dossier - Ravageurs souterrains

Scutigérelles et maïs, le quarté pour gagner

Jean-Baptiste Thibord*, Michel Tour* et Laurent Boue-Laplace* - Phytoma - n°643 - avril 2011 - page 29

Face à la recrudescence des dégâts de « millepattes », il faut associer quatre outils : variété, insecticide, fertilisation, façons culturales
 ph. J.-B. Thibord, Arvalis

ph. J.-B. Thibord, Arvalis

Dégâts de scutigérelles sur maïs semence. Une attaque très importante peut déboucher sur une mortalité des plants. ph. Arvalis-Institut du végétal

Dégâts de scutigérelles sur maïs semence. Une attaque très importante peut déboucher sur une mortalité des plants. ph. Arvalis-Institut du végétal

Deux photos prises sur le même site. à gauche, parcelle où l'on a combiné le rappuyage du sol au semis, l'apport d'un engrais starter et celui d'un insecticide du sol. à droite, témoin non traité avec ses dégâts de scutigérelles. Photos : J.-B. Thibord

Deux photos prises sur le même site. à gauche, parcelle où l'on a combiné le rappuyage du sol au semis, l'apport d'un engrais starter et celui d'un insecticide du sol. à droite, témoin non traité avec ses dégâts de scutigérelles. Photos : J.-B. Thibord

Dégâts de scutigérelles sur racines de maïs. Face à leur recrudescence, il y a des solutions. Mais pas simples ph. J.B. Thibord

Dégâts de scutigérelles sur racines de maïs. Face à leur recrudescence, il y a des solutions. Mais pas simples ph. J.B. Thibord

Scutigérelle. Notez la fragilité de son corps et l'absence de pattes fouisseuses, ce qui l'empêche de creuser ses propres galeries. ph. J.-B. Thibord

Scutigérelle. Notez la fragilité de son corps et l'absence de pattes fouisseuses, ce qui l'empêche de creuser ses propres galeries. ph. J.-B. Thibord

Comparées aux taupins, les scutigérelles sont considérées comme des ravageurs du sol secondaires, mais les voilà en recrudescence depuis quelques années. Elles ont été particulièrement nuisibles en 2010 avec, notamment, environ 120 000 ha de maïs ayant souffert de leurs dégâts. C'est le moment de faire le point sur ce ravageur avec lequel il faut désormais compter. D'autant que protéger les cultures de printemps de ses attaques n'est pas simple : on doit combiner les techniques.

Les scutigérelles (Scutigerella immaculata Newport) sont de petits myriapodes, autrement dits « mille-pattes », qui se nourrissent des parties souterraines de plantes vivantes. Quand ces ravageurs s'attaquent aux racines et au chevelu racinaire d'une plante, elles les réduisent et/ou les empêchent de se développer. Le système racinaire absorbera moins bien l'eau et les éléments minéraux, ce qui affaiblira la plante. Sa croissance est retardée, elle devient plus vulnérable aux agents pathogènes du sol. Les pertes de rendement sont parfois importantes, jusqu'à la disparition de la culture.

Les scutigérelles sont polyphages c'est-à-dire capables de s'attaquer à diverses cultures. Du fait de leur biologie (encadré 1), elles sont nuisibles surtout sur cultures de printemps : maïs en premier lieu, mais aussi certaines cultures légumières et très occasionnellement betterave, tournesol et pomme de terre.

La nuisibilité des scutigérelles augmente globalement depuis quelques années, comme pour la plupart des ravageurs du sol. De plus le printemps de 2010 leur a été spécialement favorable, en particulier dans les maïs.

2010, année à scutigérelles

En effet, le nombre de jours sans pluie a été exceptionnellement élevé en avril 2010. Passé plus inaperçu, le nombre de jours de vent a également été très important. Si les semis de maïs se sont déroulés sereinement, le premier horizon du sol s'est vite asséché au fil du mois d'avril, avec un lit de semence d'autant plus motteux et aéré que les jours passaient... Or ces sols motteux et aérés sont particulièrement favorables aux scutigérelles, on rappellera plus loin pourquoi.

