1 - Au Sénégal, filet de protection contre les oiseaux granivores sur maïs doux. Cette méthode fait partie de celles conseillées par la DPV pour assurer la qualité sanitaire de cette culture légumière. ph. J.-Y. Boitard, MAAPRAT-DGAL
2 - La surveillance des organismes de quarantaine par la DPV utilise des outils comme le piège à phéromone attractive ci-dessus. ph. J.-Y. Boitard, MAAPRAT-DGAL
3 - Emballage en bois (palette) conforme à la NIMP 15 (traitement thermique et marquage), norme que vérifient les inspecteurs de la DPV. ph. J.-Y. Boitard, MAAPRAT-DGAL
Quand on exporte des fruits et légumes frais dans l'Union européenne, cas du Sénégal, il faut assurer la qualité phytosanitaire de ces denrées et leur conformité commerciale. Pour mieux le faire « à la source » sans attendre les contrôles à l'arrivée, les autorités sénégalaises, notamment la DPV (Direction de la protection des végétaux) de son ministère de l'Agriculture, ont demandé en 2006 l'appui du ministère français chargé de l'agriculture et plus particulièrement de sa Direction générale de l'alimentation (DGAL), en charge de la protection et de la qualité des végétaux. Une coopération institutionnelle s'est donc engagée. Récit de la démarche et bilan de ses résultats.
Les mauvaises herbes, ravageurs et maladies peuvent compromettre ou anéantir une récolte. En Afrique, cela peut avoir des conséquences sur l'autosuffisance alimentaire, l'économie, les équilibres géopolitiques.
L'alimentation, enjeu global
Convention internationale (CIPV)
Partout dans le monde, le développement puis la vulgarisation de pratiques agronomiques (amélioration des variétés, rotation des cultures, fertilisation...) et de techniques de protection des végétaux (contrôle des flux de végétaux aux frontières, usage de produits phytopharmaceutiques ou de méthodes alternatives...) sécurisent les récoltes.
Face à ces enjeux alimentaires, la communauté internationale a adopté en 1951 la Convention internationale de la protection des végétaux (CIPV) qui pose les bases d'une prophylaxie végétale à l'échelle planétaire.
Fruits et légumes et OCM
S'agissant du commerce des fruits et légumes frais, les États légifèrent pour réguler leurs marchés intérieurs et fiabiliser les transactions. Les échanges de fruits et légumes frais se font au niveau international dans le cadre des accords de l'Organisation commune des marchés (OCM). Les fruits et légumes frais en tant que tels sont pour la plupart soumis à des exigences de conformités commerciales.
Réglementer la qualité sanitaire des récoltes mais aussi leur conformité
Deux types de législations s'appliquent aux fruits et légumes :
– d'une part la législation phytosanitaire qui sécurise la production ;
– d'autre part les réglementations de conformité (sur le calibre, la couleur, la fermeté, la catégorie, la marque, l'origine, etc.) qui garantissent la loyauté des transactions.
La démarche au Sénégal
Rôle de la DPV sénégalaise
Au Sénégal, le Ministère de l'Agriculture, et plus particulièrement la Direction de la protection des végétaux (DPV), est compétente sur le phytosanitaire et la conformité des fruits et légumes. Chaque jour, sur le terrain, les agents de la DPV vulgarisent la réglementation, inspectent les cultures et les récoltes et auditent les stations de conditionnement.
Demande faite en 2006
Dans le but d'optimiser son action et de fiabiliser ses contrôles, en 2006, la DPV a sollicité l'appui du Ministère français en charge de l'Agriculture (MAAPRAT) et plus particulièrement la Direction générale de l'alimentation (DGAL) qui a engagé une démarche de mise sous assurance qualité de ses services(1).
L'appui de la DGAL aux autorités phytosanitaires sénégalaises a porté sur le phytosanitaire et la conformité des fruits et légumes sénégalais exportés vers l'Union européenne.
