Si l'ambroisie à feuilles d'armoise n'était nuisible que là où elle pousse, chacun pourrait la combattre à sa guise voire la laisser vivre... On le fait bien en ville pour certaines adventices désormais valorisées comme des témoins de bio-diversité ! Mais voilà, avec l'ambroisie c'est impossible. Cela à cause de son pollen allergisant qui se répand en été loin au delà des surfaces envahies et pose un problème de santé publique. Il faut donc maîtriser l'ambroisie en coordonnant trois luttes : au printemps dans les cultures de printemps, en été dans les chaumes et, dès que nécessaire, sur les surfaces non cultivées en zones rurales et urbaines. Cela s'organise au plus haut niveau. Avec du nouveau, du côté des techniques comme des mobilisations.
Le pollen de l'ambroisie Ambrosia artemisiifolia pose un problème de santé publique dû à la pression grandissante des affections de type allergiques liées à l'émission de ce pollen dans les régions les plus concernées.
Un contexte à connaître
Du XIXe aux années 80
D'origine nord-américaine, apparue en France au XIXe siècle puis probablement par introductions successives jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale, cette plante envahissante a été ignorée jusque dans les années 70. Elle a donc pu se développer, d'abord en région Rhône-Alpes. Elle est devenue problématique sur cultures de printemps à partir des années 80.
Depuis une dizaine d'années, une prise de conscience de plus en plus affirmée de ce problème par la société civile a émergé, en lien avec les allergies qui se sont développées.
Programme d'étude 2005-2008
Le CETIOM, interpellé en raison de fréquents problèmes de contrôle de l'ambroisie dans les tournesols, a coordonné un programme d'étude de 2005 à 2008. Ce travail visait à comprendre la dynamique de l'émission du pollen en lien avec la gestion de cette espèce dans l'espace agricole mais aussi non agricole, car la seule problématique sur tournesol était insuffisante pour gérer efficacement cette plante au niveau du territoire. L'action a concerné une zone d'étude de 8 communes du nord de l'Isère.
Ses résultats ont permis d'identifier les facteurs clés à contrôler pour réduire efficacement la présence en été du pollen à l'origine des problèmes d'allergies dans les villes de la région.
Nouvelles mobilisations
En 2009, le ministère chargé de la Santé a inscrit cette problématique comme axe prioritaire dans le PNSE, Plan national santé environnement.
Le 21 juillet 2011, en lien avec les ministères chargés de l'Agriculture et de l'Environnement, il a confié à l'INRA la création d'un « Observatoire de l'ambroisie » dont la mission est de comprendre les mécanismes complexes de type écosystémique en jeu sur le territoire. Le but est de proposer les types d'actions compatibles avec les intérêts parfois divergents des multiples acteurs gestionnaires de l'espace et de les informer pour améliorer la coordination et l'efficacité de leurs actions sur le terrain.
D'autre part, sur le terrain parlementaire, à l'initiative de Jacques Remillier, député maire de Vienne, Jean-Marc Roubeaud, député maire de Villeneuve-lès-Avignon, et Alain Moyne-Bressand, député de l'Isère, un comité parlementaire de suivi du risque ambroisie a été créé le 13 avril 2011. Son but est de sensibiliser les élus à ce problème et favoriser une lutte coordonnée.
Les chaumes en été source dominante d'émission de pollen
Dans le milieu agricole, la lutte préventive se réalise par un programme de désherbage adapté efficace dans les cultures de printemps : maïs, tournesol, sorgho, pois ou soja.
En cultures d'hiver (céréales ou colza), cette plante dont la germination intervient principalement d'avril à fin mai (Figure 1) ne se comporte pas en « adventice d'automne ». En revanche, à partir de mai dans les blés, et en fin de cycle des cultures, lorsque la lumière parvient à percer le couvert jusqu'au sol, des graines d'ambroisie germent sous couvert. Les plantes ne concurrencent pas la culture mais elles se développeront rapidement après la récolte. Elles peuvent alors former des couverts très contaminants sur les chaumes.
C'est également le cas après la récolte du pois, qui est suffisamment précoce pour permettre le développement des ambroisies présentes.
Contrôler l'ambroisie en cultures de printemps
Jusqu'en 2010, binage et prélevée
Le panel de solutions techniques disponibles pour contrôler cette plante en cultures de printemps évolue.
La mise en œuvre du binage sur tournesol est très efficace pour gérer l'interligne mais pas les infestations sur la ligne. Ces dernières peuvent dans beaucoup de cas compromettre la culture et, de plus, être une source d'émission de pollen sans réelle solution de rattrapage.
Jusqu'à la mise à disposition récente, en 2010, de nouveaux herbicides de post-levée, les producteurs n'avaient que des solutions de prélevée : Cline ou Nikeyl(1) à pleine dose ou associés à une demi-dose de Racer(2). L'efficacité était très fluctuante. En moyenne d'environ 70 %, elle pouvait atteindre 90 % ou plus en très bonnes conditions, mais en conditions sèches après le semis elle pouvait s'avérer nettement insuffisante sur des parcelles fortement infestées (plus de 50 plantes par m²).
