dossier - Ravageurs

Lutte biologique classique et insectes phytophages

Nicolas Borowiec*, Alexandre Fleisch*, Philippe Kreiter*, Élisabeth Tabone*, Thibaut Malausa**, Xavier Fauvergue**, Serge Quilici***, Nicolas Ris* et Jean-Claude Malausa* - Phytoma - n°647 - octobre 2011 - page 16

Où en est la recherche ? Quels en sont les enjeux et dans quel contexte ? Quelle évolution future ?
 ph. A. et J.C. Malausa

ph. A. et J.C. Malausa

Comme la musique, la lutte biologique peut être classique... ou non. Car il y a quatre formes différentes de lutte biologique ! Il s'agit toujours d'utiliser des organismes vivants dit « auxiliaires » pour limiter les nuisances occasionnées par des organismes nuisibles dits « bio-agresseurs ». La lutte biologique classique contre les insectes ravageurs consiste à introduire, dans le milieu colonisé par les ravageurs à combattre, des espèces d'auxiliaires pouvant s'acclimater puis réguler les populations des ravageurs sans autre intervention. Présentation de cette lutte par acclimatation, son histoire plus que centenaire mais aussi ses nouveaux enjeux.

La dispersion des espèces au-delà de leur aire d'origine et la colonisation de nouveaux milieux sont des phénomènes naturels à la base de l'importante biodiversité observée sur la planète. L'Homme y a de tout temps contribué en transportant des espèces domestiques utiles à sa survie. Mais, ces dernières décennies, les introductions involontaires d'espèces exotiques(1) se sont multipliées, surtout à cause de l'essor du commerce international et des transports.

Espèces, quelques invasives parmi les voyageuses

Listes établies : les 110 ravageurs

Parmi toutes les espèces introduites, il est généralement admis qu'environ une seule espèce sur 1 000 deviendra réellement envahissante (Williamson & Fitter, 1996).

Malgré ce « goulot d'étranglement », les espèces exotiques envahissantes causent d'importants dégâts socio-économiques en affectant l'agriculture, l'environnement ou encore la santé humaine et/ou animale.

Une synthèse récente effectuée dans le cadre du programme de recherche DAISIE(2) fait état de 1 590 espèces d'arthropodes terrestres (dont 1 390 insectes) d'origine exotique acclimatées en Europe (Kenis & Branco, 2010). Pour la France, cette base de données recense 523 espèces d'insectes exotiques, parmi lesquelles au moins 110 (dont Diabrotica virgifera) sont des ravageurs d'importance agronomique (Martinez & Malausa, 1999 ; Streito & Martinez, 2005).

Et les dernières arrivées

À cette liste s'ajoutent des introductions récentes comme le cynips du châtaignier Dryocosmus kuriphilus (2005), le charançon rouge du palmier Rhynchophorus ferrugineus (2006), l'aleurode du cocotier Aleurotrachelus atratus (2007), la mineuse de la tomate Tuta absoluta (2008) et la drosophile Drosophila suzukii (2010).

Comme indiqué sur la figure 1, le nombre d'introductions recensées par décennie est globalement en constante augmentation, 41 espèces de ravageurs exotiques ayant été introduites entre 2000 et 2010. Il est vraisemblable que cette tendance se poursuive dans le futur.

Or l'expérience montre qu'il est difficile voire impossible d'intercepter ces organismes ou les éradiquer, une fois qu'ils sont installés (Simberloff, 2009).

Une solution alternative est la régulation de ces espèces exotiques par la lutte biologique classique.

Lutte biologique classique, généralités

Depuis 1888

Celle-ci, dite aussi lutte biologique par acclimatation, est l'une des quatre stratégies majeures de lutte biologique(3). Elle est définie comme l'introduction intentionnelle d'un auxiliaire d'origine exotique, adapté au ravageur ciblé, dans le but d'un établissement permanent de l'auxiliaire et d'un contrôle pérenne du ravageur (d'après Eilenberg et al., 2001).

