dossier - Végétaux d'ornement

Auxiliaires à lâcher pour la lutte biologique

Marianne Decoin* - Phytoma - n°651 - février 2012 - page 29

Du nouveau côté réglementation avec un décret, et du côté des outils : prédateurs, parasitoïdes et leurs conditionnements
 Aphidius matricariae (ph. Koppert)

Aphidius matricariae (ph. Koppert)

Un dossier sur les moyens de protection phyto des cultures ornementales se doit d'évoquer les auxiliaires de lutte biologique. Il y a ceux naturellement présents et à favoriser, c'était p. 21. Et puis ceux lâchés au sein des cultures. Quoi de neuf depuis un an ? Le lancement de nouveautés : prédateur, parasitoïde, conditionnement. Et, fin janvier, l'événement réglementaire : la publication du décret « macro-organismes non indigènes ».

Parmi les auxiliaires de lutte biologique, les « ennemis de nos ennemis », ceux destinés à être lâchés dans les cultures sont des outils de protection des plantes comme les produits phytos. Mais avec un autre statut légal.

Non indigènes, le décret

Les produits phytos, en effet, ne sont mis sur le marché qu'une fois munis d'AMM (1). Même s'ils sont d'origine biologique, même ceux constitués de micro-organismes vivants, cas du MET 52 Granulé cité p. 25. En revanche les auxiliaires, en leur qualité de macro-organismes, sont en vente libre. Cela va changer, du moins pour certains d'entre eux.

En effet, la Loi Grenelle 2 (2) a réglementé « l'entrée sur le territoire et l'introduction dans l'environnement » de macro-organismes auxiliaires « non indigènes » (3). Ils devront être au préalable autorisés. Mais, pour appliquer cet article de loi, il fallait ses textes d'application.

Le premier est un décret du 30 janvier 2012 (4). Il entrera en vigueur le 1er juillet prochain. On ne pourra plus importer librement sur un territoire français une espèce qui n'y serait « pas établie » (c'est ça un organisme « non indigène » au sens du décret). A noter : la France « métropolitaine continentale » représente un territoire, la Corse un autre, et chaque département et territoire d'Outre-Mer un territoire distinct. Il y aura trois classes de macro-organismes :

– les « indigènes » qui resteront en vente libre (ex. les chrysopes Chrysoperla carnea et C. lucasina) ; logiquement, un organisme trouvé sur un territoire serait classé comme indigène ; les espèces exotiques (importées ou arrivées seules) déjà établies devraient entrer dans cette catégorie ;

– les « non indigènes » évalués favorablement par l'Anses et le CNPN (5) ; leur liste sera publiée par arrêté des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement ; eux aussi seront en vente libre ;

– les « non indigènes » pas encore évalués ; là, il faudra une autorisation d'entrée sur le territoire (en milieu strictement confiné) ou d'introduction dans l'environnement (lâchers, y compris en serres ornementales) ; l'autorisation d'entrée ou d'introduction d'une espèce sera octroyée à son demandeur ; logiquement d'autres acteurs voulant importer la même espèce devront faire leur propre demande.

Le 3 février, on attendait les arrêtés fixant les procédures de demande (composition détaillée et modalités de présentation des dossiers) et la liste des organismes non indigènes « dispensés de demande d'autorisation ».

Divers acteurs

En attendant, 13 sociétés sont listées par l'Index phytosanitaire ACTA 2012 pour vendre des auxiliaires. Ce sont, par ordre alphabétique, Basf, BHS, Biobest, Biocare, Biotop, Certis BCP, De Sangosse, GIE Lacroix, IF Tech, Koppert, Ripert Frères, Sumi Agro et Syngenta Bioline.

Certaines élèvent ce qu'elles vendent, d'autres ne sont que distributrices (ex. : Sumi Agro et De Sangosse vendent des nématodes de Becker Underwood). D'autres sociétés ont des élevages « internes » (cas de Savéol).

Prédateur vorace

Côté prédateur, la coccinelle Delphastus catalinae, originaire de Floride mais utilisée sans histoire en Europe depuis 1993, est lancée par Biobest sous le nom de Delphastus System. Elle vise en priorité les « mouches blanches », autrement dit les aleurodes, en cultures ornementales et légumières sous serres.

Cette petite coccinelle (l'adulte fait entre 1 et 1,5 mm de long, le quart d'une bête à Bon Dieu) a grand appétit. Les larves sont voraces mais les adultes aussi. Ils dévorent les aleurodes Trialeurodes vaporariorum et Bemisia tabaci, avec une préférence pour les larves et les œufs. Une coccinelle adulte peut en manger « 160 par jour, et 10 000 sur sa durée de vie », selon Biobest.

C'est un prédateur de lutte par inondation, plutôt « curatif » à action rapide. On le conseille sur foyers existants si l'on n'a pas lâché de parasitoïdes avant ou si ces derniers sont débordés pour diverses raisons. À noter : il dédaigne les larves d'aleurodes parasitées.

Par ailleurs, il détecterait les mouches blanches à l'odeur mais semble indifférent aux fleurs puisqu'il est promis se développer « indépendamment de la plante-hôte ». Une fois les aleurodes éliminés, il se rabattra sur des pucerons mais sans subsister longtemps.

Les coccinelles sont présentées en tubes de 100 adultes, à ouvrir à proximité des foyers d'aleurodes.