La DGAL et le Service de coopération et d'action culturelle (SCAC) de l'Ambassade de France à Dakar ont confirmé le besoin d'organiser et de fiabiliser les contrôles dans les deux domaines de compétence, notamment en respect du règlement R/1580/2007/CE modifié relatif à la qualité et la conformité commerciale des fruits et légumes.
Objectifs fixés en 2007
Les objectifs spécifiques suivants ont été fixés au cours d'un atelier à M'Bodiene, en 2007 :
a) Définir des outils d'auto-évaluation des services en charge du contrôle phytosanitaire, de qualité et de conformité des fruits et légumes ;
b) Faire un diagnostic initial de la DPV dans la perspective d'un projet de démarche « assurance qualité » ;
c) Définir un plan d'action pour la mise en place d'une démarche qualité au niveau des services de la DPV (besoins en formation, besoins en équipement, réglementation...) ;
d) Accompagner la mise en place et le suivi du plan d'action en associant la profession ;
e) Capitaliser sur la démarche adoptée.
Les décisions suivantes sont prises : la Division Législation phytosanitaire et Quarantaine des plantes (DLQ) de la DPV est chargée du projet. Un responsable assurance qualité est proposé. L'appui de la France sera technique et financier.
Ce qui est réalisé
Outils mis au point
Les réalisations sont :
– la conception d'un outil de diagnostic d'avancement (outil d'auto-évaluation et de suivi du projet assurance qualité) ;
– la conception d'une base de données opérateurs qui, au vu des activités déclarées, permet de définir l'assiette des contrôles en rapport avec le niveau de risque ;
Missions croisées
– la réalisation d'une mission de la Directrice de la DPV au sein des ministères français en charge de l'agriculture, de l'économie et des finances sur les thématiques assurance qualité, contrôles à l'importation, certification à l'exportation, sécurité sanitaire des aliments, afin d'assurer la maîtrise du projet au plus haut niveau ;
– la réalisation de 7 missions d'experts sénégalais en France afin qu'ils s'approprient les procédures développées par les institutions françaises (protection des végétaux, consommation, concurrence et répression des fraudes) ainsi que par la profession (coopératives, conditionneurs, laboratoires d'analyses, groupements de producteurs...), et qu'ils puissent influer significativement sur leur système et modifier leurs pratiques ;
– la réalisation de 11 missions d'experts français sur l'appui au pilotage des chantiers (base de données, outil d'évaluation), la formation des acteurs (inspecteurs de la DPV et des opérateurs), l'élaboration des textes réglementaires et des procédures et l'audit.
Premiers audits
Dans l'audit initial (Figure 1 : la graphie en radars permet de visualiser les objectifs en vert et les réalisations en rouge par grands domaines), la distinction entre pratique et documentation fait ressortir la nécessité d'écrire, de tracer les actes et d'harmoniser les documents. Un audit intermédiaire a eu lieu en octobre 2009 (Figure 2), montrant les progrès en cours.
Bilan en 2011
L'audit du 4 au 8 avril
En 2011, l'audit a porté sur les 16 chapitres de la norme NF ISO CE 17020, ainsi que sur la Norme internationale sur les mesures phytosanitaires n° 15 (NIMP 15)(2).
La DPV et ses services ont été audités en condition réelle (DPV, Poste de contrôle du port de Dakar, entreprises sur la zone de production de Saint-Louis)(3). L'audit s'est clos par une séance de restitution au Ministère du Commerce du Sénégal.
L'avis des auditeurs
Les auditeurs ont constaté la signature de déclarations de politique qualité par le Ministre de l'agriculture et par la Directrice de la protection des végétaux, l'accompagnement du projet par des réformes administratives, la bonne tenue des organigrammes, des fiches de fonction et de poste, la présence de procédures et d'instructions documentées, la mise en œuvre de l'informatisation, la réalisation des formations pour les inspecteurs et les opérateurs.
