dossier - Végétaux d'ornement

Produits phytos, année de trios

Marianne Decoin* - Phytoma - n°651 - février 2012 - page 25

Les nouveautés pour les cultures ornementales ? Trois anti-coléoptères, trois fongicides, trois herbicides... et, parmi eux, trois jouent le naturel
 Hylobe (ph. Arole)

Hylobe (ph. Arole)

Deux charançons différents sont visés par deux des nouveautés lancées en 2011. Ci-contre, adulte d'otiorhynque (Otiorhynchus sp.). Dans le médaillon en haut de page, un adulte d'hylobe (Hylobius abietis). ph. Novozymes Biological FR

Deux charançons différents sont visés par deux des nouveautés lancées en 2011. Ci-contre, adulte d'otiorhynque (Otiorhynchus sp.). Dans le médaillon en haut de page, un adulte d'hylobe (Hylobius abietis). ph. Novozymes Biological FR

Ils se nomment otiorhynques, hylobes ou, plus globalement, « coléoptères ravageurs ». Ces ravageurs des végétaux d'ornement sont la cible de trois des quatre nouveautés insecticides de l'année dont deux d'origine naturelle. Côté maladies, on voit arriver trois produits : un duo de nouveautés contre le mildiou et une extension contre le botrytis. En matière de désherbage, deux substances conventionnelles viennent des grandes cultures et le végétal pélargonium inspire la troisième. Que de trios ! Telles sont les tendances en matière de nouvelles autorisations de produits phytos arrivées depuis un an sur cultures ornementales.

Commençons par parler d'insecticides, car ce secteur a l'insigne honneur d'accueillir une substance en « première nationale » : elle est autorisée pour la première fois en cultures ornementales, en même temps que sur fraisiers et petits fruits rouges.

Insectes, au niveau des racines

Contre les souterrains otiorhynques

Il s'agit de la souche F 52 du champignon entomopathogène Metarhizhium anisopliae. Il est proposé dans MET 52 Granulé, issu du travail de Novozymes et distribué par Everris France. Le nom de cette société est nouveau mais pas l'entreprise : c'est en fait Scotts Professional qui a changé de dénomination en mai 2011 après avoir changé de maison-mère (1).

Cet insecticide est autorisé en traitement du sol pour les arbres et arbustes d'ornement ainsi que sur cultures florales diverses, en abrégé AAO et CFD. Il est original de par sa cible et sa nature.

Sa cible d'abord : les otiorhynques. Ce genre de charançons (Otiorhynchus spp.) est nuisible surtout à cause de ses larves. Elles vivent dans le sol et s'attaquent aux racines et au collet des végétaux, en particulier en pépinières (plantes en pot et jeunes sujets en pleine terre). Les adultes « se contentent » de grignoter les feuilles à la faveur de la nuit.

Or, seules deux substances insecticides étaient autorisées jusqu'ici contre ces ravageurs sur CFD et AAO : le thiaclopride et le thiaméthoxam. C'est peu. Certes, on peut aussi utiliser des nématodes (vendus sans obligation d'AMM (2) car ce sont des macro-organismes) mais seulement en applications curatives. Or, quand on décèle la présence d'otiorhynques, ils ont déjà fait des dégâts. C'est difficile à tolérer en pépinières. Metarhizium anisopliae vient utilement « faire le troisième » de la panoplie.

Lutte microbiologique préventive

Car, autre originalité, c'est la seule solution qui soit à la fois utilisable en préventif et d'origine biologique : c'est une souche naturelle (sélectionnée pour son efficacité mais pas génétiquement modifiée) d'un champignon de nos sols, identifiée pour la première fois en Autriche en 1971. Il a fallu du temps pour passer de la découverte à l'utilisation pratique. Aujourd'hui, la souche est formulée sous forme de spores sur grains de riz.

Cette formulation est exemptée de classements toxicologique et écotoxicologique (pas de restriction vis-à-vis des organismes non cibles), c'est un atout. Par ailleurs elle est stable : le produit peut être stocké un an à température ambiante (de 4 à 20 °C). C'est un temps long et une fourchette de température large pour un produit biologique vivant.

Et l'efficacité ? Elle est annoncée du niveau de celle des insecticides chimiques. Avec une persistance d'action d'un an. Rien à voir avec la stabilité d'un produit inerte et son risque de résidus éventuels : en fait, les spores restent inactives dans le sol, « en réserve » tant que des larves d'otiorhynques ne s'approchent pas. La présence du ravageur les « réveille ».

