dossier - Bonnes pratiques phytosanitaires

Gérer les effluents phytos post-récolte des bananes en Guadeloupe

Michel Leborgne*, Thomas Dumont**, Jean-Charles Desforges* et Marcus Héry*** - Phytoma - n°644 - mai 2011 - page 41

La filière se mobilise pour la production durable de banane, et met soleil et vent à contribution
 ph. T. Dumont, Agriprotec

ph. T. Dumont, Agriprotec

Bananiers gérés dans le cadre « banane durable ». Au sol, ces « plantes de service » sont testées comme nématicide et couverture du sol contre les mauvaises herbes. Mais la durabilité se joue aussi après la récolte. ph. M. Héry, LPG

Bananiers gérés dans le cadre « banane durable ». Au sol, ces « plantes de service » sont testées comme nématicide et couverture du sol contre les mauvaises herbes. Mais la durabilité se joue aussi après la récolte. ph. M. Héry, LPG

Ci-contre, les deux systèmes de traitement de post-récolte les plus utilisés :      4 - Traitement par lame d'eau.      5 - Traitement par pulvérisation. Photos : J.C. Desforges, Syngenta

Ci-contre, les deux systèmes de traitement de post-récolte les plus utilisés : 4 - Traitement par lame d'eau. 5 - Traitement par pulvérisation. Photos : J.C. Desforges, Syngenta

Éléments d'un Héliosec :      6 - Bac en polyéthylène, déjà mis en place.      7 - Châssis galvanisé en cours de montage.      8 - Bâche à déplier et à placer dans le bac, ici encore posée sur son fût. Photos : T. Dumont, Agriprotec

Éléments d'un Héliosec : 6 - Bac en polyéthylène, déjà mis en place. 7 - Châssis galvanisé en cours de montage. 8 - Bâche à déplier et à placer dans le bac, ici encore posée sur son fût. Photos : T. Dumont, Agriprotec

9 - Suite du montage d'un Héliosec par Agriprotec : une fois la bâche étalée dans son bac, on place le châssis au-dessus de l'ensemble : il est recouvert d'un toit translucide – qui laissera passer la lumière et la chaleur mais pas la pluie – et sécurisé par des parois latérales grillagées laissant passer lumière, chaleur et vent.      10 - Installation finalisée de deux Héliosec sur l'exploitation Saint-Denis de Philippe Mallèce. Photos : T. Dumont, Agriprotec

9 - Suite du montage d'un Héliosec par Agriprotec : une fois la bâche étalée dans son bac, on place le châssis au-dessus de l'ensemble : il est recouvert d'un toit translucide – qui laissera passer la lumière et la chaleur mais pas la pluie – et sécurisé par des parois latérales grillagées laissant passer lumière, chaleur et vent. 10 - Installation finalisée de deux Héliosec sur l'exploitation Saint-Denis de Philippe Mallèce. Photos : T. Dumont, Agriprotec

La banane est une production importante aux Antilles françaises (voir encadré 1). Elle s'engage vers la production durable : le « plan banane durable » initié en 2008 prend le relais d'actions menées ces 15 dernières années (voir encadré 2, page suivante). Dans le cadre de ce plan, la question de la gestion des effluents phytos de post-récolte a été posée. La réponse en Guadeloupe est l'utilisation du procédé rustique Héliosec (marque déposée !) dont le « moteur » principal est le couple soleil-vent. Point important, la mise en place est adaptée à chaque producteur grâce à un diagnostic bien mené. Nous présentons ici la démarche.

Les producteurs de bananes de Guadeloupe et Martinique sont engagés dans un processus de production de banane durable. L'un des volets du référentiel de cette certification exige la gestion des déchets produits sur l'exploitation, dont les effluents issus des traitements phytosanitaires.

Différents intervenants de la filière bananière (groupement de producteurs, distributeurs de produits phytosanitaires, financeurs et la société Syngenta Agro) se sont mobilisés afin d'apporter une solution efficace et rustique. Il fallait qu'elle soit adaptée aux enjeux environnementaux mais ne soit pas une contrainte technique pour les producteurs.

