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Maladies des céréales, que faire en 2012 ?

D'après la Note commune Arvalis-Institut du végétal, INRA, Anses - Phytoma - n°651 - février 2012 - page 36

En vedette, les souches émergentes de septoriose, les SDHI et les multisites
 Septoriose (ph. M. Doumergue)

Septoriose (ph. M. Doumergue)

Le groupe de travail « Résistances aux fongicides des maladies des céréales à paille » a publié sa « Note commune 2012 » : bilan de situation en France en 2011 et conseils pour 2012. Quoi de neuf par rapport à l'an dernier ? Côté maladies, l'événement principal touche les souches émergentes de Septoria tritici, agent de la septoriose du blé. Les conseils prennent en compte ces souches mais aussi l'arrivée de nouveaux SDHI sur diverses maladies, et l'intérêt des multisites. Extraits.

Septoriose du blé

« Non MDR », du nouveau

La résistance de S. tritici aux QoI (strobilurines, famoxadone) compromet l'efficacité des strobilurines. Les souches restent, en majorité, moyennement résistantes aux triazoles (principale classe d'IDM) et faiblement résistantes ou entièrement sensibles au prochloraze.

Les phénotypes émergents (davantage résistants surtout aux triazoles et au prochloraze) ont progressé en 2011. Ils sont le plus souvent marginaux : 7 % en moyenne sur tout l'échantillon et présence dans 45 % des populations en 2011 (3 % en moyenne et présence dans 30 % en 2010). Il y a deux sous-groupes :

– « non MDR », plusieurs types de souches à forts niveaux de résistance à un ou quelques triazoles, liés à la sélection de nouvelles combinaisons de mutations dans le gène cible des IDM ; ce sous-groupe progresse.

– MDR (MultiDrug Resistant) (1), très résistants à la plupart des IDM et faiblement résistants aux SDHI (2) (comprenant les carboxamides) suite à l'acquisition d'un nouveau mécanisme de résistance permettant au champignon d'excréter plus efficacement les fongicides ; sous-groupe stable entre 2010 et 2011.

En 2011 comme en 2010, vu les faibles fréquences de ces nouvelles souches, l'efficacité des fongicides n'a pas semblé affectée.

Rappel : tous les unisites testés (triazoles, imidazoles, SDHI) pourraient exercer une pression de sélection sur ces populations émergentes.

Recommandations pour 2012

Les triazoles les plus efficaces, en particulier époxiconazole et prothioconazole, demeurent intéressants en 2012. À renforcer en général par des fongicides multisites (chlorothalonil, mancozèbe), du prochloraze et/ou un SDHI(3). Deux points nouveaux :

– Dans tous les cas, s'il faut intervenir, l'introduction du chlorothalonil dans le programme de traitement est recommandée.

– Pour limiter la pression de sélection, en particulier sur phénotypes émergents, diversifier les modes d'actions et les molécules au sein d'un mode d'action. Si possible, pas plus d'une application de SDHI par saison.

Les oïdiums

Situation proche de celle de 2010

L'oïdium a été peu présent en 2011 comme en 2010. La résistance aux strobilurines reste probablement peu fréquente dans le Sud et bien implantée ailleurs. La résistance aux IBS (IDM et « amines » (4)) est installée, mais plusieurs gardent une activité intéressante. Les souches d'oïdium du blé très résistantes au quinoxyfène restent localisées surtout en Champagne. Si l'activité du quinoxyfène peut être affectée, le proquinazid, malgré une résistance croisée avec le quinoxyfène, reste efficace.

Le cyflufénamid et la métrafénone ont d'autres modes d'action que les fongicides déjà cités. Depuis 2009 on décèle en France, à faible fréquence, des souches d'oïdium du blé moyennement résistantes à la métrafénone. La présence, à très faible fréquence, de souches fortement résistantes à la métrafénone est confirmée en 2011 en France et en Europe.

Recommandations revues

La métrafénone, le cyflufénamid et le proquinazid restent efficaces sur l'oïdium. Pour limiter la pression de sélection sur les anti-oïdium auxquels des souches résistantes ont été décelées (métrafénone, quinoxyfène, cyprodinil, « amines ») on conseille de les associer à une autre substance active sur cette cible.

Rappel : les QoI ne sont plus efficaces sur oïdium dans la plupart des régions et le cyprodinil n'a plus d'efficacité suffisante.