Le produit est donc particulièrement bien adapté à une utilisation préventive : incorporation dans les terreaux, substrats et autres supports de culture avant la mise en pot. On comprend que le jury du concours de l'innovation du Sival 2012 lui ait décerné un Sival d'Or !

Au niveau des écorces

Contre l'hylobe mangeur d'écorce

L'autre nouvel insecticide est l'imidaclopride. Il est connu sur les cultures ornementales car déjà autorisé sur rosier dans Confidor, Confidor vert, Polyaxe et Nuprid 200. Mais son lancement dans Merit Forest sur conifères de forêt, à destination des pépiniéristes et des reboiseurs, est une nouveauté. De marque Bayer, il est distribué en exclusivité par Arole PFB.

Lui aussi vise un charançon, mais différent : l'hylobe Hylobius abietis dit grand charançon des pins bien qu'il attaque aussi d'autres résineux (douglas, cèdre, épicea, mélèze, etc.)

Ce sont les adultes et non les larves qui sont les plus nuisibles. Vivant dans les souches de résineux abattus par l'homme, la tempête ou l'âge, ils écorcent pour se nourrir les jeunes résineux voisins, allant jusqu'à les faire mourir.

On considère l'hylobe comme le principal ravageur des résineux après leur plantation. Il y a trois ans, après l'interdiction des deux seuls insecticides autorisés contre ce ravageur auparavant (carbosulfan et deltaméthrine), les reboisements en résineux ont été stoppés dans certains massifs forestiers !

Depuis lors, la cyperméthrine (Forester) et la lambda-cyhalothrine (Karaté Forêt) ont été autorisées sur conifères de forêt contre les insectes xylophages (= mangeurs de bois) dont fait partie l'hylobe. Mais elles ne sont que deux, toutes deux de la même famille, celle des pyréthrinoïdes, et elles n'ont pas une persistance d'action suffisante pour protéger les jeunes résineux durant toute une campagne.

Original mode d'action, et d'application

Le nouveau produit, un chloronicotinile, vient là aussi compléter le trio, avec un mode d'action différent, précieux pour prévenir les résistances, et une persistance d'action plus longue.

Systémique, il s'applique juste avant plantation à l'aide d'une installation de pulvérisation close. L'applicateur doit être équipé d'un tel matériel répondant aux spécifications précises d'un cahier des charges établi par Bayer, et par ailleurs adapté au type de plants à traiter (racines nues ou en motte, dans ce cas à la taille de mottes). L'applicateur doit au préalable signer avec Arole PFB une CCU (convention contractuelle d'utilisation). Une garantie de professionnalisme et de respect des bonnes pratiques.

Moyennant quoi la protection dure sept mois minimum. La persistance d'action est probablement supérieure : dans les pays nordiques, le produit est réputé « tenir » bien plus longtemps. Mais il fait plus chaud chez nous donc les produits se dégradent plus vite. Et puis Arole PFB préfère promettre moins qu'il ne tiendra, plutôt que l'inverse. Surtout, sept mois suffisent pour couvrir les deux vagues de dégâts du charançon, au printemps et en fin d'été.

Dans les secteurs où il existe à la fois de fortes populations de cet insecte et un besoin de reboisement – massifs à reboiser après tempête notamment – cela permet un seul traitement avant plantation au lieu de deux minimum sur site, pour le même service rendu.

Extensions d'emploi

Sur porte-graine, un troisième anti-coléoptères

Avec le spinosad, on revient aux bio-insecticides. Il ne s'agit pas d'un micro-organisme vivant mais d'une substance inerte produite par un tel organisme. Ce dernier est, lui aussi, une souche naturelle de micro-organisme vivant dans le sol. Mais il s'agit là de la bactérie Saccharopolyspora spinosa. Le spinosad a été autorisé en 2006 dans Success 4, à l'époque sur vigne, pommiers et poiriers, en même temps que dans Conserve sur cultures ornementales : rosier et CFD contre les thrips. Ces deux produits de Dow AS sont utilisables en agriculture biologique.

L'autorisation récente, sur cultures de plein champ de porte-graine florales, a été accordée à Success 4. Il ne s'agit donc pas du lancement d'un nouveau produit mais de l'extension d'emploi d'un produit existant.