Après une évaluation des volumes à traiter, le dispositif Héliosec a été sélectionné en raison de son adaptation à ce contexte et au cahier des charges. Il est mis en place chez 20 producteurs.

Protéger les bananes des maladies de conservation

Sitôt récoltées, les bananes sont acheminées vers une station de conditionnement. Elles y sont lavées pour éliminer le latex puis traitées contre les chancres (Colletotrichum musae) et pourritures des couronnes (Fusarium sp., Colletotrichum musae, Cephalosporium..., photos 1 et 3 page précédente).

Les chancres se développent sur une blessure du fruit survenue pendant la récolte ou lors d'une manipulation dans le process de conditionnement. Les pourritures de couronnes qui se développent pendant le transport sont d'une origine plus complexe, car plusieurs agents pathogènes en sont responsables et la contamination se fait au champ.

Trois spécialités commerciales sont disponibles pour assurer cette protection. Les produits commerciaux sont :

Tecto 500 SC (500 g/l de thiabendazole) utilisé à la dose 0,09 l/hl,

Fungaflor 75C (75 % d'imazalil, utilisé à la dose 0,05 kg/hl),

Baycor 300 B (300 g/l de bitertanol, utilisé à la dose de 0,07 l/hl ; attention, produit en cours de retrait : il ne peut être commercialisé que jusqu'au 30 juin 2011 (fin du délai de distribution) et utilisé que jusqu'au 30 décembre 2011 (fin du délai d'utilisation).

Les procédés de traitement en post-récolte

Quatre procédés de traitement des bananes en post-récolte sont utilisés :

– avec un pulvérisateur à dos sur des bacs appelés « trays »,

– par trempage,

– par pulvérisation en poste fixe (minimum 3 buses) sur le circuit des bananes (ph. 5),

– par simple ou double lame de bouillie : un bac placé au-dessus du circuit de passage des bananes déverse par débordement une lame d'eau sur les « trays » (ph. 4).

Les deux systèmes de traitement les plus répandus sont la pulvérisation fixe et la lame d'eau, pour lesquels sont généralement préparées quotidiennement des bouillies de traitement de 200 litres destinées à traiter 10 t de bananes. À la fin de chaque jour de traitement, une partie de la bouillie utilisée doit être éliminée.

Dans le cadre du plan « banane durable », le groupement des producteurs de bananes de Guadeloupe a décidé de récupérer les effluents issus des traitements post-récolte.

En 2009, le groupement de producteurs, à la recherche d'un système de traitement des effluents simple et rustique, a contacté Syngenta Agro SAS pour envisager une extension d'usage du dispositif Héliosec en post-récolte bananes. Un dossier spécifique a été construit et soumis au ministère de l'écologie. Héliosec peut maintenant être utilisé pour traiter les effluents issus du traitement post-récolte des bananes [tout comme les effluents issus de traitements en grandes cultures, arboriculture, viticulture, cultures maraîchères, zones non agricoles (ZNA) et post-récolte endives].

Système simple basé sur la déshydratation naturelle

Ce dispositif de gestion des effluents (déchets issus des fonds de cuve et eaux de rinçage du pulvérisateur ou des installations de traitement post-récolte) est simple et économique.

L'installation du kit peut être réalisée par le producteur sur son exploitation. Les effluents phytosanitaires sont progressivement déshydratés par l'action naturelle du vent et de la chaleur. En fin de cycle, la bâche et le dépôt sec sont recueillis dans un récipient spécifique en vue d'une destruction ultérieure dans un centre agréé.

Un outil informatisé pour préparer puis accompagner le fonctionnement

Héliosec, c'est aussi un diagnostic informatisé dont les vocations sont multiples.

En plus d'outils pédagogiques et d'information, il aide à quantifier et à optimiser le volume d'effluents généré (Figure 1). Pour estimer la période à laquelle le dépôt sera sec, un outil de calcul permet de modéliser l'évolution des niveaux dans le bac en fonction des volumes introduits et des zones géographiques (Figure 2). Des techniciens de la distribution agricole formés peuvent réaliser les diagnostics.