La pratique n'est pas récente. Elle remonte au moins à 1888. À cette date, la coccinelle Rodolia cardinalis a été importée d'Australie et introduite en Californie pour lutter contre la cochenille Icerya purchasi, elle-même originaire d'Australie. Depuis lors, on a recensé au niveau mondial près de 6 800 introductions d'auxiliaires de lutte biologique pour lutter contre des insectes phytophages (Cock et al., 2010).

En France métropolitaine, une étude récente (Malausa et al., 2008) fait état de 42 espèces d'insectes entomophages(4) acclimatées avec succès (Figure 1). 37 ont été introduites au cours d'opérations de lutte biologique classique, les 5 autres étant probablement arrivées suite à leur dispersion naturelle depuis un pays frontalier (Italie notamment) ou leur introduction non intentionnelle (transport passif).

79 % de ces entomophages sont des hyménoptères parasitoïdes(5), 83 % des ravageurs visés étant des hémiptères (surtout cochenilles). À titre d'information, le tableau 1 p. 18 cite les introductions réalisées en France métropolitaine et dans les DOM ces 15 dernières années.

Des avantages multiples

Les avantages de la lutte biologique classique sont multiples.

Comme toute lutte biologique elle constitue, si elle est couronnée de succès, une alternative plus respectueuse de l'environnement et de la santé humaine que la lutte chimique.

Par ailleurs, et même si cet aspect reste souvent peu ou mal chiffré, elle s'avère économiquement très bénéfique :

– d'abord, comme toute lutte biologique, c'est une méthode de gestion durable des ravageurs, aucun phénomène de « résistance » de ravageur à un insecte auxiliaire n'ayant été documenté à ce jour ;

– ensuite, cette forme particulière de lutte biologique ne nécessite plus (ou peu) d'interventions ni de coûts particuliers une fois les phases initiales de recherche et développement (par la suite désignée par R&D) et d'introduction de l'auxiliaire terminées.

Il s'agit enfin d'une méthode qui peut être déployée sur de vastes territoires, même peu accessibles, dans la mesure où la dispersion de l'auxiliaire se fait naturellement.

En milieu insulaire, cas de plusieurs départements d'Outre-Mer français (Guadeloupe, Martinique, Réunion), la lutte biologique classique s'avère un outil potentiellement d'autant plus efficace que l'entomofaune indigène présente en général une diversité moindre qu'en milieu continental.

Recherche et développement pour ce type de lutte

Irremplaçable recherche publique

Contrairement à d'autres stratégies de lutte biologique, la lutte « classique » ne génère aucun profit commercial pour les acteurs assurant les opérations. Celles-ci sont donc principalement mises en œuvre par des organismes de recherche publics (v. encadré 1) en collaboration étroite avec des partenaires agronomiques et/ou locaux. La démarche repose sur plusieurs étapes séquentielles impliquant :

– l'inventaire des ennemis naturels du ravageur dans son aire d'origine,

– la caractérisation morphologique et/ou moléculaire des auxiliaires potentiels,

– l'étude des possibilités d'élevage,

– la caractérisation biologique des auxiliaires (en termes d'efficacité et de spécificité notamment) et la sélection d'un ou plusieurs auxiliaires,

– l'optimisation des méthodes d'élevages du(des) auxiliaire(s) retenu(s),

– leur introduction (ou lâcher) sur le terrain,

– le suivi post-lâchers.

Trouver l'auxiliaire

Évidemment, la réalisation de l'ensemble de ces tâches implique un investissement pluriannuel d'autant plus long que les connaissances sur la biologie et l'écologie du ravageur exotique sont initialement faibles.

C'est ainsi que, dans un passé récent, les tentatives de lutte biologique classique contre la cicadelle jaune Scaphoideus titanus, vecteur de la flavescence dorée sur vigne, ont nécessité la mise en place d'échantillonnages importants dans la zone d'origine du ravageur, l'Amérique du Nord (Malausa et al., 2003).

Ces opérations de prospection sont coûteuses en moyens humains et de logistique ; leur réussite est également loin d'être acquise.

