Souvent, les articles évoquant des maladies des plantes se focalisent sur des affections causées par des champignons phytopathogènes. On parle moins de celles induites par des agents plus difficiles à déceler, notamment les virus et phytoplasmes (bactéries sans parois incapables de vivre hors d'un hôte).
Pourquoi se préoccuper de ces maladies ?
Des systèmes complexes, certes
C'est que ces « maladies à vecteurs » représentent des pathosystèmes complexes. Gérard Labonne, de l'UMR (unité mixte de recherche) BGPI (Biologie et génétique des interaction plantes-parasite) de Montpellier, co-signataire de ce dossier, nous l'explique : « Tous les agents de ces maladies demandent des analyses de laboratoire pour être identifiés avec certitude, car la présence de symptômes clairs n'est pas systématique. Leur nuisibilité est donc souvent mal évaluée. Sur vigne et fruitiers, ils présentent le risque d'être multipliés accidentellement avant plantation.
En outre, on ne connaît pas en France de produits phytopharmaceutiques autorisés luttant directement contre ces pathogènes. Ces derniers sont tous transmis de plante à plante par des vecteurs, eux aussi souvent difficiles à identifier et/ou à combattre.
... Et certains pathogènes ou vecteurs peuvent passer par des hôtes d'espèces végétales différentes au cours de leur cycle : on perçoit la complexité des systèmes ! »
Mais la « biomol » lève le voile !
Aujourd'hui, les avancées de la « biomol », autrement dit la biologie moléculaire, permettent d'en savoir plus sur les espèces de pathogènes d'une part et de vecteurs en cause d'autre part.
Elles permettent aussi d'avancer du côté de la sélection de végétaux résistants. Enfin, dans certains cas, du travail de terrain aide à gérer les maladies.
Même si on n'a pas encore exploré totalement la boîte noire que représentent virus, phytoplasmes et vecteurs, on en a, au moins, soulevé le couvercle.
Démonstration à propos d'une virose des céréales dite maladie du pied chétif, de maladies de la vigne dûes à un virus et à un phytoplasme, respectivement l'enroulement viral et la flavescence dorée, et de maladies en vergers de Prunus (arbres fruitiers à noyau).
Il s'agit d'une maladie à phytoplasme dite enroulement chlorotique de l'abricotier (ECA) bien qu'elle touche divers Prunus, et de la virose dite sharka.
Blé, WDV, pied chétif et ses cicadelles
p. 14, Virus, variants, Psammotettix
La maladie du pied chétif du blé est connue depuis les années 60 du XXe siècle, mais c'est dans les années 80 que l'on a identifié son agent pathogène, le Wheat Dwarf virus (dwarf signifie nain) et son vecteur.
Il s'agit de cicadelles du genre Psammotettix ; l'espèce Psammotettix alienus en fait partie... Mais est-elle bien définie ?
Par ailleurs on en sait plus désormais, grâce à la biologie moléculaire, sur les principaux variants du WDV et les liens de ces virus à leurs hôtes : blé, orge, avoine, autres céréales, graminées sauvages.
Mais quels sont les facteurs favorisant la maladie dans le pathosystème c'est-à-dire le système associant hôte, virus, vecteur et conditions du milieu ? En clair, qu'est-ce qui fait que, pour une population donnée de cicadelles porteuses du virus dans une parcelle à l'automne, on aura ou non des pieds chétifs plus tard ? Cet article fait le point.
Vigne, du GLRaV au phytoplasme de la flavescence
p. 19, Enroulement viral, espèces de GLRaV et sept cochenilles
Le nom d'enroulement viral de la vigne regroupe les effets de divers GLRaV (Grapevine Leafroll-associated Virus/virus associés à l'enroulement des feuilles de vigne). Ces virus sont transmis par des cochenilles, au moins sept espèces en France.
En 2010, Phytoma avait présenté quatre ans de suivi d'un site en Bourgogne et de tests de laboratoire. Voici la suite, plus le suivi 2006-2011 d'un secteur moins touché. Bilan :
– prééminence du pathosystème vigne/GLRaV-1/cochenille farineuse Phenacoccus aceris confirmée sur le premier site et constatée dans le second,
– alerte sur le risque de transmission de GLRaV par une cochenille floconneuse en émergence, Pulvinaria innumerabilis,
– preuve de la capacité de Ph. aceris à transmettre diverses espèces de GLRaV, y compris une « première mondiale »,
– analyse de la différence de dynamique épidémiologique des deux sites,
– conseils pour la prévention, en particulier sur l'état sanitaire du matériel végétal.
p. 24, Flavescence dorée, phytoplasme, cicadelles...