Recommandations pour de bonnes pratiques

Une réflexion est menée avant l'implantation d'Héliosec sur une exploitation afin de le positionner en des lieux sécurisant à la fois les personnes et la ressource en eau. Ainsi il ne peut pas être implanté à moins de 30 m d'une habitation ou de 5 m d'un point d'eau (bac double enveloppe).

En résumé, le procédé est simple à installer et à surveiller, il ne s'use pas, son fonctionnement est économique et insensible à la nature des substances actives introduites.

Procédé adapté aux besoins des producteurs de banane

Le climat ensoleillé et venté de l'île de la Guadeloupe est propice à la déshydratation naturelle. Sous ces conditions climatiques, un Héliosec peut déshydrater entre 6 500 et 7 000 l/an (le double du « rendement » en métropole).

Le distributeur de produits phytopharmaceutiques Agriprotec commercialise ce dispositif sur l'île de la Guadeloupe. En première approche, il a rencontré individuellement chacun des 20 producteurs de bananes motivés pour une mise en place au second semestre 2010.

Cela a permis de quantifier le volume d'effluent généré et d'envisager des pistes pour le diminuer (optimisation des chaînes de traitement, conservation plus longue de bouillie...).

Y compris leur variabilité

Les volumes d'effluents générés par exploitation varient de 80 litres à 600 litres (cas extrême) par semaine.

Ces différences sont liées aux techniques d'application, au temps de conservation des bouillies et, bien entendu, aux volumes de bananes traités. Dans certaines situations, en modifiant les pratiques, il est possible de diminuer facilement par 2 le volume à traiter. Le nombre d'Héliosec nécessaire après optimisation des volumes est de 36 (Tableau 1). Le nombre, donc le coût en équipement, est ainsi optimisé. La modification des techniques de pulvérisation permet par ailleurs de diminuer la quantité de produits phytosanitaires utilisée.

Soutien de financeurs, satisfaction d'utilisateurs

La phase 1 du projet concernait l'acquisition de 36 Héliosec pour 20 exploitations agricoles. Ce projet a été soutenu financièrement par les exploitants eux-mêmes, le FEADER et l'Office de l'eau de la Guadeloupe.

Après 6 mois d'utilisation, les producteurs insistent surtout sur la simplicité du montage et relèvent l'absence de contraintes au quotidien dans l'utilisation du système.

Conclusion et perspectives

La mobilisation des savoir-faire et des volontés des différents acteurs de la filière, de l'Europe et de l'Office de l'eau a permis de mettre rapidement en place une stratégie de gestion des effluents efficace et durable.

La collecte d'un déchet sec et sa destruction élimine définitivement une source potentielle de contamination des eaux.

Le groupement de producteurs de bananes (Les Producteurs de Guadeloupe) envisage de mener le même type de démarche pour 20 autres producteurs au deuxième semestre 2011. L'objectif à terme n'est pas d'équiper les 209 exploitations en Héliosec car certaines ont des volumes trop élevés, mais de récupérer 100 % des bouillies post-récolte pour 2013, avec notamment la mise en place d'une station de conditionnement collective.

Le climat très favorable à la déshydratation sur l'île de la Guadeloupe peut favoriser l'extension de l'Héliosec pour la gestion d'effluents issus des traitements post récolte ou d'autres effluents phytosanitaires issus des filières agricoles tropicales.

<p>* Syngenta Agro SAS.</p> <p>** Agriprotec</p> <p>*** Groupement de producteurs de Guadeloupe.</p>

1 - La production antillaise de la banane

 ph. J.C. Desforges, Syngenta

ph. J.C. Desforges, Syngenta

Les Antilles françaises (Guadeloupe et Martinique) exportent chaque année 250 000 t de bananes vers la Communauté européenne ; 75 % sont destinées à la France métropolitaine.

L'île de la Guadeloupe produit 70 000 t sur 2 000 ha, principalement dans le croissant sud de la Basse Terre (97.1). La surface de production augmente depuis trois ans avec l'objectif d'atteindre une production de 80 000 t. Le nombre de producteurs de bananes s'élève à 209 (données 2009), ainsi répartis :

– exploitations de 1 à 10 ha : 163 producteurs ;

– exploitations de 10 à 100 ha : 45 producteurs ;

– plus de 100 ha : 1 producteur.

