :
– l'intérêt de pyrèthres naturels sur pucerons (test sur salade) et altises (sur crucifères) (Legrand & al., 2010) ;
– des premiers résultats intéressants obtenus avec des extraits d'oranges contre le puceron de la laitue, l'oïdium de la mâche, l'aleurode du chou et la tavelure du pommier (Jamar & al., 2010) ;
– la confirmation de l'intérêt du Quassia amara sur hoplocampe du pommier (Wateau & al, 2010.
Ces résultats sont autant de références contribuant à soutenir l'instruction de dossiers d'homologations nationales pour les produits nécessaires à la protection des plantes et/ou des extensions d'usage (Rivry-Fournier, 2010).
Perspectives à court et moyen termes
De nouvelles autorisations de mise sur le marché (AMM) sont attendues pour 2011. Concernant l'arboriculture fruitière, des avancées sont pressenties notamment avec les pyrèthres naturels sur pucerons et la bouillie sulfo-calcique sur tavelure.
Du côté des perspectives à plus long terme, il faut noter la conduite de travaux sur de nouvelles bio-molécules (substances d'origine biologique). En particulier des bio-surfactants pourraient être utilisés comme agents de lutte biologique contre les phytopathogènes en induisant une diminution significative de l'utilisation des intrants (Jonis, 2010).
Échanges européens
Concernant les éclairages des autres pays européens, la situation est très disparate d'un pays à l'autre. Différentes interventions ont bien montré le développement du secteur notamment aux états-Unis. Tout cela a soulevé de nombreuses réactions des participants. La question de distorsion de concurrence a été sous-jacente.
Homologation en question(s)
La seconde journée a été consacrée à l'homologation des produits de protection des plantes « bios » dans divers pays, à des questions sur son application venant des producteurs, fabricants, négoces, et aux réponses des officiels.
Réglementation européenne : opportunité pour les substances à « faible risque », mais...
M. Ulf Heilig de l'IBMA(3) a présenté le statut actuel et les perspectives d'évolution de la législation européenne pour les produits dits de bio contrôle : actuellement l'homologation des PPP en bio relève de la directive 91/414/CEE, sauf pour les macro organismes qui sont du ressort des législations nationales. Cette directive sera remplacée par le règlement européen 1107/2009 mis en application le 14 juin 2011. Ce règlement va créer une catégorie de substances actives à faible risque (« low risks »). Etre inclus dans cette catégorie aura des avantages : dossier « réduit » et plus vite instruit, produit approuvé pour 15 ans (au lieu de 10). Mais tous les produits d'origine naturelle n'y entreront pas. En effet, des critères d'exclusions poseront problème : C M R,T, T+, perturbateurs endocriniens, neurotoxiques, immunotoxiques certes mais surtout, pour les micro-organismes, demi-vie dans le sol supérieure à soixante jours.
Demandes diverses
L'IBMA souhaite des règlements spécifiques pour les produits de bio contrôle avec des documents spécifiques et la création d'un groupe d'experts européens.
De nombreuses demandes « inégales » ont été énoncées. Un négociant belge semble partisan d'une régularisation de pratiques de terrain.
Les producteurs français (FNAB) ont insisté sur le trop faible nombre de PPP disponibles en AB. De même les producteurs belges (UNAB) souhaitent un comité de concertation prenant en compte les demandes et propositions des professionnels. Le représentant de ASPRO, M. Kastler, a mis l'accent sur les PNPP (préparations naturelles peu préoccupantes) : il reconnaît la nécessité d'évaluer leur toxicité mais souhaite une catégorie spécifique et une plus grande prise en compte des « connaissances traditionnelles ».
M. Bertrand (Université de Perpignan) souhaite une plus grande cohésion nationale en matière de recherche sur les produits naturels ; il évoque le groupe francophone d'études des produits d'origine naturelle dont le but est de développer le socle de connaissances scientifiques (www.po2n.fr).
Réponses variées : en France...