Les derniers semis ont donc été réalisés dans des sols propices aux dégâts de scutigérelles. Ensuite, le climat du mois de mai n'a pas été favorable à une croissance rapide des maïs. Dans ces conditions, les scutigérelles ont consommé les racines plus rapidement que les plantes ne les produisaient.

Cette conjonction d'événements favorables au ravageur et défavorables à la culture a entraîné une nuisibilité sur une superficie évaluée en 2010 à près de 120 000 ha dans le Sud-Ouest.

Nuisibles sous certaines conditions

Présentes de la surface à 1 m de profondeur

Les scutigérelles manifestent leur nuisibilité dans des conditions précises que certaines particularités de leur biologie permettent d'expliquer.

Ainsi, en conditions favorables, ces ravageurs peuvent migrer de la surface jusqu'à une profondeur de plus d'un mètre, et réciproquement. Leurs migrations verticales sont principalement dues à l'interaction entre l'humidité, la température et les cycles d'alimentation (Edwards, 1959b). Les scutigérelles montent se nourrir dans les 15 premiers centimètres du sol si celui-ci est humide et chaud, et plongent s'abriter en profondeur s'il se met à faire frais ou sec en surface. Par ailleurs les larves descendent pour muer. Les migrations de mue n'étant pas synchronisées, les générations finissent par se chevaucher et toutes les portions de la population peuvent être présentes dans toute la partie habitable du profil du sol (Edwards, 1959b).

En revanche, on voit plus diffcilement des scutigérelles en surface dans la journée car ces myriapodes sont lucifuges (en français courant « ces mille-pattes fuient la lumière »).

Incapables de creuser toutes seules

Dépourvues de pattes fouisseuses, les scutigérelles sont incapables de creuser des galeries pour se déplacer. Elles utilisent donc les porosités du sol et les galeries réalisées par les vers de terre ou les racines elles-mêmes pour se déplacer.

Ce point est important ! Il explique pourquoi la présence de scutigérelles dans la couche superficielle du sol est fortement influencée par les porosités de ce sol, en particulier selon qu'il est soufflé ou compacté.

Favorisées dans certains sols et par certaines pratiques

En conséquence, on trouve plus souvent de fortes populations de scutigérelles dans les sols limoneux ou d'alluvions, avec une texture fine ou présentant beaucoup de macropores, plutôt que dans les sols sableux (sauf si ceuxci ont subi une modification au niveau de leur teneur en matière organique) (Edwards, 1958 ; Edwards, 1961).

De ce fait, l'ajout de matière organique, la réduction du travail du sol et les buttages, qui améliorent la structure du sol, facilitent le déplacement vertical des scutigérelles donc toutes leurs activités : prise de nourriture grâce à l'accès aux racines, déroulement du cycle (migrations de mue), etc. Cela entraîne des augmentations de population et/ou de dégâts.

On estime que le développement du non-labour – et des TCS (travail du sol simplifié) qui ont souvent pour effet d'augmenter la macroporosité du sol – explique au moins une partie de la plus grande fréquence des dégâts de scutigérelles constatée ces dernières années.

Régions touchées, toujours par foyers

C'est surtout dans le Sud-Ouest que les scutigérelles font des dégâts sur culture de maïs. C'est le cas en particulier dans le Pays Basque, les vallées des Gaves d'Oloron et Gaves de Pau, le Tursan, la Chalosse, l'Armagnac, les côteaux du Gers et la plaine de l'Ariège.

Ces ravageurs sont par ailleurs signalés de façon plus anecdotiques en Bretagne et Poitou-Charentes, dans le Bassin parisien, en vallée de Seine et vallée de la Marne.

Toutefois, dans un secteur géographique donné, il n'y a pas d'attaques généralisées. La scutigérelle est présente par petits foyers cantonnés à certaines parcelles.