La spécialité, là encore, lutte contre des coléoptères ravageurs. Comme les cultures porte-graine représentent peu d'hectares en France, l'autorisation a suivi la procédure des usages mineurs : une seule autorisation, en bloc, pour les coléoptères ravageurs en général sur toutes les cultures porte-graine, florales mais aussi potagères, de plantes à parfum, aromatiques, médicinales et condimentaires... Ouf !

Il n'y avait que deux autres substances autorisées contre les coléoptères sur cultures florales porte-graine, à savoir l'acétamipride et le thiaclopride. Là encore, un nouveau produit pour un nouveau trio.

Sur rosiers contre pucerons et acariens

La dernière substance est, de loin, la plus ancienne du lot, c'est le diméthoate. Il est contenu dans Rogor Plus (de Phyteurop) et son jumeau Danadim Progress (de Cheminova) qui, autorisés jusqu'ici en vergers et cultures légumières, se sont vu octroyer une extension d'emploi sur rosier contre les pucerons et acariens.

Certes il y a d'autres substances autorisées sur rosier pour ces usages (11 contre acariens et 18 contre pucerons, dont 5 touchant les deux ravageurs) mais le diméthoate est le seul représentant de sa famille.

C'est, en effet, un des huit organophosphorés « inscrits » comme substance phyto au niveau européen, probablement grâce à une moindre toxicité que la majorité des membres de la famille (pour mémoire, l'Index phytosanitaire 1994 comptait 47 substances organophosphorées contenues dans des produits autorisés et vendus en France au 15 juillet 1993, juste avant le début du réexamen européen). C'est le seul désormais autorisé sur rosier.

Trio contre les maladies dont deux anti-mildiou

Tout premier Qil

Deux nouvelles substances fongicides arrivent en cultures ornementales. Toutes deux visent les mildious et maladies assimilées.

Il y a d'abord la cyazofamide. Cette substance d'ISK BioSciences était déjà connue sur d'autres cultures : depuis 2010 sur vigne dans Mildicut et depuis 2002 sur pommes de terre et cultures légumières dans Ranman. Elle arrive pour la première fois sur AAO et CFD (rappel : arbres et arbustes d'ornement et cultures florales diverses) dans Ranman Top vendu par Belchim.

Intéressant, elle apporte un mode d'action inédit sur ces cultures : c'est un QiI et pas un QoI.

En pratique, cela veut dire qu'elle agit sur la respiration cellulaire et la production d'énergie, sur un site voisin de celui des strobilurines (qui sont des Qol) mais suffisamment différent pour éviter les résistances croisées.

Le produit, formulé en suspension concentrée (SC), est autorisé contre mildiou sur CFD et, sur AAO, contre « maladies diverses » – la décision d'autorisation précise qu'il s'agit de lutter contre les mildious.

Nouveauté avec valeur sûre

L'autre substance est le dimétomorphe. Il est proposé associé au mancozèbe (utilisé depuis belle lurette sur cultures ornementales), dans Acrobat MDG et Lectra DF, de Basf Agro.

Ces deux produits, déjà connus sur d'autres cultures, vigne, pomme de terre, etc., se ressemblent fort : même titrage de substances actives, même formulation WG (granulés dispersibles)... Seule différence décelable : la première est autorisée sur davantage de cultures légumières que la seconde. Quoiqu'il en soit, le dimétomorphe agit sur la formation des parois cellulaires des champignons et le mancozèbe est un multisites. Deux modes d'action complémentaires, c'est utile.

Les deux produits sont autorisés contre les mildious du rosier et des porte-graine florales, et contre les « maladies diverses » des AAO.

Penser botrytis

Signalons par ailleurs que l'anti-botrytis pyriméthanil, déjà utilisé en cultures ornementales, précisément sur CFD (cultures florales diverses) depuis 1993 dans Scala, de Basf , se voit autorisé sur rosier dans Papyrus 400 distribué par Agriphar. Ajoutons qu'il est également autorisé sur cultures florales diverses.

Trio contre les adventices

Imité du pélargonium

Côté herbicides, il y a d'abord l'acide pélargonique. Il était déjà connu comme herbicide mais pas depuis longtemps et pas formulé seul. En effet, sa première autorisation date de fin 2009, associé à l'hydrazide maléique (Finalsan Ultima et Finalsan Ultima AF) pour désherber les trottoirs et allées en jardins d'amateurs et espaces verts. Des usages non agricoles, donc.