Piétin-verse du blé

Situation et conseils inchangés

Comme en 2010, l'espèce dominante en 2011 est Oculimacula yallundae (type rapide), souvent résistant à la plupart des IDM, prochloraze notamment, mais pas au prothioconazole. On trouve des souches résistantes au cyprodinil dans les deux espèces d'Oculimacula mais sans effet pratique notable, et des souches multirésistantes au prothioconazole, au boscalid et au cyprodinil mais sans baisse d'efficacité (niveau de résistance faible). La métrafénone ne semble touchée ni par ce phénomène ni par une résistance spécifique.

Conseils : réserver le prochloraze à la lutte contre la septoriose. Limiter la métrafénone, active sur piétin-verse et oïdium, à une application par saison. En général, les associations de modes d'action améliorent l'efficacité. Leur alternance (annuelle pied/feuilles et entre années pour le premier traitement), est conseillée pour limiter le risque de résistance.

Rappel : la résistance variétale offre une alternative efficace à la lutte chimique.

Helminthosporiose du blé

Situation et conseils inchangés

On sait qu'en Europe du Nord, certaines souches de Dreschlera tritici-repentis présentent des mutations dans le gène codant pour le cytochrome b (cible des QoI), soit en position 129 (faible niveau de résistance), soit en position 143 (fort niveau). On peut trouver les deux mutations dans une même population. L'efficacité des strobilurines pourrait être très affectée face à de hautes fréquences de souches fortement résistantes. En France, les deux mutations sont encore détectées sur les rares échantillons analysés, mais sans baisse d'efficacité.

Conseil : associer les strobilurines à un triazole efficace sur helminthosporiose du blé (prothioconazole, tébuconazole, propiconazole, etc.) en situations agronomiques favorables à la maladie et si elle est formellement identifiée.

... et de l'orge

Situation inchangée

En France, la résistance d'Helminthosporium teres aux QoI, bien implantée, semble stable depuis 2006. Les niveaux sont faibles à modérés (mutation en position 129). Face à la résistance, l'efficacité des strobilurines est affectée : azoxystrobine la plus pénalisée, pyraclostrobine la moins impactée, picoxystrobine et trifloxystrobine intermédiaires et similaires entre elles, fluoxastrobine (associée au prothioconazole) le plus souvent inférieure à la trifloxystrobine. Il y a toujours dérive de la sensibilité aux IDM et de leur efficacité, le prothioconazole restant le plus efficace. Le cyprodinil et les SDHI apportent deux autres modes d'action. Les SDHI ne sont pas concernés par la résistance.

Recommandations, des SDHI en plus

Toujours associer les SDHI et les strobilurines avec des fongicides efficaces et à modes d'action autres (en particulier prothioconazole ou cyprodinil). Diversifier les modes d'action en pratiquant l'alternance. Éviter les doubles applications de SDHI, de strobilurines, de prothioconazole, d'époxiconazole et de cyprodinil.

Orge, autres maladies

Ramulariose, des SDHI en plus

Décelée en France depuis 2002, la ramulariose est présente dans toutes les zones de culture des orges et escourgeons. Depuis 2008, on décèle de hautes fréquences de souches de R. collo-cygni fortement résistantes aux strobilurines (cytochrome b modifié en position 143), dont l'efficacité est en pratique très affectée.

Les substances les plus efficaces sont le chlorothalonil et, parmi les unisites, le prothioconazole et certains SDHI.

Rhyncosporiose, rien ne change

Quelques souches de « rhynco » résistantes aux strobilurines (substitution G143A sur cytochrome b) ont été décelées en France en 2008 mais n'ont pas été retrouvées depuis, bien qu'ayant été recherchées en 2009, 2010 et 2011.

On conseille toujours d'associer les triazoles à un autre mode d'action efficace.

Les rouilles

Même situation, des SDHI en plus

Comme d'habitude, ni la rouille brune, ni la rouille jaune, ni la rouille naine ne semblent touchées par des phénomènes de résistance en pratique vis-à-vis des triazoles et strobilurines. On conseille de tenir compte des potentialités intrinsèques sur rouilles des substances actives entrant dans les programmes. Les associations de triazoles et de strobilurines continuent d'offrir les meilleurs résultats contre ces parasites.

Nouveau : certains SDHI participent à la lutte contre les rouilles.