Les zones touchées par des dégâts restent les mêmes d'une année à l'autre : il y a des zones voire des parcelles ou des portions de parcelles « à scutigérelles ». Les niveaux de population évoluent peu, de même que les zones de forte nuisibilité au sein des parcelles affectées (Umble et Fisher, 2003c). En revanche, dans un secteur « à scutigérelles », les dégâts varient d'une année à l'autre en fonction des conditions climatiques (comme en 2010) ou à la faveur de changements de pratiques culturales.

Protection : les grands principes

En effet les pratiques peuvent jouer sur le niveau de dégâts.

Tout d'abord, il est inutile d'intervenir en curatif une fois les premiers dommages constatés – comme avec d'autres ravageurs du sol, d'ailleurs.

Ainsi, on conseille de rechercher et d'identifier les scutigérelles au sein du sol des parcelles avant le semis afin de définir la bonne stratégie de lutte pour protéger les futures cultures (Encadré 2).

Ensuite, parmi les techniques de lutte, il est important de différencier les stratégies visant la diminution des populations de celles permettant de réduire les dommages aux cultures sans influencer nécessairement les populations. Souvent, on devra combiner les deux types de stratégie pour gérer efficacement le « problème scutigérelles ».

Peut-on réduire les populations ?

Difficile de jouer la rotation

La réduction des populations a fait l'objet de nombreuses études (Howitt et Bullock, 1955 ; Umble et Fisher, 2003c ; Getzin et Shanks, 1964 ; Shanks, 1966 ; Howitt, 1959 ; Peachey et al., 2002). Mais on ne peut pas éradiquer les scutigérelles de leurs foyers d'infestation ni même y réduire leurs populations durablement.

Si les scutigérelles peuvent se nourrir sur diverses cultures, la sensibilité de ces cultures varie entre espèces et même variétés. Parmi les cultures de printemps, le maïs, défavorisé par une faible densité d'occupation du sol, est l'une des plus sensibles. Les betteraves sont handicapées par leurs petites graines : elles ont peu de réserves face à des attaques précoces du système racinaire avant que les feuilles ne commencent à nourrir les plantes. Les orges de printemps résistent mieux grâce à leur peuplement plus dense mais peuvent être affectées par de fortes populations.

En pomme de terre, la disparition de plantes est exceptionnelle mais il peut se produire des affaiblissements par taches. à noter que les populations de scutigérelles diminueraient de façon significative après une culture de pomme de terre (Umble et Fisher, 2003c).

En revanche les cultures d'hiver sont peu sensibles au ravageur car elles sont suffisamment développées au printemps pour le supporter, mais elles ne font pas diminuer l'effectif des populations. Il faut noter aussi que les scutigérelles arrivent à persister dans un sol nu en interculture. Faute de jeunes plantes, elles peuvent se rabattre sur des débris végétaux. Par ailleurs, en présence d'une flore variée, elles semblent privilégier certaines espèces. Ainsi dans nos essais, elles évitent soigneusement la mercuriale annuelle, par exemple.

Produits d'autrefois...

Concernant la lutte à l'aide de produits phytopharmaceutiques, des centaines de composés ont été utilisés pour lutter contre les scutigérelles au cours du siècle passé. Des fumigants et des produits de la famille des organophosphorés étaient parmi les plus efficaces. L'incorporation de ces produits en plein dans la couche superficielle du sol permettait d'obtenir un bon niveau de protection avec réduction des populations. Par ailleurs, les produits microgranulés à base de carbamates avaient un effet notable sur les scutigérelles, mais ils étaient souvent soumis à une biodégradation accélérée dans les sols à haute teneur en matière organique... également touchés par des infestations de scutigérelles ! Leur intérêt était donc considérablement réduit pour la lutte contre ce ravageur.

Jusqu'en 2007, le Dotan (à base de chlorméphos, un organophosphoré) était la solution privilégiée pour protéger les semis de maïs contre les scutigérelles. L'application du produit formulé en microgranulés offrait une efficacité satisfaisante. Mais ce produit est retiré.

Ou, au moins, diminuer les dégâts ?

Produits d'aujourd'hui

À ce jour, aucun produit n'est autorisé contre les scutigérelles.