Toujours sur la vigne, voici la flavescence dorée. Son agent est un phytoplasme transmis par la cicadelle Scaphoideus titanus.
La détection de flavescence dans un vignoble impose une lutte insecticide obligatoire contre le vecteur sur un périmètre défini par arrêté autour du foyer de maladie. Mais :
– cela fait augmenter le nombre de traitements insecticides, en contradiction avec les objectifs du plan Ecophyto,
– l'efficacité du dispositif a des limites.
Comment ces problèmes ont-ils été gérés dans le Bordelais ? Une « lutte aménagée » permet de diminuer le nombre de traitements. Mais pour que cela marche, il faut un effort de prospection et surveillance durable au sens de « qui dure dans le temps ». Comment faire ?
La réponse passe par les mots GDON (défini dans l'article), mobilisation et élargissement. Oui, élargissement : on surveille mieux la cicadelle si on ne surveille pas qu'elle.
On aboutit à un dispositif durable : « qui dure dans le temps » mais aussi « qui concourt à une agriculture durable ».
Fruits à noyau, du phytoplasme de l'ECA au virus de la sharka
p. 28, ECA, le phytoplasme transhume avec les psylles
Cacopsylla pruni vit de juin à février sur conifères d'altitude puis revient en plaine au printemps se reproduire (photo en haut de page) sur Prunus sauvages : prunelliers, myrobalans... Alors, pourquoi et comment ce psylle est-il nuisible dans les vergers ?
Il est vecteur du phytoplasme « Candidatus Phytoplasma prunorum », agent de l'ECA (enroulement chlorotique de l'abricotier), dépérissement gravement nuisible en vergers d'abricotiers, pruniers japonais et autres Prunus. L'article l'explique, en révélant que, découverte récente, C. pruni désigne deux espèces sœurs. Lesquelles détiennent le record de durée acquisition/transmission de phytopathogène.
Il explique aussi pourquoi il ne faut pas espérer éradiquer psylles et phytoplasme... Pourquoi il faut supprimer les repousses de porte-greffe type prunier, mais pas arracher massivement prunelliers et myrobalans sauf peut-être en bord de vergers...
Enfin pourquoi on peut envisager le traitement insecticide (chimique ou biologique) avant floraison quand les psylles arrivent de transhumance, mais pas à l'émergence de la nouvelle génération en juin...
p. 33, Sharka, PPV, sept souches dont deux et moult pucerons
Encore un pathogène des Prunus, mais c'est un virus et un organisme de lutte obligatoire : place au PPV, Plum Pox Virus, agent de la grave maladie de la sharka sur pêcher et qui infecte aussi d'autres Prunus.
Ce virus présente, lui aussi, une variabilité. Sept souches sont connues dans le monde, dont deux en France. Important ? Oui. L'article révèle ce que cela implique.
Là encore, la transmission se fait par le biais d'insectes. Plus de vingt espèces de pucerons peuvent jouer le rôle de vecteur, avec transmission sur le mode non persistant.
« Non persistant », de quoi s'agit-il ? Quel effet cela a-t-il sur les épidémies de sharka ? Pourquoi cela rend-il le traitement insecticide inutile ? Réponses dans l'article.
On y découvrira, aussi, l'intérêt de la modélisation et le travail réalisé au sein du programme européen SharCo.
Notamment la recherche, très active, de variétés résistantes d'abricotier, pêcher, prunier, avec des états d'avancement divers mais un point commun : l'utilisation de la « biomol », biologie moléculaire.
Biomol et terrain
Identification de pathogènes et de vecteurs, sélection variétale : la biomol met bien le laboratoire au service du terrain.
Merci aux auteurs de ce dossier. Tous chercheurs : Inra pour quatre articles, Bordeaux Sciences Agro pour le cinquième, avec partenaires : profession agricole, société privée, enseignement, programme européen...