dossier - Mauvaises herbes

Analyse de 50 ans d'usage des herbicides tirée d'une « mine », l'Index phytosanitaire ACTA Lutte contre les mauvaises herbes en France, dix lustres en lumière

Jacques Gasquez*, Jean-Philippe Guillemin**, Christian Gauvrit* et Bruno Chauvel* - Phytoma - n°639 - décembre 2010 - page 18

Le grand public accuse l'agriculture intensive de nuisances liées à certaines de ses pratiques. Ainsi l'usage excessif de produits phytopharmaceutiques, en particulier d'herbicides souvent détectés dans les eaux, est désigné comme responsable de la pollution de ces eaux. La France, 4e consommateur mondial de produits phytos et premier en Europe en 2005 (Anonyme, 2006), est directement critiquée. Mais qu'en est-il réellement ? Comment a-t-on évolué vers la situation actuelle ? Des éléments historiques peuvent « objectiver » le débat. Ils sont tirés d'une base de données valorisant une mine d'informations, l'Index phytosanitaire de l'ACTA. À l'occasion du Columa (Encadré 1), voici une analyse des herbicides sur dix lustres soit 50 ans.
 Circium arvense (ph. Lonchamp, INRA Dijon)

Circium arvense (ph. Lonchamp, INRA Dijon)

Face à l'énorme besoin de production et de productivité au lendemain de la deuxième guerre mondiale, le succès des herbicides en France a été en grande partie lié à leur très grande efficacité et aux facilités de gestion qu'ils ont permises (Encadré 2). Les effets agronomiques et sociaux de l'utilisation de ces produits sont difficiles à évaluer tant leur application est devenue commune, de l'agriculteur au gestionnaire de routes en passant par l'utilisateur occasionnel. Mais les conséquences écologiques sont aussi très importantes.

Au plan environnemental, la majorité des ressources en eau en France est touchée par la présence de substances herbicides ou de leurs métabolites, à des concentrations faibles dans la grande majorité des cas mais bien réelles (IFEN, 2010).

Au plan de la biodiversité, les effets sur la communauté visée, celle des mauvaises herbes, sont importants : le nombre d'espèces s'est réduit d'environ 40 % au cours des 40 dernières années (Fried et al., 2009) même si d'autres pratiques ont contribué à appauvrir les communautés d'adventices (tri des semences, fertilisation azotée... ; Jauzein, 2001). Les effets directs et indirects sur les communautés végétales voisines et sur les communautés animales (pollinisateurs, oiseaux granivores...) sont moins bien connus, mais ne doivent pas être ignorés. La présence de résidus d'herbicides dans l'eau alimente la suspicion sur leurs effets sur la santé et inquiète les consommateurs.

Du concret face aux contradictions

Le débat sur l'usage des pesticides a démarré dès les années 1960 et les données alimentant les discussions sont souvent contradictoires... et font elles-mêmes débat car souvent présentées hors contexte (consommation de pesticides en France sans la rapporter à la surface ou au nombre de cultures concernées...). De façon générale, l'objectif de réduction d'utilisation et du nombre des produits (voir encadré 3) se fonde sur l'idée que ceux-ci sont trop nombreux et trop utilisés, en dose et en nombre.

L'objectif de ce travail est de fournir des éléments concrets dans le débat sur l'usage des herbicides en France depuis 1961 et sur l'évolution actuelle de cet usage dans la protection des cultures contre la flore adventice. L'approche historique est intéressante car elle replace l'utilisation de ces substances actives dans la dynamique des pratiques agricoles.

Nous présentons ici les premiers résultats issus d'une base de données constituée à partir d'informations extraites des Index phytosanitaires de l'ACTA. Nous l'illustrons par quelques exemples : combien de substances actives ? Combien de modes d'action différents ? Combien de substances actives retirées depuis l'application de la directive 91/414 ?

46 « Index » épluchés

Sources utilisées

La base de données a été réalisée sous le logiciel Excel 2003 (Microsoft Office) à partir de l'Index phytosanitaire publié annuellement par l'Association de coordination technique agricole (ACTA). Toutes les années de 1961 à 2010 ont été saisies, sachant qu'en 1964, 1968, 1971 et 1976 il n'y a pas eu publication d'Index. L'homogénéisation des nomenclatures et la recherche de données complémentaires ont été réalisées à partir des ouvrages de Lhoste (1965) et Detroux (1975).