Ceux à base de néonicotinoïdes (thiaméthoxam, clothianidine) ne sont pas efficaces, que ce soit en traitement de semence ou en microgranulés à appliquer dans la raie de semis.

En revanche, les produits à base de pyréthrinoïdes appliqués dans la raie de semis ont une certaine efficacité. Parmi ceux actuellement disponibles sur maïs, le Force 1,5 G, à base de téfluthrine et autorisé contre les taupins, obtient les meilleurs résultats. Mais attention :

– le produit n'est pas autorisé contre les scutigérelles ; il ne peut être utilisé que dans le cadre d'une protection contre les taupins ; de toute façon son « effet secondaire » contre les scutigérelles est inférieur à l'efficacité du défunt Dotan ;

– pour obtenir un effet notable, il faut l'appliquer dans la raie de semis à l'aide d'un diffuseur afin de protéger le bol racinaire de la future plante. Cette qualité d'application est essentielle pour la protection contre les taupins mais aussi contre les scutigérelles.

À noter que le Dursban 5 G, produit à base de chlorpyriphos-éthyl (un organo-phosphoré) est également autorisé sur maïs, pomme de terre et en « traitements généraux » contre les taupins et sera à nouveau disponible sur le marché en 2011 après une longue période sans commercialisation en France.

Mais il faut se souvenir que ce produit, appliqué en microgranulés dans la raie de semis (sans diffuseur), était moins efficace que le Dotan pour protéger les jeunes maïs des attaques de scutigérelles. Les essais réalisés par Arvalis situent son effet à un niveau équivalent à celui de Force 1,5G, mais avec des performances plus irrégulières.

Quoiqu'il en soit, ces produits ont un effet sur l'état de la culture mais pas sur le niveau de population de scutigérelles. De ce fait, il est important de combiner cette protection chimique avec des pratiques culturales.

Fertilisation, variété : prendre le mille-pattes de vitesse

Au moment des semis de maïs, il faut apporter une fertilisation « starter » à base d'azote et d'acide phosphorique (P2O5) pour favoriser et accélérer la rhizogénèse (création et croissance des racines). La culture s'installant plus rapidement, elle « esquivera » en partie les attaques de scutigérelles d'où une nuisibilité réduite. Mais cette solution n'est que partielle car les fortes attaques précoces peuvent diminuer la densité des plantes. De plus, la fertilisation starter ne joue pas sur les attaques estivales qui peuvent être très nuisibles selon les conditions d'alimentation hydrique de la culture.

Par ailleurs, certaines variétés de maïs présentent une relative tolérance aux attaques de scutigérelles, grâce à une vigueur accrue et/ou une production plus rapide de racines (Umble et Fisher, 2003a ; Simigrai et Berry, 1974). Dans les « secteurs à scutis », il faut privilégier ces variétés à bonne vigueur de départ pour limiter la nuisibilité des attaques.

Travail du sol, ancien mais efficace

Enfin, le travail du sol, probablement la technique la plus ancienne pour contrôler les scutigérelles, reste l'une des plus efficaces (Martin, 1948 ; Peachey et al., 2002). Il agit en écrasant les individus et surtout grâce à la rupture des porosités du sol qui permettaient le déplacement des scutigérelles. Ainsi, il réduit temporairement les attaques du ravageur.

Les effets de la technique varient selon les outils utilisés. En général, plus le travail est perturbant plus grand sera l'effet sur les scutigérelles. Avec un labour ou un disquage suivi d'une bonne préparation du lit de semence, on diminue les attaques durant deux à trois semaines. Mais pendant ce temps, les vers de terre et les racines des plantes créent dans le sol de nouvelles porosités qui sont autant d'infrastructures reliant les scutigérelles aux racines. On a remarqué que les racines des plantes étaient protégées dans les zones où le sol a été rappuyé, par exemple sur les traces de passage du tracteur.

Mais... un compactage pénalise le développement des cultures... sachant qu'un sol trop soufflé favorise les attaques...

