Interview

Serge Kreiter, président de l'Association française de protection des plantes (AFPP)

PROPOS RECUEILLIS PAR MARIANNE DECOIN* - Phytoma - n°659 - décembre 2012 - page 12

Faire connaître la vérité et reconnaître la qualité de l'AFPP, accentuer son rajeunissement, sa féminisation et son internationalisation, et développer son offre de formation.
Lors de la 9e CIR A en 2011 Sur le site de Montpellier SupAgro, Serge Kreiter, pas encore président de l'AFPP, préside la CIR A et donc le jury du concours de posters étudiants. Une des activités « coup de jeune » de l'AFPP. Photos : C. Rault

Lors de la 9e CIR A en 2011 Sur le site de Montpellier SupAgro, Serge Kreiter, pas encore président de l'AFPP, préside la CIR A et donc le jury du concours de posters étudiants. Une des activités « coup de jeune » de l'AFPP. Photos : C. Rault

L'AFPP ne prend pas parti

PHYTOMA : Serge Kreiter, vous êtes Président de l'AFPP depuis quelques mois, que voulez-vous faire de cette association ?

– D'une part faire mieux connaître et reconnaître ce qu'elle fait déjà et la façon dont elle a évolué récemment. D'autre part développer certaines activités, notamment autour de la formation.

Commençons par la connaissance-reconnaissance. Vous pensez que l'AFPP n'est pas assez connue ni reconnue ?

– Pas assez ! Et aussi mal reconnue. J'entends souvent des étudiants arrivant à Montpellier SupAgro, voire certaines personnalités, confondre l'AFPP et l'UIPP par exemple. Ou encore présenter la première comme une annexe de la seconde. Ou, à l'inverse, penser que c'est une annexe de la DGAL(1).

– Et ce n'est ni l'un ni l'autre ?

– L'AFPP n'est l'annexe de personne ni d'aucune institution. C'est une association interprofessionnelle où tous les professionnels intéressés par les problématiques de santé végétale peuvent se retrouver et échanger. Et ceci en toute transparence et indépendance. Sa présidence est tournante, son conseil d'administration et son bureau équilibrent les trois composantes, les trois collèges de l'association.

– Mais il n'y a pas de débats, de prise de position ?

– Des débats, oui, des prises de position, non.

Les discussions et débats internes, oui, ça, je peux vous dire qu'il y en a ! Je trouve ça très sain, car ce sont des débats ouverts et intéressants. Mais l'AFPP en elle-même ne prend pas partie dans ces débats et ne mène pas d'action de lobbying ni militantisme pour telle ou telle position ou cause. Elle est vouée à la confrontation et au partage des savoirs donc à l'augmentation du savoir global.

C'est une société savante, et c'est à souligner

– Une société savante, en fait ?

– Tout à fait. Avec des activités classiques de société savante : étude de sujets techniques et scientifiques précis en commissions, organisations de rencontres de type conférence, colloques, etc., activités de formation.

– Et comment vous allez le faire savoir ?

– D'abord en vous le disant et en espérant que vous rapporterez mes propos... Sérieusement, nous n'avons pas les moyens de payer de la publicité ni les services d'une agence de communication... L'AFPP, société savante et association indépendante, vit d'abord des activités payantes type colloques et formations, et ensuite des cotisations des membres et contrats type CASDAR(2) pour des activités précises. Nous avons des moyens modestes.

– Bref, ce qui fait votre indépendance vous condamne à l'obscurité ?

– À une lumière relativement tamisée, disons. Mais j'espère pouvoir améliorer la notoriété de l'AFPP, et surtout rendre cette notoriété plus exacte, en s'impliquant dans des collaborations avec des partenaires.

Coup de jeune

– L'AFPP a donc une identité et une indépendance à faire connaître. C'est tout ce qu'il y a à en dire ?

– Non, il y a aussi son dynamisme renouvelé, avec son rajeunissement et la féminisation des adhérents. Pour la féminisation, on n'en est pas encore à la parité, certes, même si deux femmes ont intégré le bureau cette année... Pour le rajeunissement, il se constate au niveau des adhérents mais aussi des participations aux colloques, avec notamment un accroissement du nombre et de la participation des étudiants.

– Effectivement, les salles ont rajeuni... Mais je crois qu'une ouverture aux étudiants avait commencé aux CIRA, Conférence ravageurs que vous organisiez ?

– Exact... C'est lors d'une CIRA que nous avons proposé un tarif étudiant et poussé ceux-ci à participer. À l'époque, je l'ai fait en tant que participant à l'organisation de la conférence.

Depuis c'est devenu une règle pour toutes les conférences.

Par ailleurs, les concours de posters étudiants réalisés lors de conférences sont un outil d'ouverture aux jeunes.

En juin 2012, j'ai proposé de faire entrer gratuitement dans l'association, pour un an, tout étudiant s'inscrivant à une conférence. À lui, après un an où il aura eu accès aux activités et services de l'association, de juger s'il continue à adhérer ensuite. La proposition a été adoptée à l'unanimité.

– Il y a des services qui peuvent intéresser les étudiants ?

– Par exemple l'AFPP, de par sa composition interprofessionnelle très spécialisée, peut être un carrefour pour l'emploi. Nous avons créé une rubrique emploi sur le site de l'association.

Développer la formation continue

– En début d'entretien, vous avez parlé de la formation. L'AFPP est habilitée comme organisme de formation professionnelle en général, et pour les formations préparant au certiphyto entre autres...