Choix des produits retenus

Les données saisies sont des informations contenues dans la partie « herbicides sélectifs et non sélectifs » de ces Index.

Les utilisations de type « débroussaillants » et « désherbants des zones non cultivées » n'ont pas été prises en compte même si les limites d'utilisation ne sont pas toujours clairement définies pour certaines substances actives, la majorité des molécules de cette rubrique ayant été au moins un temps utilisées en culture. On n'a conservé que les substances ayant une action « herbicide » avérée aux doses indiquées.

Les produits de type « synergiste » (flurénol) « protecteur » (méfenpyr-diéthyl) ou limitant la dégradation de certaines substances herbicides (thyocyanate d'ammonium) présents dans les Index ont été écartés. De même, nous n'avons pas retenu les substances actives ou associations de substances actives (nommées « association(s) » dans la suite du texte) dirigées spécifiquement contre les algues ou les mousses. Les substances utilisées avant 1961 mais dont l'usage aurait cessé à cette date ne sont pas présentes dans la base actuellement.

Informations données

La base de données contient, pour chaque substance active ou association le (ou les) mode(s) d'action (groupes HRAC, 2009), la (ou les) famille(s) chimique(s) herbicide(s) (nomenclature de l'Index phytosanitaire 2010), le mode de pénétration (parties aériennes, racine, tigelle ou combinaison), les types d'adventices visés (anti-dicotylédones, anti-graminées ou à spectre large certaines graminées et dicotylédones : « mixte ») ainsi que le nombre de produits commerciaux vendus chaque année. Pour chaque molécule, il est précisé si elle est utilisée seule, en association ou seulement en association.

Les principales cultures (sur lesquelles ont été utilisées la substance ou l'association) ont été saisies (29 types de cultures retenus).

Pour le moment, la base contient plus de 9 600 lignes, chacune représentant une spécialité contenant une substance active ou une association et qui, depuis 1961, a été utilisée au moins une année sur une des 29 cultures.

L'analyse présentée ici a utilisé les outils proposés par Excel (tableau croisé dynamique).

Résultats globaux

Plus de 200 substances en tout, mais pas toutes à la fois

Depuis 1961, plus de 200 substances actives ont été homologuées pour une action de désherbage en milieu cultivé, mais pas toutes en même temps. La figure 1 visualise l'évolution au cours du temps du nombre de matières actives disponibles simultanément chaque année.

De 23 autorisées en 1961, le nombre n'a cessé d'augmenter avec l'extension des adventices visées et des cultures protégées. Un maximum de 138 est atteint en 2002. La croissance est régulière avec une forte progression jusqu'en 1980 (près de 8 nouvelles substances actives par an). Cette période est marquée par le développement des urées substituées (isoproturon, chlortoluron...) pour désherber les céréales d'hiver, d'anti-graminées tel que le diclofop méthyl ou de désherbants non sélectifs tel le glyphosate. L'apparition de nouvelles substances actives est plus faible jusqu'aux années 1990.

À partir de 2003, on observe une diminution régulière. On aboutit à 102 substances en 2010.

Autorisations et retraits

La figure 2 p. 20 explique la figure 1 en présentant le nombre de substances nouvelles et retirées par classe de cinq ans. Les données de 1961-1965, en particulier 1961, ont été estimées à partir de Bouron et Poignant (1960).

Jusqu'à 1981-1985, le rythme des nouvelles autorisations diminue mais la rareté des retraits explique l'augmentation globale de la figure 1. En 1986-1990, la reprise d'introductions de substances actives est liée à l'arrivée des sulfonylurées. Puis le rythme décroît à nouveau. A partir des années 2000, le nombre de nouvelles substances ne compense plus le nombre de celles retirées. En 2003, 16 ont été retirées soit 12 % des substances actives autorisées.

Enfin, 16 nouvelles substances ont été introduites de 2001 à 2004 et 4 en 2010 (Figure 2).

Longévité variable

La durée d'utilisation des substances actives est très variable. En moyenne, une molécule est utilisée plus de 20 ans en France (de 1 à 50 années - Tableau 1 p. 20). Parmi les 113 autorisées en 2009, 10 % ont été utilisées de 43 à 50 ans, 11 % de 36 à 42 ans, 14 % de 29 à 35 ans, 9 % de 22 à 28 ans et 56 % moins de 22 ans.