Secteur à « scutis », trouver le compromis

En présence de scutigérelles, il faut trouver un compromis : un bon rappuyage du lit de semis permettra de réduire la circulation du ravageur tout en permettant aux plantes de s'installer. Il faut adapter ce rappuyage en fonction du type de sol, notamment les taux de limons, argile et matière organique, et aussi bien sûr du niveau de population de scutigérelles.

Dans tous les cas, il faut absolument éviter les sols soufflés si l'on suspecte la présence du ravageur, et encore plus si on l'a détectée (Encadré 2, page précédente).

Les essais d'Arvalis-Institut du végétal, réalisés dans une parcelle limoneuse avec un taux de matière organique supérieur à 4 % et sans labour depuis plus de 15 ans, montrent l'intérêt du rappuyage du sol juste après le semis (Figure ci-contre).

Attention, rappuyage oui, tassement non ! Sur ces essais, dans une partie de la parcelle où la bande de semis avait été roulée, les attaques de scutigérelles étaient insignifiantes mais le rendement amputé de 10 q/ha – et du double là où le tracteur était passé deux fois juste après semis.

Ces résultats expérimentaux montrent l'intérêt d'avoir un lit de semence optimal pour la plante, sans toutefois favoriser les déplacements du ravageur.

Le développement de la méthode nécessite d'adapter l'itinéraire technique en fonction du type de sol (ainsi, il faut choisir la date de semis en fonction de la capacité à réaliser une préparation du sol de qualité), voire du matériel de semis pour intégrer la possibilité de bien rappuyer le sol : travaux à poursuivre !

Conclusion, combinaison

Aucune méthode disponible à l'heure actuelle n'est complètement efficace pour protéger le maïs des scutigérelles. Les semis protégés contre les taupins avec les produits microgranulés Force 1,5 G ou Dursban 5 G bénéficient d'une protection partielle contre les attaques de scutigérelles.

Cette protection devient satisfaisante si elle est combinée à d'autres éléments de l'itinéraire technique : fertilisation starter, choix d'une variété à bonne vigueur de départ, lit de semences bien rappuyé et bonne qualité de l'application de l'insecticide apporté au semis (Figure 1).

C'est à ce prix que la culture de maïs reste possible dans les parcelles infestées par ce ravageur.

<p>*Arvalis-Institut du Végétal. jb.thibord@arvalisinstitutduvegetal.fr</p>

1 - Les scutigérelles, carte d'identité

Les scutigérelles sont des arthropodes, mais des myriapodes (« mille-pattes ») et pas des insectes. Ils appartiennent à l'ordre des Symphyles qui regroupe des espèces vivant dans le sol, se nourrissant essentiellement de matières organiques mortes ou en décomposition. Certains peuvent être nuisibles en préférant les plantes vivantes – cas de la scutigérelle.

De l'œuf aux larves

On peut détecter les scutigérelles dans le sol de mars à novembre, surtout en mai et juin quand les populations se rapprochent de la surface. Les œufs sont déposés majoritairement au printemps et secondairement à l'automne mais peuvent l'être aussi en été. L'incubation dure de 25 à 40 jours pour des températures de 21 °C à 10 °C.

Les premiers stades larvaires ont six paires de pattes et des antennes à six segments. On les trouve rarement dans la zone racinaire. Ils donnent, après quelques jours, le 2e stade larvaire qui ressemble à des petits adultes de scutigérelles (Michelbacher, 1938). À chacune des six mues suivantes s'ajoutent une paire de pattes et un nombre variable de segments au corps et aux antennes.

Adultes à la vie longue

L'adulte, à corps mou blanc crème brillant, mesure 5 à 7 mm et a 12 paires de pattes. Le temps total de l'œuf à l'adulte sexuellement mature (septième stade) est d'environ cinq mois à 10 °C, trois mois à 21 °C, mais moins de deux mois à 25 °C. Il est donc possible d'avoir deux générations complètes par an (Berry, 1972).