Dans certains cas, la mise en place d'une lutte biologique classique peut tirer profit de l'expérience acquise dans d'autres pays. Par exemple l'opération récente de lutte biologique classique contre la mouche de l'olive (Groussier-Bout et al., 2009 ; Malausa et al., 2010) et celles qui débutent actuellement contre le cynips du châtaignier, Dryocosmus kuriphilus, ou contre la cochenille farineuse Pseudococcus comstocki (Encadré 1), ont pu tirer parti de recherches antérieures menées dans d'autres pays. Sans présager de la réussite finale de ces opérations, ces exemples illustrent l'intérêt majeur de collaborations internationales dans ce domaine.

Il faut que l'auxiliaire s'acclimate

De plus, l'identification d'un auxiliaire potentiellement efficace ne suffit pas forcément à réguler une population de ravageurs exotiques. D'après plusieurs études rétrospectives, le taux d'acclimatations « réussies » est compris entre 10 % et 30 % (Hopper & Roush 1993 ; Bellows 2001). Ceci signifie qu'une proportion importante des auxiliaires exotiques introduits, soit ne s'établissent pas durablement, soit s'établissent mais ne régulent pas suffisamment les populations de ravageur.

Il existe donc encore à l'heure actuelle une marge importante d'optimisation des méthodes de lutte biologique classique. Cet objectif nécessite de continuellement intégrer de nouveaux concepts ou outils issus de la recherche académique (Ris et al., 2010).

De nouveaux enjeux

Deux phénomènes majeurs et récents sont susceptibles d'influencer fortement les pratiques futures en lutte biologique classique : d'une part la crainte de possibles effets non intentionnels induits par l'auxiliaire introduit dans les pays « receveurs » et, d'autre part, la demande légitime de valorisation des ressources naturelles de la part des pays « donneurs » d'auxiliaires de lutte biologique.

Les effets non intentionnels de la lutte biologique

L'introduction intentionnelle d'une espèce exotique, comme c'est le cas en lutte biologique classique, n'est pas un acte « écologiquement neutre ». La question de l'impact d'un auxiliaire d'origine exotique introduit dans un nouvel environnement est donc légitime.

Il convient de mettre en balance ce risque, d'une part avec les démonstrations avérées d'effets non intentionnels en lutte biologique classique, et d'autre part avec les conséquences négatives causées par la pullulation du ravageur visé ou par les méthodes conventionnelles de lutte (chimique notamment) contre celui-ci.

Concernant les effets non intentionnels, une étude rétrospective indique que seul 1,5 % des insectes auxiliaires exotiques introduits pour lutter contre des insectes ravageurs sont suspectés d'avoir induit des effets non intentionnels notables sur des espèces non-cibles (van Lenteren et al., 2006).

Les auxiliaires de lutte biologique : une richesse pour les pays donneurs ?

La clé du succès d'une méthode de lutte biologique classique repose sur l'utilisation d'un auxiliaire originaire d'un autre pays. Dans quelle mesure ce pays « donneur » peut-il autoriser ou refuser l'utilisation de ses ressources biologiques et tirer un profit économique des auxiliaires présents sur son territoire ? C'est tout l'enjeu des discussions autour de l'APA (« Accès et Partage des Avantages »).

Cette question découle directement de la « Convention de Rio », convention internationale sur la diversité biologique de 1992. Elle s'est récemment inscrite dans le cadre plus général de l'accès aux ressources génétiques et leur partage juste et équitable lors de la 10e Conférence des parties le 29 octobre 2010 à Nagoya au Japon(6). De façon générale, la France participe activement aux négociations internationales du fait de son double statut de fournisseur et d'utilisateur de ressources génétiques, notamment dans les secteurs de l'industrie et de la recherche. Mais, malgré les intérêts économiques en jeu, la France n'a pas encore de législation nationale d'APA ; des initiatives sont en cours pour faire avancer les débats.