En 2010, 38 des 102 restantes ont moins de 20 ans et 20 ont plus de 40 ans.

Point intéressant : 7 des 23 matières actives figurant dans le premier Index en 1961 (30 % de l'effectif !) sont toujours commercialisées en 2010. Ce sont 5 herbicides auxiniques (dits aussi « hormones de synthèse »), le 2,4-D, le 2,4-DB, le 2,4-MCPA, le 2,4-MCPB et le mécocrop, plus l'aminotriazole et le chlorprophame. D'autres substances actives ont eu des « carrières » très courtes, leur durée de commercialisation, souvent dans les années 1960-80, ne dépassant pas un ou deux ans (benzodiuron, fluoroglycofène-éthyl, phénobenzuron...)

Modes d'action

L'évolution du nombre de substances actives s'est accompagnée de celle du nombre de modes d'action (Figure 3 - Sont pris en compte les apparitions et retraits de chaque année. Les valeurs avant 1961 (*) ont été estimées d'après la littérature : Bouron et Poignant, 1960).

Environ dix modes d'action sont apparus de 1940 à 1960, puis dix autres de 1960 à 1980, mais seulement trois depuis 1980... dont le dernier en 1993. Toutes substances actives confondues, un maximum de 23 modes d'action a été atteint dans les années 1990 avant de décroître avec le retrait de certains (comme les phénols nitrés dits souvent « colorants nitrés »).

Associations de substances actives

Des associations ont été très rapidement proposées (Figure 4 - Il est tenu compte des apparitions et retraits de chaque année).

Leur succès s'explique par la variabilité des espèces adventices auxquelles étaient confrontés les agriculteurs, et aussi par les conditions limitantes (adventices développées, types de sols) pouvant réduire l'efficacité d'un produit.

L'utilisation d'associations de substances actives (2,4,5-T par exemple), pouvant compenser la perte d'efficacité de substances données (espèces ligneuses, stade de développement trop avancé...) et élargir le spectre d'une préparation, s'est très rapidement développée.

Les herbicides de la famille des dinitroanilines ont beaucoup été associés aux urées substituées en permettant un désherbage complet tout en diminuant les doses de substances actives (Orlando et al., 1992).

Plus de 360 associations ont été commercialisées au cours des 50 années étudiées. Elles combinent de 2 à 5 molécules (en fait il y a eu une seule association à 5 matières actives 2,4-MCPA, dicamba, ioxynil, 2,4,5-T et dicamba, vendue de 1983 à 1990 sur cultures ornementales). Environ 70 % des associations comprennent deux molécules et 25 % trois.

Les durées de commercialisation des associations sont bien plus faibles que celles des substances actives elles-mêmes. C'est sans doute lié à des raisons de stratégies commerciales plutôt que d'efficacité agronomique.

Après une croissance quasi linéaire jusqu'en 1994 où leur nombre a culminé à près de 160, il s'est réduit puis a chuté à partir de 2000 pour arriver à moins de 100 en 2010.

Un cas particulier, la culture du blé

Nombre de substances actives

Le blé est la principale culture en France, donc la première pour laquelle des herbicides ont été développés : acide sulfurique contre les crucifères dès le début du XXe siècle. Puis l'arrivée de nouvelles molécules a permis d'augmenter le nombre d'espèces contrôlées (le dichlorprop associé au 2,4-D et au MCPA permettant de maîtriser aussi le gaillet et la matricaire). La progression globale du nombre de substances disponibles jusqu'en 1991 est suivie d'une baisse qui s'accélère de 1997 à 2000, puis d'une reprise de 2000 à 2003 et d'une nouvelle baisse. C'est à partir de 1970 qu'est apparue la distinction entre anti-dicotylédones et anti-graminées spécifiques. Pour autant, aucune substance active n'a jamais contrôlé toutes les dicotylédones ou toutes les graminées. Le nombre d'antigraminées a augmenté jusqu'en 1994 mais le nombre de ces substances ne cesse depuis lors de régresser alors que les difficultés liées aux graminées adventices augmentent (Figure 5).

Modes d'action et groupe HRAC

La diminution du nombre de substances actives autorisées s'accompagne de celle du nombre de modes d'action (Figure 6).