Cependant, des efforts doivent toujours porter sur la veille réglementaire et l'appropriation des normes phytosanitaires y compris chez les opérateurs ; des guides de bonnes pratiques phytosanitaires pourraient être utiles.
Les auditeurs soulignent la forte compétence sur la conformité commerciale tant chez les inspecteurs que chez les opérateurs. Globalement, la motivation des personnels de la DPV et des opérateurs ainsi que la bonne prise en main du projet par le responsable assurance qualité permettent d'approcher les objectifs.
Les moyens très contraints au niveau des services de la DPV risquent de limiter l'essaimage des nouvelles pratiques et hypothèquent la marge de progrès, des agents éprouvent des difficultés pour le suivi et le contrôle des opérateurs in situ.
Remarques générales, perspectives
Le renforcement des effectifs de la Direction de la protection des végétaux permettrait un déploiement en adéquation avec les besoins des différentes zones horticoles sénégalaises ainsi qu'une démultiplication de la formation des agents qui reste actuellement fortement centralisée.
Les opérateurs exportateurs de fruits et légumes frais vers l'Union européenne connaissent bien les référentiels de certification commerciale (Gobalgap, Tesco, etc.) mais ne se sont pas suffisamment appropriés les exigences phytosanitaires (SPS).
Le recours aux produits phytopharmaceutiques est fréquent notamment chez les petits producteurs. Une étude des pratiques de ce groupe a été effectuée en 2009, ainsi qu'une enquête sur la distribution et la vente de pesticides en 2010. Le stockage des produits phytopharmaceutiques et leur usage suscitent des interrogations.
L'absence de laboratoires officiels et accrédités d'analyses phytopharmaceutiques en matière de formulation et de résidus au Sénégal est regrettée par les opérateurs et prive l'administration sénégalaise d'un outil régalien. La thématique des limites maximales en résidus (LMR) dans les fruits et légumes destinés à l'exportation vers l'Union européenne est de ce fait occultée et assujettie aux contrôles réalisées par les pays importateurs.
Le management des contrôles sous démarche assurance qualité engagé par le Sénégal pourrait à terme être transposé dans l'ensemble des pays du CILSS (Comité inter-états de lutte contre la sécheresse dans le Sahel : Burkina, Cap-Vert, Gambie, Guinée-Bissau, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad).
<p>* Ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et de l'Aménagement du territoire (MAAPRAT). Direction générale de l'Alimentation (DGAL).</p> <p>(1) La DGAL et ses services de contrôle sanitaire (animal et végétal) en tant qu'organisme d'inspection est accréditée depuis le 1er mars 2010 par le Comité frança is d'accréditation (COFRAC).</p> <p>(2) Le matériau d'emballage fait à partir de bois non transformé constitue une filière pour l'introduction et la dissémination d'organismes nuisibles. Compte tenu qu'il est souvent difficile de déterminer l'origine des matériaux d'emballage en bois, une norme internationale relative à la réglementation des matériaux d'emballage à base de bois brut a été adoptée, la NIMP 15. Cette norme a pour objectif de réduire de façon significative, la dissémination d'organismes nuisibles en imposant un traitement approprié (fumigation ou chauffage à plus de 56 °C pendant 30 mn) et le marquage de ces emballages (photo).</p> <p>(3) La DGAL remercie les opérateurs qui ont accepté de participer à cette mission et qui l'ont accueillie avec diligence.</p>
Partenaires techniques et financiers et complémentarité avec d'autres projets
– Ministère du commerce du Sénégal.
– Programme de développement des marchés agricoles du Sénégal (PDMAS) qui a financé le matériel du réseau informatique de la DPV et l'achat de matériels de contrôle.
– GIE Gaïnde 2010, dont l'objectif est de fluidifier les procédures relatives aux transactions commerciales internationales.
– Programme de surveillance et de lutte contre la mouche des fruits (Bactrocera invadens).