Echos d'ABIM 2011, 6e rencontre annuelle de l'industrie du biocontrôle

ABIM 2011 s'est tenue au Palais des congrès et de la culture KKL de Lucerne, en Suisse, du 24 au 26 octobre 2011. Organisée par IBMA, Association internationale de fabricants de produits de biocontrôle, et l'Institut de recherches d'agriculture biologique (FiBL), cette rencontre est devenue la plaque tournante incontournable du « business » des produits de biocontrôle. Et ceci bien au-delà des frontières de l'Europe, en témoignent le nombre de participants et leurs origines. En quelques années, la conférence a progressivement élargi son audience. Pas moins de 520 congressistes représentant plus de 260 sociétés et organisations du monde entier ont échangé des expériences et obtenu des informations sur les dernières innovations.

On estime aujourd'hui à plus d'un milliard d'euros le marché mondial du biocontrôle (définition globale dans l'encadré 1 et catégories de produits dans l'encadré 2). Sa croissance se poursuit au rythme de plus de 15 % par an. Il est tiré par l'Amérique du Nord, mais aussi par les pays émergents.

Dés l'ouverture, la France à l'honneur

Le député français Antoine Herth, élu du Bas-Rhin (photo ci-contre), auteur du rapport sur la mission parlementaire confiée par le Premier Ministre François Fillon « le Biocontrôle pour la protection des cultures - 15 recommandations pour soutenir les technologies vertes », a ouvert la conférence avec Owen Jones, Président d'IBMA. Venait ensuite une présentation d'Écophyto 2018 par Marie Luccioni, du MAAPRAT/ DGAL. Double occasion de montrer que la France est un pays très engagé dans la gestion durable des moyens de protection des plantes.

L'innovation est la locomotive du marché de demain et durant ces trois jours, les congressistes ont pu découvrir tant au niveau des posters que des interventions orales les nombreuses innovations dans le domaine du biocontrôle. Nous vous en résumons quelques-unes.

Confusion sexuelle

Nouvelle génération de diffuseurs de phéromones

De technologie japonaise, Isolure, de CBC Europe, est le premier produit d'une nouvelle génération de diffuseurs de phéromones. Il est en cours de développement sur Tuta absoluta le ravageur de la tomate et sur la tordeuse de la grappe Lobesia botrana. Il reste actif pendant près de trois mois comme les traitements insecticides conventionnels, et cela quelle que soit la température.

Aussi chez Exosect

Exosex YSB fait partie d'une nouvelle génération d'outils de lutte anti-parasitaire « intelligent ». Mis au point par la société Exosect, il reprend le concept de la confusion sexuelle pour développer une technologie qui crée des perturbations « actives » d'accouplement.

Une poudre spécifique Entostat® (déjà utilisée comme support de bio-insecticides à base de Beauveria bassiana) est imprégnée d'une petite quantité de phéromone femelle (2 % de phéromone et 98 % de poudre) puis placée dans des distributeurs spécifiques. Les papillons mâles sont attirés par la phéromone femelle synthétique imitant celle de leur espèce. Ils « s'imprégnent » de poudre et diffusent l'effet de confusion dans le verger, rendant impossible la rencontre entre mâles et femelles.

Ainsi, les diffuseurs peuvent être implantés dans le verger à une fréquence de seulement de 25 diffuseurs par hectare contre 300 à 1 000 en solutions classiques. La technique est utilisable sur plusieurs espèces d'insectes ; déjà, un produit est autorisé en France contre le carpocapse des pommes et des poires (voir p. 22).

La technique peut être utilisée en toute sécurité près de maisons, écoles, hôpitaux et cours d'eau. Elle fournit, comme une confusion sexuelle classique, une activité continue qui permet d'éviter les problèmes de délais de pulvérisation lors de conditions météorologiques difficiles : pas de délai avant récolte ni de ré-entrée.

Micro-organismes

Bactérie insecticide à large spectre

Le nom de code MBI-203, de Marrone Bio Innovations, est celui d'un nouveau bio-insecticide à large spectre d'origine américaine. L'ingrédient actif est une bactérie isolée d'un sol forestier du Maryland, aux USA, par le docteur Phyllis A.W.