Aujourd'hui, la « post » possible
Les producteurs des secteurs les plus infestés ont maintenant à leur disposition des solutions très efficaces avec la mise à disposition du Pulsar 40 et de l'Express SX(3) sur les tournesols tolérants à ces herbicides(4). Ces désherbants sont principalement à action foliaire. C'est un avantage car, au contraire des herbicides de prélevée qu'on applique a priori, on peut n'utiliser ces herbicides de prélevée que si l'infestation redoutée est confirmée.
Par ailleurs l'efficacité de ces herbicides, qui peut être supérieure à 90 %, est beaucoup moins tributaire des conditions climatiques que celle des herbicides de prélevée. En outre, les quelques plantes qui ne sont pas totalement détruites voient leur développement très fortement perturbé. Ceci les rend non concurrentielles des cultures et anéantit leur capacité d'émission de pollen.
Pour les situations les plus infestées, une demi-dose de Cline ou Nikeyl en prélevée avant l'application de postlevée permet de parfaire le désherbage. Elle a aussi l'avantage de préserver la durabilité de la solution de postlevée en réduisant la pression de sélection exercée sur l'ambroisie.
Il faut jouer collectif
Ainsi, à ce jour, les solutions disponibles peuvent permettre une gestion maîtrisée de l'ambroisie sur la sole agricole des territoires concernés afin de limiter l'émission de pollen et parvenir à faire régresser le stock semencier des parcelles infestées. Mais ce résultat sera obtenu si l'on « joue collectif » en menant une lutte collective et coordonnée continue :
– préventive dans les cultures de printemps,
– curative par déchaumage mécanique (associé à un désherbage chimique éventuel en cas de présence de vivaces) sur les chaumes de céréales, colza et pois juste après récolte ou en tout début de floraison des ambroisies. Ceci pour éviter qu'elles ne produisent du pollen et des graines.
Les zones non cultivées : un quart des populations d'ambroisie
Mais l'ambroisie se trouve aussi en dehors des cultures. Ainsi, dans le département de la Drôme, les espaces non cultivés (bordures de cours d'eau, bords de routes et espaces non végétalisés des villes, jardins ou encore chantiers de travaux publics) abritent environ 25 % des populations d'ambroisie.
Il est impératif de nettoyer aussi ces espaces pour espérer un contrôle suffisant de l'émission de pollen durant l'été. La difficulté pour y parvenir réside plus dans la multiplicité des acteurs gestionnaires et leur souvent faible niveau de sensibilisation que dans l'absence de solutions techniques efficaces. Celles-ci existent, mais il faut les combiner dans le temps (Figure 2) et les appliquer sur tout l'espace concerné.
Une gestion concertée s'organise
L'exemple de la Drôme
Ainsi, sous l'impulsion des agences régionales de santé, d'associations et d'élus, ces dernières années, une dynamique collective se développe.
Par exemple sur le département de la Drôme, des référents ont été récemment nommés dans chaque commune. Ils ont été formés lors d'une session collective. Leur mission est de veiller sur la commune à informer et sensibiliser les acteurs concernés : agriculteurs, services techniques, particuliers, etc., gestionnaires d'espaces potentiellement porteurs d'ambroisies.
Site internet national
Enfin, il est important de noter qu'à l'initiative du réseau national de surveillance aérobiologique (RNSA) et du ministère de la Santé, un site internet www.ambroisie.info est ouvert à tous. Il est destiné à sensibiliser sur le risque lié à cette plante, sa biologie, les actions à conduire, et nous informer en temps réel du niveau d'émission de pollen dans l'atmosphère.
<p>* CETIOM. chollet@cetiom.fr</p> <p>(1) <i>Cline</i> et <i>Nikeyl</i> associent tous deux l'aclonifen à la flurtamone.</p> <p>(2) <i>Racer</i> est à base de flurochloridone.</p> <p>(3) <i>Pulsar 40</i> (imazamox) et <i>Express SX</i> (tribénuron-méthyle) sont autorisés sur des variétés de tournesols sélectionnées pour leur tolérance à ces herbicides. Respectivement technologies <i>« Clearfield »</i> et <i>« Express »</i>.</p>
(4) Les tournesols tolérants, précisions de la rédaction
Rappelons que les tournesols tolérants à l'imazamox ou au tribénuron-méthyl ne sont pas des OGM (même « cachés » !) à moins de considérer comme OGM, organismes génétiquement modifiés, toutes les plantes domestiques sélectionnées puisqu'elles sont, littéralement, génétiquement différentes de leurs ancêtres sauvages.
Le terme d'OGM s'emploie en fait pour désigner les plantes transgéniques c'est-à-dire issues de la transgénèse (= transfert direct de gènes extérieurs sans appel aux processus reproductifs). Or la mise au point de ces tournesols n'a pas mis en œuvre la transgénèse mais la mutagénèse. Cette technique utilisée depuis une cinquantaine d'années en sélection variétale est à l'origine de nombreuses variétés utilisées en agriculture conventionnelle et/ou biologique.