Les maladies du feuillage sont traitées au champ, mais celles de conservation (photo 1 en médaillon et 3 ci-contre) sont combattues en post-récolte.

2 - Le Plan banane durable

Les producteurs de Banane de Guadeloupe et de Martinique (BGM) sont depuis plus de 15 ans impliqués dans une démarche de progrès visant un meilleur respect de l'environnement. Avec l'aide du CIRAD, cette démarche a fait la démonstration de son efficacité en divisant par trois l'utilisation des produits phytosanitaires au cours des 10 dernières années. Grâce à ses efforts, la production de banane de Guadeloupe et Martinique est aujourd'hui parmi les productions de banane les plus respectueuses de l'environnement au niveau mondial.

En dépit de ces bons résultats, les producteurs ont la volonté de continuer et même d'accélérer cette démarche de progrès environnemental, l'enjeu environnemental étant primordial dans des zones insulaires et fortement anthropisées comme la Guadeloupe et la Martinique.

Pour cela, ils ont mis en place un plan d'action de 2008 à 2013 nommé « Plan Banane Durable » dont les grands objectifs sont :

1°) Homogénéisation des pratiques culturales sur la base d'un cahier des charges certifié qui reprend les pratiques les plus respectueuses de l'environnement – l'accent est également mis sur la sécurité alimentaire pour le consommateur.

2°) Réduction de 50 % de l'usage des pesticides chimiques entre 2008 et 2013 avec un maintien préférentiel des produits phytosanitaires les plus soucieux du milieu naturel – tous les moyens nécessaires sont mis en œuvre pour développer des méthodes alternatives aux traitements chimiques suivant les principes de la production intégrée.

3°) Une diminution des impacts environnementaux à tous les niveaux : eau, sol, rejet de CO2, biodiversité et gestion des déchets (l'Héliosec répond à ce dernier point).

La démarche de progrès très ambitieuse qui est proposée repose sur le développement d'itinéraires techniques basés sur les concepts de protection et de production intégrées. L'approche de production intégrée correspond, indépendamment du cas de l'agriculture biologique, à la démarche la plus avancée en termes de respect de l'environnement.

Figure 1 - Tableau récapitulatif après calcul du volume total d'effluent généré. Une fois ce calcul effectué, on sait combien d'Héliosec il faut implanter sur l'exploitation.

Figure 2 - Graphique de simulation de l'évolution du volume d'effluent généré (peut servir d'abaques de suivi).

Résumé

En 2009, le Groupement de producteurs de bananes de Guadeloupe a souhaité mettre en place un moyen de gestion des effluents de traitement post-récolte de la banane.

L'Héliosec, système de traitement des effluents fonctionnant sur le principe de la déshydratation naturelle, est particulièrement adapté pour ces besoins et a obtenu une extension d'usage au vu du dossier constitué par Syngenta. Le distributeur Agriprotec a réalisé un travail visant à évaluer le volume final à traiter et à déterminer le nombre d'Héliosec nécessaire.

Chez 20 premiers producteurs, 36 Héliosec, financés par les producteurs de bananes et des aides publiques, sont en cours d'installation. L'objectif pour la fin de l'année 2013 est de gérer l'ensemble des effluents de traitement post-récolte de la banane.

Mots-clés : bonnes pratiques phytosanitaires, filière bananes, Guadeloupe, gestion des effluents phytosanitaires, Héliosec.

Summary

In 2009 the organization of banana producers in La Guadeloupe, decided to implement a process for the management of effluents from banana post-harvest treatments. Héliosec®, based on the natural dehydration was identified as a good option to address their needs. Therefore it has been asked to Syngenta to submit an agreement dossier for this label extension. Agriprotec pesticide supplier has undertaken an effort to assess the final volume of effluent to manage and to identify the number of Héliosec ® required.

The 20 largest banana growers are now implementing 36 Héliosec ® with the support of public subsidies. The target for the end of 2013 is to manage the whole effluent treatment postharvest banana.

L'essentiel de l'offre

Phytoma - GFA 8, cité Paradis, 75493 Paris cedex 10 - Tél : 01 40 22 79 85