Martin, la Chromobacterium subtsugae. Il agit par ingestion mais aussi par contact et répulsion. Lorsque les insectes indésirables rencontrent le produit, ils deviennent très agités et essayent de retirer le produit de leur corps Quand ils l'ingèrent, les insectes ciblés cessent de s'alimenter et meurent dans un délai de 2 à 7 jours. Le produit contrôle un large spectre d'insectes broyeurs et suceurs comme psylles, thrips, cochenilles, mineuses, punaises, chrysomèles, hannetons, doryphores, Diabrotica sp. et bien d'autres ravageurs.

Comme bon nombre de produits de biocontrôle, il ne laisse pas de résidus. Aux États-Unis, il est recommandé en agriculture conventionnelle et biologique, avec un délai avant récolte nul et un délai de rentrée minimum (4 heures), permettant de récolter rapidement après l'application. Pour l'instant, il n'est pas autorisé en Europe (C. subtsugae n'est pas encore « approuvé » au titre du règlement phyto 1107/2009, ni inscrit à l'annexe II du règlement n° 889/2008 sur l'agriculture biologique).

Bactérie fongicide, nouveau Bacillus

La société Novozymes développe Taegro®, bio-fongicide à base d'une nouvelle souche de Bacillus subtilis var. amyloliquefaciens. Cette souche numérotée FZB24 est active à la fois contre des maladies du sol (Phytophthora, Fusarium...), mais aussi des maladies foliaires comme le mildiou de la tomate et de la laitue, le botrytis de la vigne et du fraisier.

Le dossier devrait être déposé prochainement pour être autorisé en Europe.

Champignon fongicide et stimulateur

Polyversum, du Tchèque Biopreparaty, a comme principe actif la souche M1 du micro-organisme du sol Pythium oligandrum, isolée pour son intérêt en protection des plantes. Il a un effet direct contre les champignons pathogènes (mycoparasitisme, antibiose et compétition nutritive). Cette action s'accompagne d'une stimulation des défenses de la plante grâce à la synthèse de protéines élicitrices.

Une protection contre Alternaria spp, Botrytis cinerea, Fusarium spp., Gaeumannomyces graminis, Phytophthora cactorum, Sclerotinia sclerotiorum, Verticilium dahliae, Leptosphaeria maculans, Pseudoperonospora cubensis, Puccinia spp., Ralstonia solanacearum, Tilletia caries a été rapportée.

Par ailleurs P. oligandrum M1 produit une molécule auxinique nommée tryptamine. Des études ont montré que, lorsque cette molécule est présente en quantité suffisante dans la rhizosphère (=autour des racines), elle favorise la promotion de croissance chez les jeunes plants de tomate (Le Floch et al., 2003). Mais cette stimulation de croissance est considérée comme secondaire par rapport à l'induction de résistance des plantes (Rey & al., 2008).

Bactérie fongicide

La société espagnole Futuragro a obtenu l'homologation de l'Actinoate aux États-Unis. Ce biofongicide à base de la bactérie Streptomyces lydicus souche WYEC 108 permet de protéger les cultures contre des champignons pathogènes du sol comme Fusarium, Pythium, Rhizoctonia, Phytophthora, Sclerotinia, Armillaria, ou des parties aériennes comme Laveillula, Spahaeroteca, Erisiphe, Venturia, Botrytis, Alternaria.

À la vue des résultats présentés, il apparaît très intéressant sur la pomme de terre contre Rhizoctonia solani et sur les plantes horticoles contre des fusariums. Il peut s'utiliser en traitement des sols, en foliaire ou encore en traitement des semences, des bulbes ou des tubercules. En Europe, il est en cours d'approbation.

Deux présentations de virus insecticide

Nous avons eu droit à deux présentations sur le thème de la lutte contre la tordeuse orientale du pêcher Cydia molesta avec le virus de la granulose CpGV : une par Arysta, distributeur de la Carpovirusine et l'autre par Andermat Biocontrol qui commercialise le Madex Twin.

Dans les deux présentations, que ce soit en France, en Italie ou en Californie, il n'y a pas de différence significative entre les résultats obtenus avec le CpGV et les références chimiques. De même, que ce soit en vergers de pêchers ou de pommiers, dans tous les cas la protection a été d'un très haut niveau.