Les réponses aux demandes sont également très variées.
Xavier Langlet, expert national Agriculture biologique (DGAL, SDQPV(4)), a fait un point sur les législations européenne et française.
L'homologation des PPP en agriculture biologique dépend certes de la directive 91/414/CE mais aussi du règlement « Agriculture biologique » RCE 834/2007 et RCE 889/2008. X. Langlet a insisté sur l'écoute de la DGAL avec la mise en place du dispositif PNPP relevant d'une procédure simplifiée fixée par le décret 2009-792 du 23 juin 2009. Ce dispositif entre dans le plan Ecophyto 2018.
Les PNPP doivent être élaborées exclusivement à partir d'un ou plusieurs éléments naturels non génétiquement modifiés et être obtenues par un procédé accessible à tout utilisateur final. Elles ne sont donc pas brevetées. Leurs substances doivent faire l'objet d'inscription (au moins demandée) sur la liste communautaire des substances actives.
... Suisse, Royaume-Uni, Belgique, Pays-Bas...
L. Tamm (FIBL) souligne la difficulté d'enregistrer, en Suisse, des spécialités de bio contrôle dans le cadre de la réglementation européenne phytosanitaire. Il évoque le projet européen REBECA. En Suisse, les produits « agréés » pour l'AB sont répertoriés sur la liste : FiBL-Betriebsmittelliste.
Au Royaume Uni, le « Bio Pesticide Scheme » est basé sur des documents d'orientation, des réunions de concertation et des taxes réduites. M. Denis, du Service public Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement (Services Pesticides et Engrais) a décrit un projet similaire « Bio Pesticides » en Belgique dans le cadre du Programme de réduction des pesticides à usage agricole et biocides (PRPB). Il y a un encadrement spécifique des entreprises produisant des pesticides utilisables en AB, la prise en compte distincte des dossiers avec un délai de deux à trois mois entre dépôt et décision, un groupe de travail permanent. En 2007, il y avait 40 spécialités autorisées en AB et il y a eu deux nouvelles homologations. Il en est arrivé trois en 2008 et 13 en 2009.
Aux Pays-Bas, M. Van Den Broeck, de Wageningen, a plutôt présenté les méthodes alternatives de lutte. Peu de spécialités sont autorisées en protection de cultures AB, il y a toutefois un règlement d'exception par exemple les huiles végétales. Les pratiques de terrain demandent apparemment une certaine interprétation. Ainsi le cuivre est plutôt utilisé comme « oligoélément » que comme fongicide !
... Allemagne et Italie
M. Stefan Kuhne a présenté le dispositif allemand. La réglementation nationale a prévu une autorisation d'utilisation de « produits à faible risque ».
Les extraits de plantes aromatiques (sauf plantes non indigènes de type tabac) et de matières premières inorganiques (argile, limon...) peuvent être utilisés pour gérer des organismes nuisibles. Un exploitant peut produire et utiliser des infusions, solutions, brassins, purins et extraits de végétaux ou substances inorganiques récoltés sur son exploitation et aux environs immédiats. Il doit s'assurer que ces applications ne sont pas toxiques pour les applicateurs et les consommateurs.
La réglementation prévoit également une liste de produits « strengthening », (« renforçateurs ») d'environ 500 produits. Le but est que ces produits traditionnels puissent être utilisés sans passer par les contraintes élevées de l'autorisation des pesticides chimiques. Il faut qu'ils n'aient pas d'effet toxique pour la santé et l'environnement ; en revanche aucune preuve d'efficacité n'est nécessaire.
Ces substances sont conçues pour améliorer la résistance des végétaux aux organismes nuisibles, protéger les végétaux contre les maladies non parasitaires ou être utilisées sur les fleurs coupées. La plupart de ces « renforçateurs » sont d'origine végétale.