Les fusarioses

Moins de maladie, mêmes résistances

Comparée à d'autres années, 2011 a été peu marquée par Microdochium spp. sur épis.

Depuis 2007, la résistance de Microdochium spp. aux strobilurines est largement implantée, avec de forts niveaux, en général par substitution G143A dans le cytochrome b (il pourrait exister d'autres mécanismes). Cela fait baisser l'efficacité des strobilurines en pratique. La majorité des souches de Microdochium spp. résistent aux benzimidazoles et thiophanates, et souvent aux strobilurines.

Les souches de Fusarium culmorum, F. graminearum et F. langsethiae restent pratiquement toutes sensibles aux benzimidazoles, aux thiophanates et aux IDM (aucune dérive de sensibilité), et la plupart des strobilurines sont peu ou pas efficaces.

Recommandations inchangées

Microdochium spp : parmi les IBS, seul le prothioconazole présente une bonne efficacité en pratique ; le prochloraze et le fenpropimorphe ont des potentialités intéressantes. Le thiophanate-méthyl et les strobilurines n'ont plus d'intérêt sur M. majus et M. nivale.

Fusarium spp : pour contrôler les diverses espèces de Fusarium, en particulier F. graminearum, on peut utiliser des IDM tels que le prothioconazole, le tébuconazole ou le metconazole, ou encore le thiophanate-méthyl, car les populations actuelles sont sensibles à ces fongicides.

<p><i>(1) Leroux P., Walker A.S., Multiple mechanisms account for resistance to sterol 14 a-demethylation inhibitors in field isolates of</i> Mycosphaerella graminicola (2011). Pest Management Science <i>67(1), 47-59.</i></p> <p>(2) SDHI = Inhibiteurs de la Succinate DésHydrogénase.</p> <p>(3) À côté du boscalid, unique SDHI disponible en 2011, le fluxapyroxad (marque Xemium) et le bixafen (gamme X-pro) ont été autorisés et sont disponibles pour 2012 dans des spécialités les associant à des IDM (NDLR).</p> <p>(4) Spiroxamine, fenpropimorphe et fenpropidine (NDLR).</p>

• Résumé de ces pages disponible sur www.phytoma-ldv.com.

• Texte intégral de la note disponible sur le site de l'AFPP (www.afpp.net, aller à « Commissions » puis « Maladies... » puis « Groupe résistances... »).

On y trouve le tableau récapitulatif de la classification abrégée des fongicides (également dans Phytoma n° 640 de janvier 2011, p. 40, article p. 39 à 41).

Recommandations générales pour 2012

Les fongicides, c'est pas automatique

Les conseils variétaux (préférer les variétés peu sensibles aux maladies, les diversifier pour éviter de voir contourner leurs résistances génétiques) sont identiques à ceux de 2011.

Il en est de même des pratiques visant à limiter l'inoculum (rotation, labour, date de semis, gestion des repousses à l'interculture) puis sa progression (densité de semis, azote).

De même, il ne faut traiter que si nécessaire et raisonner la date d'intervention en alliant les modèles et l'observation en fonction du climat et des conditions de culture.

Choix des produits, mêmes principes

Les principes généraux de traitement restent :

« limiter le nombre d'applications par saison avec des matières actives de la même famille », y compris celles autorisées en traitement des semences et de l'épi, « éviter si possible de cumuler 2 traitements avec la même molécule » ;

– adapter le spectre des produits au risque réel (ne pas appliquer de substances inutiles) ;

– diversifier les modes d'action en alternant ou associant les molécules dans les programmes de traitement.

On peut encore utiliser les IDM les plus efficaces même en situation de résistance, chacun pas plus d'une fois par saison ; leurs performances peuvent toujours être améliorées en association avec d'autres modes d'action voire entre certains IDM complémentaires.

Multisites et SDHI, du nouveau

Nouveau, la note 2012 :

– conseille les multisites, « moins susceptibles de sélectionner des populations résistantes, en particulier sur septoriose » lorsque c'est possible ;

– estime qu'« il est préférable de limiter l'utilisation des SDHI à une seule application par saison » (même conseil que pour les QoI).

Enfin, la note « ne prend pas en compte la question des SDHI en traitement des semences ». Car ceux autorisés, peu actifs sur les maladies citées, n'exercent guère de pression de sélection.

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