Par ailleurs, les adultes peuvent vivre plus de 4 ans. De ce fait, dans le même sol, les générations se chevauchent allègrement et les larves, adultes et œufs peuvent être présents simultanément.

À noter aussi : les scutigérelles restent vivantes pendant très longtemps à une température de 2 °C. Ainsi, elles résistent à l'hiver en s'enfonçant dans le sol.

2 - Comment détecter les scutigérelles

La recherche de scutigérelles est essentielle pour l'élaboration du diagnostic et la mise en œuvre d'une stratégie de lutte adaptée. Mais leur mise en évidence est délicate.

Répartition hétérogène ? Il faut les attirer !

En effet, la distribution de la population est inégale au sein d'une parcelle. Les sondages « au hasard » risquent donc de « manquer » les populations présentes, sauf à prélever la terre par mètres cubes entiers...

La solution passe donc par le piégeage à l'aide d'un attractif qui attirera les individus présents à proximité, aussi bien latéralement qu'en profondeur.

Nous proposons une méthode simple de prélèvement à partir d'appâts : elle consiste à poser une moitié de pomme de terre, face coupée légèrement enfoncée dans le sol. Elle jouera le rôle d'attractif alimentaire. On la recouvre d'un couvercle de protection (type pot en plastique d'environ 10 cm de diamètre), forcément opaque car la lumière fait fuir les scutigérelles.

Attention : il faut placer plusieurs pièges au sein de chaque parcelle. En effet, chacun attirera les individus proches, mais la répartition de la population est trop hétérogène pour qu'un seul piège donne un résultat fiable.

Choisir le bon moment pour placer les pièges

De plus, les chances d'attirer des scutigérelles sont fortement liées au type de sol, à ses conditions d'humidité et de températures, à la période de l'année. Les meilleures conditions pour la recherche du ravageur sont un sol chaud et humide.

L'échantillonnage réalisé moins de trois semaines après un travail du sol – tels que disquage ou le labour – est souvent peu représentatif car les scutigérelles n'ont pas encore eu suffisamment de temps pour revenir à la surface.

Il est conseillé d'attendre pour placer ces pièges deux à trois semaines après la réalisation du travail du sol, mais avant qu'une culture se soit bien établie.

Et pour les relever

Un à cinq jours après sa mise en place, le piège est relevé. On dénombre les scutigérelles présentes d'abord sur le sol puis celles présentes sur l'appât.

Par temps chaud et/ou en conditions sèches, les appâts sont à vérifier un à deux jours après leur mise en place, le nombre de scutigérelles décroissant ensuite. En conditions plus fraîches, il faut laisser les appâts entre 3 jours et 5 jours.

Figure 1 - Lutte contre les scutigérelles sur maïs. Combinaison des méthodes de lutte en situation de forte infestation. Aubagnan (40), moyennes de 2 essais, 2009, 2010.

Bibliographie

L'auteur tient à la disposition des lecteurs intéressés la liste des publications consultées pour la réalisation de cet article (10 références). jb.thibord@arvalisinstitutduvegetal.fr

Résumé

Les dégâts de scutigérelles sont en recrudescence depuis quelques années, et particulièrement en 2010 sur environ 120 000 ha de maïs.

La biologie de ce ravageur explique les conditions de sa nuisibilité, par exemple pourquoi il est favorisé par les sols soufflés et la pratique du non-labour.

Face à l'absence d'une solution suffisamment efficace à elle seule, la protection du maïs contre les scutigérelles doit combiner plusieurs techniques :

– choix de variétés à bonne vigueur de départ ;

– accélération du démarrage de la culture par une fertilisation localisée au semis (« engrais starter ») ;

– utilisation des effets complémentaires de certains insecticides du sol utilisés contre les taupins ;

– façons culturales (préparation du sol avant le semis, ex. labour ; rappuyage bien dosé du lit de semences).

Mots-clés : ravageurs du sol, scutigérelles Scutigerella immaculata, maïs, nuisibilité, détection, réduction des dégâts, variété, fertilisation, insecticide, façons culturales, rappuyage du lit de semences.

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