Mme Cristina Micheloni (AIAB) a présenté le dispositif italien. Jusqu'en 1998, il était très proche du dispositif allemand. Désormais la directive européenne 91/414/CE est appliquée. Toutefois, l'Italie s'oriente sur une liste de produits à faible risque. Une liste courte a vu le jour : huiles de plantes, sodium carbonate, extraits minéraux... Il est prévu d'y inclure des « produits alimentaires ».
Besoins récapitulés
Au-delà des références techniques restituées, ces journées ont permis de relever le manque de produits de protection en agriculture biologique et de récapituler les besoins en matière de protection des plantes :
– l'urgence formulée par les producteurs de répondre rapidement aux usages actuellement vides : anthonome, hoplocampe, cécidomyie des poirettes, bupreste, etc.
– la nécessité de soutenir l'expérimentation et les programmes de recherche complémentaires dans le domaine de l'AB tant sur la piste des intrants (connaissance des produits naturels, screenings, etc.) que sur la voie de l'agronomie (approche système, variétés...),
– le souhait de faciliter réglementairement l'expérimentation sur les produits « low risks », avec une forte demande de procédure d'homologation simplifiée... et le regret que les réglementations nationales et surtout les pratiques de terrain diffèrent quelque peu d'un pays à l'autre !
– la volonté de simplification du montage des dossiers et l'accompagnement des firmes.
Ces deux journées se sont achevées sur le constat d'un grand travail restant à accomplir en matière de recherche de références et d'échanges de données. L'idée de création d'une base de données européenne sur les produits de protection des plantes a donc été lancée ainsi que le souhait de création d'un réseau d'échanges européen tant sur les considérations techniques que réglementaires.
<p>* Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles (FREDON) Nord-Pas-de-Calais, sandrine.oste@fredon-npdc.com ;</p> <p>** Centre wallon de recherches agronomiques, jamar@cra.wallonie.be ;</p> <p>*** Groupement des agriculteurs biologiques du Nord-Pas-de- Calais (GABNOR), jeremie.fi toussi@gabnor.org</p> <p>** ** Comité de rédaction de Phytoma.</p> <p>(1) Institut technique de l'agriculture biologique.</p> <p>(2) Voir les encadrés 1 et 2, p. 8.</p> <p>(3) International biocontrol manufacturers association (représente les entreprises fabricant des produits de protection des plantes d'origine naturelle).</p> <p>(4) Direction générale de l'Alimentation, sous-direction de la Qualité et de la Protection des végétaux (MAAPRAT).</p>
1 - TransBioFruit en quelques mots
T ransBioFruit (Mutualiser les compétences transfrontalières en arboriculture biologique) est un programme de coopération transfrontalière entre le Nord de la France et la Wallonie qui vise à : – rechercher des techniques de protection et de conduite des arbres fruitiers, adaptées au mode de production biologique, – mettre en réseau les producteurs et les organismes techniques des deux régions pour dynamiser et valoriser les compétences, les expériences et les innovations en arboriculture biologique. Le projet TransBioFruit est soutenu par l'Union Européenne (FEDER), le Conseil régional Nord-Pas-de-Calais, la Région wallonne et les Conseils généraux du Nord et du Pas-de-Calais.
2 - VETABio en quelques mots
VETABio (Valorisation de l'expérience transfrontalière en agriculture biologique) est un programme développé par des partenaires du Nord de la France, de la Wallonie et des Flandres dans le but de :
– développer la mise en réseau des agriculteurs et des organismes techniques pour les cultures légumières et les cultures fourragères biologiques,
– identifier les besoins des professionnels et préciser la typologie des filières,
– développer l'appui technique dispensé aux producteurs au travers de l'acquisition de nouvelles références dans le domaine des méthodes de production (pour les légumes et les productions fourragères biologiques).
Le projet VETABio est soutenu par l'Union Européenne (FEDER), le Conseil régional Nord Pas-de-Calais, la Région wallonne et les Conseils généraux du Nord et du Pas-de-Calais, ainsi que les provinces Oost-Vlaanderen et West-Vlaanderen (Flandre occidentale et Flandre orientale).