Pour les cultures ornementales, il a été autorisé seul en 2011 dans Devatol, pour désherber les AAO et les conifères et feuillus de forêt en pépinières, ainsi que les CFD en général et, dans le détail, le glaïeul, le rosier, le rosier de mai et la tulipe (et par ailleurs les allées et trottoirs).

Cette substance est une copie conforme de l'acide pélargonique produit par les végétaux du genre Pelargonium (couramment appelés géraniums quoique n'appartenant pas au genre Geranium). Elle est fabriquée par la société Neudorff et vendue en France par Bayer ES.

La substance agit comme un herbicide de contact : elle grille les parties vertes des végétaux qu'elle touche sans agir sur les parties ligneuses ni présenter de systémie. On peut donc l'employer jusqu'au pied des végétaux ligneux pour les débarrasser de la concurrence des mauvaises herbes et/ou détruire leurs rejets, et par ailleurs en prélevée pour les cultures florales non ligneuses (bulbes).

Deux plus classiques

Autre herbicide proposé par Bayer ES : le Valdor Flex associe le DFF et le iodosulfuron-méthyl-sodium. Ces deux substances sont bien connues des céréaliers, mais nouvelles en cultures ornementales. Le nouveau produit est autorisé sur AAO en pépinières de pleine terre et en plantation. Il est annoncé particulièrement intéressant contre les matricaires qui posent souvent de gros problèmes en pépinières arbustives. Enfin, l'éthofumesate arrive sur les végétaux d'ornement dans Tramat F. Ce produit de Bayer CSF, connu surtout sur betteraves, a eu une extension d'emploi sur diverses cultures porte-graine, notamment florales. Il agit sur la germination des mauvaises herbes.

<p>* Phytoma.</p> <p>(1) <i>Voir</i> Phytoma <i>n° 645, juin-juillet 2011, p. 9.</i></p> <p>(2) Autorisations de mise sur le marché. Obligatoires pour les produits phytos inertes (d'origine chimique ou naturelle) et ceux à base de micro-organismes vivants : champignons, bactéries, virus.</p> <p>(3) e-phy est la base de données en ligne du ministère chargé de l'agriculture sur les produits phytos. Accessible en googlant « e-phy ».</p>

Résumé

Les nouveautés survenues depuis un an en matière de produits phytopharmaceutiques soumis à AMM (autorisation de mise sur le marché) destinés aux cultures ornementales sont :

– concernant les insecticides, le lancement d'un bio-insecticide préventif à base de spores du champignon Metarhizium anisopliae contre les otiorhynques sur AAO et CFD, celui d'un insecticide préventif à base d'imidaclopride contre l'hylobe (grand charançon des pins) sur résineux en pépinières avant plantation, ainsi que les extensions d'emploi d'un bio-insecticide à base de spinosad (préparation bactérienne) contre les coléoptères ravageurs des PG florales et d'un insecticide à base de diméthoate contre les pucerons du rosier ;

– concernant les fongicides, l'arrivée de deux nouvelles substances anti-mildiou, la cyazofamide sur AAO et CFD et le dimétomorphe sur AAO, rosier et PG florales, et une extension d'emploi de l'anti-botrytis pyriméthanil sur rosier ;

– concernant les herbicides, le lancement de l'acide pélargonique seul en pépinières sur AAO, conifères et feuillus de forêt, CFD, rosier, rosier de mai, glaïeul et tulipe, celui de l'association DFF + iodosulfuron sur AAO en pépinières et celui de l'éthofumesate sur PG florales.

Mots-clés : cultures ornementales, AAO (arbres et arbustes d'ornement), CFD (cultures florales diverses), rosier, PG (porte-graine), produits phytopharmaceutiques, insecticides, otiorhynques Otiorhynchus sp., grand charançon des pins, hylobe Hylobius abietis, coléoptères ravageurs, pucerons, Metarhizium anisopliae, imidaclopride, spinosad, diméthoate, fongicides, mildiou, cyazofamide, dimétomorphe, botrytis, pyriméthanil, herbicides, acide pélargonique, diflufénicanil, iodosulfuron-méthyl-sodium, éthofumesate.

L'essentiel de l'offre

Phytoma - GFA 8, cité Paradis, 75493 Paris cedex 10 - Tél : 01 40 22 79 85