Beaucoup de programmes de désherbage reposent maintenant sur l'inhibition de l'acétolactate synthase (ALS) principalement à partir d'herbicides de la famille des sulfonylurées. Il ne reste plus, en 2010, que quatre matières actives spécifiquement anti-graminées et un seul mode d'action.

Le développement des molécules mixtes au détriment des plus spécifiques favorise le traitement unique et va dans le sens de la baisse de l'indice de fréquence des traitements (IFT). Mais elles ne sont pas toujours aussi efficaces que les anti-dicotylédones ou anti-graminées spécifiques.

La base de données, aujourd'hui et demain

L'ACTA publie depuis 1961 à une fréquence quasi-annuelle la liste des substances actives des produits phytopharmaceutiques autorisés et commercialisés en France, à partir de données fournies par les sociétés fabricantes. Les matières actives et les spécialités (pesticides chimiques et biologiques et produits non pesticides) commercialisées en France sont présentées par usage. Ces Index ne sont pas des catalogues officiels et ne répertorient pas forcément toutes les spécialités autorisées. Mais toutes les substances à action herbicide vendues à un moment donné y sont bien décrites.

Par opposition aux pays anglo-saxons, on note (Orlando et al., 1992) qu'en France, la bibliographie sur l'usage des herbicides se limite à de rares ouvrages historiques (Jussiaux et Péquignot, 1962 ; Lhoste, 1965). Les Index ACTA sont pratiquement la seule source bibliographique historique utilisable pour un tel travail. Il a été choisi de constituer cette base de données dans l'objectif d'une meilleure connaissance du rôle et de l'usage des substances actives au cours du temps. Il est regrettable qu'il semble impossible d'estimer pour chacune les quantités annuelles utilisées.

La base de données sera complétée annuellement et pourra inclure des indications complémentaires telles que les doses utilisées et des informations toxicologiques. Les synthèses réalisées à partir de cette base de données, encore en cours de validation, seront mises à la disposition du plus grand nombre dans un objectif de recherche ou d'enseignement.

Un peu de prospective

Diversité des substances actives et surtout des modes d'action à préserver

Au total, sur les plus de 200 substances actives ayant été homologuées depuis 1961 y compris quelques substances minérales, la moitié est aujourd'hui retirée, soit parce qu'elles n'étaient pas assez sélectives ou efficaces et que d'autres mieux adaptées sont apparues, soit parce qu'elles étaient trop toxiques (phénols nitrés), soit enfin parce que leur usage trop fréquent leur a fait atteindre des concentrations excessives dans les eaux (atrazine).

Si, de 1991 à 2004, plus de 130 substances actives étaient disponibles simultanément, le nombre a constamment baissé pour arriver à 102 en 2010.

On estime à trois au moins les substances actives qui vont disparaître en 2011. Cette réduction est liée au durcissement de l'exigence réglementaire et aussi à la chute du nombre de brevets observée depuis plusieurs décennies (Rüegg et al., 2007) : de 2005 à 2009 compris, il n'y a eu aucune nouvelle molécule herbicide en France.

La directive 91-414/CE a exigé l'examen des dossiers de toutes les substances actives homologuées avant 1993 dans le but de supprimer celles dangereuses pour l'environnement au sens large, ou pour l'utilisateur. Sur les 131 substances herbicides présentes en 1993, 64 le sont encore en 2010 et 67 ont disparu.

Même pour le blé, culture qui dispose du plus grand nombre d'herbicides, le retrait de substances en particulier anti-graminées expose à des risques de résistance. En effet pour contrôler les graminées, le remplacement de substances mixtes (prosulfocarbe, chlortoluron, pendiméthaline...) par l'usage exclusif d'anti-graminées spécifiques de la famille des « fops » a rapidement conduit à des résistances extrêmes.

De plus, interdire la principale substance active d'une culture peut obliger à associer des substances moins efficaces. Sur blé, il pourrait ne rester que des molécules anciennes, éprouvées mais peu spécifiques. Il faudrait multiplier les traitements. Donc les risques de pollution.

Ainsi vouloir réduire drastiquement le nombre de produits différents sans solution de rechange risque de créer des contraintes agronomiques difficiles à gérer et de nuire à l'environnement !