Pour l'heure, les prises de position nationales autour de l'APA ont déjà des répercussions sur les échanges de matériel biologique avec certains pays, par exemple le Brésil et l'Australie qui ont adopté des procédures « protectionnistes ». Concrètement, ces contraintes risquent de limiter grandement les possibilités de disposer d'auxiliaires pour combattre certains ravageurs majeurs, eux-mêmes d'origine exotique. À défaut de pouvoir faire avancer globalement ce dossier sur les ressources génétiques, il conviendrait a minima de distinguer les situations pour lesquelles des ressources génétiques génèrent effectivement des profits économiques importants de celles qui n'en génèrent pas, comme c'est le cas en lutte biologique classique.

Vers une nouvelle réglementation sur l'introduction d'auxiliaires exotiques

La prise de conscience récente de la valeur de la biodiversité associée à celle de possibles effets non intentionnels a progressivement abouti, dans certains pays « receveurs », à la mise en place de réglementations plus rigoureuses.

Des tentatives d'harmonisation ont également été menées au niveau international (FAO, OCDE, OEPP, OILB)(7).

C'est dans ce contexte qu'en France, l'introduction d'espèces exotiques dans le milieu naturel est désormais encadrée par l'article 241 de la nouvelle loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 tandis que l'article 105 de cette même loi réglemente l'entrée sur le territoire et l'introduction dans l'environnement de macro-organismes exotiques utiles aux végétaux. Les modalités d'application de cette nouvelle loi sont encore en discussion et ne prendront effet qu'après la parution des décrets d'application.

Si la mise en place d'une réglementation en France concernant les macro-organismes exotiques apparaît inévitable afin de réduire, à défaut d'éviter, tout risque d'impact négatif sur l'environnement, les auteurs de cet article souhaitent alerter les lecteurs sur d'éventuelles conséquences néfastes au développement de la lutte biologique, stratégie alternative.

Comme le montre en effet la figure 1, la dynamique des introductions d'auxiliaires entomophages est en net déclin depuis près de 40 ans alors que celle des ravageurs phytophages exotiques est en forte augmentation. Face à ce constat, il revient aux pouvoirs publics de soutenir cette activité et de lui donner les moyens de prendre en charge de nouvelles contraintes (coût de l'évaluation des effets non intentionnels au laboratoire et au champ notamment).

Recherche publique à soutenir

Dans un contexte où l'arrivée d'organismes exotiques potentiellement invasifs ne cesse de s'intensifier, la lutte biologique classique représente une solution pour, à défaut d'éradiquer, réguler les populations d'organismes nuisibles et les maintenir sous un seuil tolérable. Force est toutefois de constater que l'activité de R & D en lutte biologique classique a décliné en France à partir des années 1980-1990 et qu'elle n'est actuellement assurée que par un petit nombre de structures ou de personnes. Dans un contexte où la R & D en lutte biologique classique doit non seulement répondre à la résolution de problèmes agronomiques au cas par cas mais également faire évoluer ses propres pratiques dans un souci d'amélioration ou d'adaptation à des évolutions réglementaires, il conviendrait donc de mieux soutenir et structurer cette activité avec l'ensemble des acteurs impliqués (surveillance du territoire, recherche, organismes de réglementation et de financement).