Rapide parasitoïde

Autre nouvel auxiliaire, parasitoïde lui. Il s'agit d'Aphidius matricariae, lancé par Koppert qui semble seul à vendre cette espèce sur le marché français, sous le nom d'Aphipar M. Cet hyménoptère indigène parasitoïde de pucerons s'attaque notamment aux genres Aphis et Myzus, entre autres Aphis fabae, Myzus persicae persicae et Myzus nicotiniae.

Le nouvel auxiliaire est différent d'Aphipar. Ce dernier est la version vendue par Koppert d'une autre espèce du même genre (Aphidius colemani) qui vise les mêmes pucerons. Mais le nouvel auxiliaire est annoncé plus rapide à agir, et globalement plus efficace, que les autres espèces déjà sur le marché.

Il est présenté sous forme de momies parasitées et prêtes à laisser émerger des Aphidius adultes, dans de la sciure (anti-chocs, régulation de l'hygrométrie). Un flacon de 100 ml contient environ 1 000 momies à saupoudrer.

Conditionné pour durer

Mais les nouveautés en matière d'auxiliaires peuvent venir de leur conditionnement. Comme une formulation peut augmenter les performances d'une substance active phyto, un conditionnement peut améliorer l'action d'un auxiliaire. Par exemple la maintenir plus longtemps. Ainsi, après Spical Plus en 2011 (6), Koppert lance en 2012 Swirskii Mite Plus LD.

Ce conditionnement longue durée (« LD ») de l'acarien prédateur Amblyseius swirskii a décroché une citation au Sival. Il s'utilise pour lutter contre les thrips et aleurodes sous serres.

Le sachet, « véritable élevage » selon Koppert, libère des acariens en continu sur plus de 6 semaines au lieu de 3 ou 4 avec l'ancien (Swirskii Mite lancé en 2005). Deux fois moins de passages pour effectuer les lâchers.

Et une installation possible en préventif, avant la présence de pollen et l'arrivée des proies, pour des auxiliaires prêts à agir rapidement, dès cette arrivée justement.

<p><i>* Phytoma.</i></p> <p>(1) Autorisation de mise sur le marché.</p> <p>(2) Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, portant sur l'engagement national pour l'environnement, publiée au JORF (Journal officiel de la République française) le 13 juillet 2010.</p> <p>(3) Termes employés dans l'article 105 de la loi.</p> <p>(4) <i>Décret n° 2012-140 du 30 janvier 2012</i> « relatif aux conditions d'entrée sur le territoire et d'introduction dans l'environnement de macro-organismes non indigènes utiles aux végétaux, notamment dans le cadre de la lutte biologique », <i>publié le 31 janvier.</i></p> <p>(5) Respectivement Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimemtation, de l'environnement et de la santé et Conseil national de protection de la nature.</p> <p>(6) <i>Voyez le naturel, il vient aux végétaux,</i> Phytoma <i>n° 641, février 2011, p. 32.</i></p>

Auxiliaires et lutte biologique, rappel

En santé végétale, on classe comme auxiliaires tous les macro-organismes, même microscopiques (1) comme les nématodes utiles, qui protègent les plantes contre des bioagresseurs. En pratique, la plupart des auxiliaires utilisés en France luttent contre des insectes, acariens ou nématodes nuisibles.

L'utilisation des auxiliaires se nomme aussi « lutte biologique ». Elle peut consister à favoriser les auxiliaires naturellement présents (« lutte biologique par conservation ») ou à en apporter en effectuant des lâchers. Dans ce dernier cas, il s'agit de lutte biologique soit :

– par acclimatation ; le but est que les individus lâchés se reproduisent et que les populations s'installent et régulent le ravageur visé durablement, sans autres lâchers ;

– par inoculation ; les auxiliaires se reproduiront mais les populations régulant le ravageur ne s'installeront pas durablement ;

– par inondation ; les individus lâchés réguleront le ravageur, directement (prédation) ou par pontes (parasitisme), mais sans succès de reproduction, donc sans installation.

(1) Macro-organisme = organisme vivant pluricellulaire, par opposition aux micro-organismes (bactéries, etc.) qui sont unicellulaires. Microscopique = qui ne se voit pas à l'œil nu... mais peut être pluricellulaire.

Résumé

Il y a des évolutions en matière d'auxiliaires vendus pour la lutte biologique en cultures ornementales.

D'abord le décret sur l'introduction des macro-organismes auxiliaires non indigènes du 30 janvier 2012, publié le 31.

Ensuite, des innovations sont à signaler :

– Delphastus catalinae, coccinelle prédatrice des aleurodes Trialeurodes vaporariorum et Bemisia tabaci, remarquable par sa forte voracité y compris au stade adulte, vis-à-vis de tous les stades d'aleurodes notamment larves et œufs ;

– Aphidius matricariae, hyménoptère parasitoïde de pucerons (Aphis et Myzus spp. notamment), plus rapide et efficace que d'autres espèces d'Aphidius commercialisées

;

– Un nouveau conditionnement d'Amblyseus swirskii, acarien prédateur de thrips et aleurodes, qui prolonge son activité. Mots-clés : cultures ornementales, lutte biologique, macro-organismes auxiliaires, réglementation, décret n°2012-140, prédateurs, Delphastus catalinae, aleurodes, parasitoïdes, Aphidius matricariae, pucerons, conditionnement, Amblyseius swirskii.

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