Substances naturelles

Extraits végétaux insecticides...

Métronome, d'Agraquest, comme la formulation Requiem, est un extrait de Chenopodium ambrosioides, (appelée communément Ansérine vermifuge pour sa propriété médicale). Le produit commercial est un concentré émulsionnable contenant 25 % de principe actif.

Il est développé avec succès en Israël, pour protéger les cultures contre les thrips et la mouche blanche des fruits et légumes. Agissant essentiellement par contact, il est actif aussi bien sur œufs que sur larves ou adultes. Il ne laisse pas de résidus et peut donc s'appliquer avant la récolte.

Pour Requiem, une étude complète nous a été présentée quant au respect du produit vis-à-vis des pollinisateurs et (ou) auxiliaires : Apis mellifera, Amblyseius fallacis, Phytoseiulus persimilis, Scolothrips sexamaculatus, Stethorus punctum, Zetzellia mali, Neoseiulus fallacis, Typhlodromus pyri, Orius insidiosus, Aphidoletes, Encarsia, Eretmocerus spp., Chrysoperla carnae. Une nouvelle formulation, Requiem EC, a été homologuée fin 2011 aux États-Unis. On attend cette spécialité en Europe pour 2014.

... ou SDP (stimulateurs de défenses des plantes)

Daymsa, filiale du groupe Samca, a présenté un nouveau produit nommé Orden et composé d'un mélange d'extraits de Rutaceae dont les propriétés sont de stimuler les défenses des plantes.

Il montre une bonne protection anti-botrytis de la tomate et de la laitue et anti-oïdium du concombre et du fraisier. Il a également été testé en pré-récolte sur pêcher.

Orden peut être utilisé soit comme un complément aux fongicides, soit comme alternative aux fongicides – quand ces derniers ne peuvent pas être utilisés en période de récolte – en agriculture biologique.

Il aide le producteur à réduire l'utilisation de pesticide de synthèse.

... ou fongicide

C'est en Californie que Marrone Bio Innovations

réalise ses screening dont est issu Regalia Maxx.

Ce bio fongicide extrait de Reynoutria sachalinensis est un SDP à large spectre. Il est donné comme actif entre autres sur oïdium, mildiou, botrytis, septoriose mais aussi sur les maladies bactériennes. Il s'utilise seul ou associé avec un fongicide de synthèse.

Une des caractéristiques de ce produit qui s'applique sur les feuilles est d'augmenter le poids du système racinaire en stimulant l'émission de nouvelles racines. Conséquence : un effet sur le rendement et la croissance.

Maronne Bio Innovations a aussi annoncé l'arrivée prochaine de deux bio-insecticides à spectre large.

Macro-organismes

La technologie RIDL

Cette technique de « stérilisation » des insectes (qui s'apparente aux techniques OGM) mise au point par Oxitec pour lutter contre les moustiques, est maintenant en cours de développement pour lutter contre les insectes ravageurs des cultures.

Le principe : les insectes RIDL contiennent une modification génétique qui entraîne leur progéniture à mourir. Mais ils peuvent vivre et se reproduire normalement lorsque les larves sont nourries avec « un régime spécial ». Les mâles RIDL sont libérés pour s'accoupler avec les insectes ravageurs sauvages femelles ; leur progéniture hérite du gène RIDL et ne survit pas. Ainsi, la population des ravageurs diminue.

Cette technologie a été testée avec succès sur la mouche de l'olive. Oxitec pense qu'elle pourrait s'appliquer à d'autres ravageurs sur lesquels on reste dépourvu de solutions conventionnelles ou biologiques.

En conclusion

Année après année le congrès ABIM, est devenu LE congrès incontournable de tous ceux qui s'intéressent au développement de la lutte intégrée, à la préservation de la biodiversité et à la mise en place d'une agriculture durable. Les organisateurs ont déjà lancé le rendez-vous du 22 au 24 octobre 2012, toujours à Lucerne en Suisse, pour la 7e édition de ce congrès dédiés aux produits de biocontrôle.

<p>* Sécrétaire général d'IBMA France</p>