<p><b>Photo en médaillon : <i>Rodolia cardinalis</i>, auxiliaire de lutte biologique classique, se régalant d'<i>Icerya puchasi</i>.</b></p> <p>* Unité expérimentale de Lutte biologique, INRA Provence-Alpes-Côte-d'Azur, 400, route des Chappes, BP 167, 06903 Sophia-Antipolis Cedex. (nicolas.borowiec@sophia.inra.fr)</p> <p>** Équipe Biologie des populations introduites, UMR Interactions biotiques et Santé végétale, INRA Provence-Alpes-Côte-d'Azur, 400, route des Chappes, BP 167, 06903 Sophia-Antipolis Cedex.</p> <p>*** Équipe Dynamiques écologiques et Interactions au sein des agrosystèmes, UMR Peuplements végétaux et Bioagresseurs en milieu tropical, CIRAD, 7, chemin de l'IRAT, 97410 Saint-Pierre, La Réunion, France.</p> <p>(1) Une espèce exotique pour une zone géographique est une espèce originaire d'une zone géographique distante.</p> <p>(2) http://www.europe-aliens.org</p> <p>(3) Les trois autres sont :</p> <p>– la lutte biologique par inondation (ou « inondative ») ; lâchers répétés d'auxiliaires qui ne s'acclimateront pas mais, avant de disparaître, auront protégé les plantes cultivées du ravageur visé ;</p> <p>– la lutte biologique par inoculation ; lâchers d'auxiliaires qui se reproduiront et dont la descendance régulera les populations de ravageurs visés, mais qui ne s'acclimateront pas en permanence ;</p> <p>Ces deux formes de lutte sont très utilisées sous serre.</p> <p>– la lutte biologique par conservation ; on manipule le milieu pour favoriser (« conserver ») les auxiliaires qui régulent naturellement les ravageurs visés ;</p> <p>Exemple de cette lutte : planter des haies composées d'essences favorisant les prédateurs de ravageurs du verger.</p> <p>(4) On regroupe sous l'appellation d'insectes entomophages (= <i>« qui mangent des insectes »</i>) les prédateurs mangeant directement les insectes qu'ils chassent et les parasitoïdes consommant des insectes en les parasitant.</p> <p>(5) Parasitoïdes : organismes dont le développement larvaire est parasite et s'effectue au détriment d'un hôte qui est généralement tué.</p> <p>(6) http://www.cbd.int/convention/</p> <p>(7) cf le projet européen REBECA : http://www.rebeca-net.de/? p=999</p>

Figure 1 - Évolution temporelle (de 1950 à 2011) des introductions d'insectes exotiques en France métropolitaine : ravageurs phytophages d'importance agronomique versus auxiliaires entomophages utilisés dans le cadre de la lutte biologique classique.

1 - Focus sur deux programmes de lutte biologique classique

Femelle de cynips du châtaignier, Dryocosmus kuriphilus, posée sur une feuille. On distingue en bas à gauche de la photo un boursouflement qui correspond à la galle formée lors du développement de la larve du cynips. ph. : J.C. Malausa

Femelle de cynips du châtaignier, Dryocosmus kuriphilus, posée sur une feuille. On distingue en bas à gauche de la photo un boursouflement qui correspond à la galle formée lors du développement de la larve du cynips. ph. : J.C. Malausa

Femelle adulte de Pseudococcus comstocki. ph. : J.C. Malausa

Femelle adulte de Pseudococcus comstocki. ph. : J.C. Malausa

La presse agricole et celle destinée au grand public relaient régulièrement l'arrivée d'espèces exotiques menaçant les productions végétales. Si tous ces ravageurs exotiques ne peuvent pas faire l'objet d'opérations de lutte biologique classique utilisant des insectes entomophages, deux d'entre eux font actuellement l'objet de nouvelles opérations :

• Le Cynips du châtaignier, Dryocosmus kuriphilus (ci-dessus). Cet hyménoptère galligène, considéré comme le principal ravageur du châtaigner dans le monde, est originaire d'Asie et a atteint l'Europe (Italie) en 2002. Observé pour la première fois en France en 2005, il a atteint certaines des plus importantes zones françaises de castanéiculture en 2010 (Ardèche, Drôme et Corse notamment). En 2011, on l'a trouvé aussi dans le Sud-Ouest (Dordogne, Gironde, Lot), en Vendée et jusqu'au nord de la Loire (limite Sarthe/Indre-et-Loire).

Dans le cadre d'écophyto2018, un programme de lutte biologique a démarré en janvier 2011. Piloté par l'Unité expérimentale de lutte ph. : J.C. Malausa ph. : J.C. Malausa biologique (Inra) en collaboration avec l'Université de Turin et les partenaires techniques des régions concernées, son objectif principal est l'introduction d'un parasitoïde, Torymus sinensis, depuis l'Italie où il est étudié depuis près d'une dizaine d'années (Quacchia et al., 2008). Ce projet devrait aussi permettre de documenter certains mécanismes démographiques mis en jeu lors des phases précoces d'une invasion biologique.