Diversité des spécialités, une autre notion

Le nombre de produits phytopharmaceutiques à base d'une même substance active peut être très important, surtout quand elle tombe dans le domaine public (cas du glyphosate et sa foule de préparations). À l'inverse, certaines substances ont toujours été connues dans une ou deux préparations utilisées sur plusieurs cultures. En France, la multitude de produits commerciaux peut s'expliquer par les nombreuses cultures visées (29 classes dans la base) (Guillemin et al., 2010) et la segmentation du marché.

Quand elles apparaissent, les substances sont souvent commercialisées seules, puis éventuellement proposées en association. Toutefois, certaines substances ne sont proposées qu'en association et ceci semble se multiplier récemment (trois SA sur quatre en 2010). Ceci pourrait traduire une stratégie de prévention des résistances ou une tentative de réduction d'IFT.

Pratiques du terrain

Parce que très peu d'herbicides sélectifs d'au moins une culture ont de larges spectres d'activité, l'agriculteur doit très souvent avoir recours à plusieurs produits pour maîtriser correctement les communautés adventices, en un ou plusieurs passages selon les cas. De plus, en France, plus d'une trentaine de cultures (de la vigne aux prairies, céréales et riz, des cultures maraîchères à celles à parfum, voire certaines cultures tropicales) sont conduites sur plus de 32 millions d'hectares. C'est un élément explicatif du niveau apparemment élevé d'utilisation des herbicides en nombre et quantité.

En fait, une étude dans le cadre de la biovigilance portant sur le désherbage du blé de 2004 à 2007 montre que les deux tiers des agriculteurs ne font qu'un seul traitement avec une ou deux matières actives, très souvent à des doses inférieures à celle qui est autorisée (Gasquez et al., 2008).

Si des excès dans l'usage des herbicides ont été commis au départ, depuis plusieurs décennies les doses ont été ajustées et le nombre de traitements par campagne limité souvent à un seul. Parmi les restantes, les efficacités varient selon les adventices, ce qui induit des dosages très diversifiés d'une substance active à l'autre.

Reparlons de résistances

Contre les adventices les plus fréquentes et les plus nuisibles, seuls quelques herbicides spécifiques sont majoritairement utilisés. Cela fait peser une menace permanente de sélection de résistances alors qu'il faudrait privilégier les associations de substances actives mixtes plutôt que des associations de SA spécifiques afin d'ouvrir le spectre d'espèces contrôlées.

La stabilité ou la réduction du nombre des molécules herbicides spécifiques pourrait constituer un problème dans le maintien de la production des cultures majeures, avec le risque de voir abandonner certaines productions qui ne deviendraient plus compétitives

<p>* INRA, UMR1210 BGA, AgroSup, INRA, UB, 17, rue Sully, BP 86510, 21065 Dijon Cedex. gasquez@dijon.inra.fr ; gauvrit@dijon.inra.fr ; chauvel@dijon.inra.fr</p> <p>** AgroSup, UMR1210 BGA, Agrosup-INRA-UB, 26, bd Docteur-Petitjean - BP 87999, 21079 Dijon. jp.guillemin@agrosupdijon.fr</p>

1 - Rendons au Columa...

Cet article cite largement la communication des mêmes auteurs à la 21e conférence du Columa « Journées internationales de lutte contre les mauvaises herbes », Dijon, les 8 et 9 décembre 2010. Version intégrale dans le cédérom distribué à la conférence puis disponible à l'AFPP, 42, rue Raymond-Jaclard, 94140 Alfortville cedex, afpp@afpp.net

2 - Herbicides, ce qu'on savait avant l'Index

Jusqu'à la veille de la seconde guerre mondiale, diverses molécules minérales ou organiques avait été testées comme désherbants. Comme elles étaient souvent peu sélectives, ne sont restées que quelques substances(1) à usages limités : H2SO4, FeSO4, chlorate de soude... En France, à l'exception du dinitroorthocrésol (DNOC) plus ancien, les premiers produits de synthèse ont été disponibles à la fin de la seconde guerre mondiale. Sélectionnés pour leur efficacité et leur sélectivité, ils ont permis à l'agriculture de s'affranchir de travaux longs et pénibles et de simplifier les rotations en faveur de cultures de meilleur rapport.

