Necremnus contre Tuta... Non, ce n'est pas un film de gladiateurs ! Mais une histoire vraie qui débute en mars dernier dans une serre de tomate provençale.
Un technicien de Koppert, société productrice d'auxiliaires pour la lutte biologique, effectue un suivi des populations de Tuta absoluta. Il repère des larves du ravageur visiblement parasitées alors qu'aucun apport d'auxiliaire parasitoïde n'avait été effectué. Il les prélève et les transmet au laboratoire de la société. Celui-ci fait incuber les larves, il en sort des adultes d'hyménoptères parasitoïdes, sitôt identifiés comme appartenant au genre Necremnus. Intéressant ! Deux espèces de ce genre trouvées en Italie ont été signalées comme auxiliaires potentiels lors du congrès ABIM à Lucerne en octobre dernier(2).
Nouveaux prélèvements, envoi à l'Anses qui transmet à Gérard Delvare, du Cirad(3)... Le verdict tombe : il s'agit de Necremnus artynes, une des espèces citées à Lucerne.
Necremnus artynes, ce qu'on sait déjà
N. artynes est probablement indigène d'Europe, en tout cas acclimatée naturellement depuis belle lurette et signalée en France depuis plus de 40 ans. Le rapport de G. Delvare évoque une publication de 1968 (Boucek & Askew) qui « la citent de Suède, Grande-Bretagne, France, Autriche, République Tchèque et Moldavie ». Cette présence ancienne est un atout dans le cadre de la future réglementation sur les introductions d'auxiliaires.
G. Delvare écrit aussi que « N. artynes a été obtenu de T. absoluta en Sardaigne d'après Plaszek ».
Mais c'est le premier signalement sur cette mineuse en France.
Bien sûr, N. artynes a forcément d'autres hôtes que T. absoluta arrivée récemment d'Amérique latine (premiers signalements en Europe en 2006 et France en 2008). Mais l'hyménoptère européen a prouvé ses capacités « d'acceptation de » et « d'adaptation à »(4) à la mineuse américaine comme hôte.
Les preuves ? Les pontes spontanées sur jeunes larves de T. absoluta chez des producteurs et l'éclosion d'adultes au laboratoire. Cela en fait un auxiliaire prometteur et qui pourrait apporter une aide complémentaire à la stratégie de protection déjà proposée.
Ce qui reste à apprendre
Pas de précipitation ! Il reste à évaluer l'effet de ces arrivées spontanées sur les populations du ravageur, les possibilités de favoriser et maintenir les populations naturelles de l'auxiliaire... et pourquoi pas celles de l'élever pour des lâchers en culture ? En attendant, Koppert continue de maintenir sa vigilance lors de ses suivis dans les cultures de tomate, pour évaluer la répartition et la présence de cette espèce intéressante.
Dernière minute : une autre serre provençale a livré des larves de T. absoluta spontanément parasitées. Est-ce par N. artynes ? Les larves sont en observation au laboratoire de Koppert...
<p>(1) Avec déjà des dégâts en Provence- Alpes-Côte-d'Azur, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées et Aquitaine début mai. Sans compter sa présence signalée en Pays-de-la-Loire (selon les BSV) et probable en Bretagne (pas de BSV sur tomate).</p> <p>(2) Par Marco Mosti lors de la 5e édition de l'« Annual Biocontrol Industry Meeting », rencontre annuelle de l'industrie du biocontrôle, organisée par l'IBMA (International Biocontrol Manufacturers Association, Association internationale des fabricants de produits de biocontrôle) les 25 et 26 octobre 2010 à Lucerne (Suisse).</p> <p>(3) Respectivement Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail et Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement.</p> <p>(4) Voir ces notions dans l'article sur les auxiliaires anti-pucerons du fraisier p. 54.</p>