• La cochenille farineuse Pseudococcus comstocki (photo). Cette cochenille, originaire de l'est de l'Asie, a envahi par le passé différentes régions (Asie centrale, Amérique du Nord, Moyen-Orient). En France, sa présence est signalée en Languedoc-Roussillon depuis 2005 (Kreiter et Germain, 2005) et l'espèce pullule désormais localement dans certains vergers de pommier du sud. Des prospections réalisées au Japon durant l'été 2010 ont permis de collecter des cochenilles parasitées et de conserver ce matériel biologique en quarantaine. Les parasitoïdes obtenus sont actuellement en cours de caractérisation par l'Unité expérimentale de lutte biologique (Inra) et certains d'entre eux devraient faire l'objet d'introductions en France dans les années à venir.

Bibliographie

La bibliographie de cet article (27 références) est disponible auprès de ses auteurs.

Remerciements

Les auteurs remercient l'organisme FranceAgrimer (ex. Onivins + Vinifhlor + ONIGC, etc.) pour le soutien durable accordé à plusieurs opérations de lutte biologique classique (programmes « Scaphoideus titanus », « Mouche de l'olive » et « Pseudococcus comstocki »).

Les auteurs remercient également le programme écophyto 2018, les partenaires techniques et les collectivités territoriales concernées pour le soutien apporté au programme « Cynips du châtaignier ».

Les opérations « Mouche de l'olive » et « Pseudococcus comstocki » ont reçu également un soutien financier important de l'Agence nationale pour la recherche (ANR) dans le cadre des programmes BioInv4I (responsable : Thomas Guillemaud, INRA) et Bicoramics (responsable : Thibaut Malausa, INRA). La prospective sur la lutte biologique classique à l'aide d'insectes entomophages en Europe a été réalisée dans le cadre du réseau européen ENDURE (coordonnateur : Pierre Ricci, INRA).

La spécification de recommandations pour la mise en place de pratiques de lutte contre les ravageurs exotiques (incluant le développement de méthodes de lutte biologique classique) est l'un des objectifs du réseau thématique de recherche avancée BIOFIS (responsables : Arnaud Estoup et Jean-Yves Rasplus, INRA).

Grand merci à Jean Étienne (Guadeloupe) pour les précieux renseignements qu'il nous a apportés sur la lutte biologique dans les DOM.

Résumé

L'accroissement des échanges internationaux de marchandises (végétaux, denrées et autre matériel végétal) contribue actuellement à une augmentation sans précédent des introductions accidentelles d'insectes phytophages exotiques en France. L'établissement et la multiplication de certains de ces ravageurs exotiques créent de nouvelles menaces pour les productions végétales (agriculture, sylviculture, etc.). La lutte biologique classique (ou lutte biologique par acclimatation) qui consiste à introduire de façon pérenne un ennemi naturel (ou auxiliaire) exotique en général issu de l'aire d'origine du ravageur, est une méthode qui a démontré son efficacité depuis plusieurs décennies.

Après avoir dressé un état des lieux des introductions récentes ou en cours d'auxiliaires exotiques contre des insectes phytophages en France (métropole et DOM), nous mettons en évidence comment des questionnements récents liés à des considérations écologiques ou économiques vont probablement faire évoluer prochainement les procédures d'évaluation d'auxiliaires exotiques.

Ces évolutions devront toutefois être réalisées de façon judicieuse afin de ne pas nuire au développement de nouvelles solutions de lutte biologique classique.

Mots-clés : ravageurs, lutte biologique classique, lutte biologique par acclimatation, auxiliaires, introduction, biodiversité.

Summary

The increase of international trade (crops, foods and vegetal material) currently contributes to a tremendous acceleration of the unintended introductions of exotic phytophagous insects in France. Their establishment and spread regularly create new threats for vegetal productions. Classical biological control – i.e. “the intentional introduction of an exotic, usually co-evolved, biological control agent for permanent establishment and long-term pest control” – has proved its efficiency to regulate some of these phytophagous pests.

After portraying the recent introductions of exotic biological control agents for the control of phytophagous insects in metropolitan France and French Overseas Departments, we demonstrate how new expectations will soon have to be implemented wisely in the research and development procedures of classical biological control. We underline that these changes must be performed with care in order to avoid detrimental effects on the development of new biological control solutions.

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