(1) Soulignons toutefois que l'acide sulfurique a figuré dans l' Index phytosanitaire jusqu'en 1979 (ce qui n'informe pas sur son niveau d'utilisation).

3 - Un cadre réglementaire en évolution

Le renforcement des réglementations européenne et nationale pour encadrer l'autorisation des produits phytopharmaceutiques (directive 91/414), leur utilisation et les contaminations de l'environnement (plans ministériels, arrêté du 21 septembre 2006) a conduit à réduire le nombre de substances actives autorisées en écartant celles qui sont toxiques ou trop persistantes.

Au niveau européen, une nouvelle étape sera franchie en 2011 avec l'application du « paquet pesticides » visant à sécuriser l'utilisation de ces produits et encourager le recours à la lutte intégrée et aux alternatives non chimiques (règlement 1107/2009).

En France, le Grenelle de l'environnement a prévu la réduction, si possible de moitié, de l'usage des pesticides d'ici à 2018 et le retrait des produits jugés à risque. Ceci s'est traduit en 2008 par le lancement du plan Ecophyto 2018 qui a retiré des produits dits « préoccupants » et vise à limiter l'utilisation et l'impact de ceux restant indispensables pour protéger les cultures contre les bio-agresseurs.

Figure 1

Évolution du nombre de S.A. herbicides disponibles(1) simultanément en France.

(1) Substances actives (S.A.) incluses dans des produits ayant une autorisation de mise sur le marché (AMM) et commercialisés.

Figure 2

Évolution du nombre d'autorisations de nouvelles S.A. herbicides(1) et de retraits du marché.

(1) Les AMM étant données aux produits, il s'agit en fait des premières AMM de produits contenant les nouvelles substances.

Figure 3

Évolution du nombre de modes d'actions (classification HRAC) des substances actives disponibles simultanément.

Figure 4

Évolution du nombre d'associations autorisées disponibles simultanément.

Figure 5

Évolution du nombre de S.A. disponibles(1) simultanément sur blé en France.

(1) S.A. incluses dans des produits ayant une autorisation de mise sur le marché (AMM) et commercialisés.

Figure 6

Évolution du nombre de modes d'action disponibles simultanément sur blé.

Bibliographie

La bibliographie de cet article (14 références) est disponible auprès de ses auteurs ainsi que dans le cédérom Annales de la 21e conférence du Columa (afpp@afpp.net).

Résumé

Une base de données sur l'utilisation des herbicides en France a été réalisée à partir des données recueillies dans les Index phytosanitaires édités annuellement par l'ACTA. La base permet d'avoir pour différentes cultures le nombre de substances actives, d'associations de substances actives et de produits commerciaux homologués.

Les modes d'action ainsi que la zone de pénétration et le type d'espèces végétales contrôlées ont aussi été saisis.

Si plus de 200 substances actives herbicides ont été homologuées au total en milieu agricole depuis 1961, un maximum de 138 étaient utilisables en 2002 et seules une centaine sont toujours utilisées en 2010. L'évolution du nombre de modes d'action disponibles pour un désherbage raisonné est discuté pour la culture du blé.

Mots-clés : mauvaises herbes, herbicides, Index ACTA, Directive 91/414/CE, substances actives, associations, modes d'action.

Summary

HISTORICAL USE OF HERBICIDES IN FRANCE : FIRST ANALYSES

A data base on the herbicides used in France since 1961 has been built up from the phytosanitary index annually edited by the ACTA. This data base gives the number of active ingredients, associations and commercial products registered every year and for each crop. We also gathered the modes of action, the way of absorption sites and the species susceptibility. Since 1961, more than 200 molecules have been registered. The number increased regularly with a maximum of 138 in 2002 and only around 100 remain in 2010. The evolution of the number of modes of action available for weed control in wheat is discussed.

Key words : ACTA index, Council Directive 91/414/EEC, active ingredients, associations, modes of action.

Remerciements

Les auteurs remercient Amine Lakhmi, Daphné Bonduelle, Marine Mazel, Solène Juillet et Karine Palavioux pour leur aide dans la saisie des données. Les auteurs remercient aussi Alice Couteux, André Chabert, Philippe Delval des bureaux de l'ACTA de Paris et de Lyon pour leur aide dans la prise des données des Index les plus anciens.

L'essentiel de l'offre

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