– Oui, dans toutes les régions de la France métropolitaine pour les utilisateurs en travaux et services (catégories « décideur » et « opérateur ») et les vendeurs aux professionnels (catégorie « mise en vente, vente – produits professionnels »), et dans certaines régions pour les utilisateurs en exploitation agricole. Je pense que c'est un volet d'activité appelé à se développer.

– Mais par ailleurs, l'association va-t-elle proposer de nouveaux thèmes de formation continue ?

– Oui, mais pas seulement !

– Comment cela ?

– D'abord le « Oui », ensuite le « Pas seulement ». Oui pour de nouveaux thèmes de formation continue : pour commencer nous lançons un module de formation « Protection intégrée et biocontrôle » cet automne. Un thème de plus à ajouter à la panoplie, et à qui je prédis autant de succès que les stages sur la réglementation(3).

Penser formation initiale

– Et le « pas seulement » ? Vous pensez à la formation initiale ?

– Exactement. Moi qui connais le monde de la formation initiale, je pense qu'il y a aussi un besoin de formation sur les problématiques de protection des plantes à ce niveau-là !

L'AFPP, vivier de compétences professionnelles et d'acteurs de la formation continue, peut très bien mettre tout cela à la disposition de la formation initiale !

– Vous voulez dire intervenir dans les cursus de formation ? Mais ils ont leurs enseignants permanents, non ? Comme vous, « dans le civil »...

– Oui, mais en lycée agricole et sauf pour les spécialisations protection des cultures, ce sont des enseignants d'agronomie voire plus largement de biologie, SVT(4), etc. Ils sont plus généralistes. Quand ils doivent assurer un volet santé végétale, je peux vous dire que sur ces problématiques, ils se débrouillent comme ils peuvent, livrés à eux-mêmes.

L'AFPP est une mine de compétences, elle est pluridisciplinaire, interprofessionnelle, indépendante. Forte de tout cela, elle peut très bien se proposer comme un outil de formation de formateurs pour ceux-ci et les enseignants.

– Dans quels thèmes précisément ?

– Ce n'est pas à moi de décider tout seul. Il y a une commission formation, très dynamique. C'est d'ailleurs elle qui avait décelé le besoin de formation « Protection intégrée et biocontrôle », et elle a eu raison. Un groupe de travail s'est créé pour réfléchir à ce que l'association peut proposer et si possible mettre au point pour la formation initiale.

Internationaliser

– D'autres chantiers ?

– En tant que chercheur impliqué dans des réseaux internationaux et habitué des colloques et de la bibliographie en anglais, je constate que les conférences de l'AFPP ont largement le niveau des conférences internationales mais ne sont pas assez connues hors de France. Je pense qu'il faut leur donner les moyens de leur internationalisation.

En particulier systématiser la publication bilingue de leurs appels à communication et programmes, la traduction simultanée anglais-français. C'est un investissement, mais je suis convaincu qu'il faut le faire.

– Et la publication bilingue des communications ? Pour l'instant elles sont soit en anglais soit en français, seuls les résumés sont bilingues...

– Et ce depuis longtemps... On y réfléchit !

<p>(1) Direction générale de l'Alimentation du MAAF (ministère de l'Agriculture, de l'Agro-alimentaire et de la Forêt).</p> <p>(2) Compte d'affectation spéciale pour le développement agricole et rural. Argent public géré par le MAAF et affecté à des programmes précis.</p> <p>(3) Pari gagné ! Depuis la tenue de cet entretien, la première session programmée le 21 novembre à Reims a affi ché complet dès le 2 novembre. Une autre session est prévue au printemps 2012.</p> <p>(4) Pour les lecteurs sans enfants d'âge scolaire : Sciences de la vie et de la terre.</p> <p>(5) Commission des essais biologiques. Précisions sur le site de l'AFPP (voir « pour en savoir plus »).</p>

Partisan de la lutte biologique

Animateur du débat à la tribune du colloque Cochenilles précédant la 9e CIRA en 2011. ph. P. Printz

Animateur du débat à la tribune du colloque Cochenilles précédant la 9e CIRA en 2011. ph. P. Printz

Né en 1956, Serge Kreiter est « dans le civil », enseignant chercheur à Montpellier SupAgro(1), professeur depuis 1998. Depuis 2006, il anime une équipe d'une dizaine de personnes de l'UMR CBGP(2) travaillant sur les acariens prédateurs auxiliaires de lutte biologique.

Écologiste et zoologue, précisément acarologue (spécialiste des acariens), c'est un des co-auteurs des ouvrages « Les ravageurs de la vigne » paru en 2008 et « La faune auxiliaire des vignobles de France » paru en 2011.

Il se dit « partisan du développement de la lutte biologique » et l'a prouvé. Il est un des artisans du développement de l'usage des typhlodromes (acariens prédateurs auxiliaires) contre les acariens phytophages (ravageurs), par des lâchers (lutte biologique « par augmentation ») ou des pratiques les favorisant (lutte biologique « par conservation »).

Ce qui ne l'empêche pas de s'avouer « agacé par la diabolisation des produits phytos, la religion du bio et tous les sectarismes » tout en « appréciant le travail des agriculteurs en AB en France ». Mais, précise-t-il, il s'agit d'avis personnels et il accepte les autres, dans une AFPP qui ne prend pas position !

Serge Kreiter participe aux CIRA, conférences internationales sur les ravageurs en agriculture organisées par l'AFPP, depuis leur première édition en 1987.

Il s'implique dans leur organisation depuis qu'elles se tiennent à Montpellier (3e édition de 1993). Ayant adhéré formellement à l'AFPP en 2002, il est devenu président de sa commission ravageurs lors de la préparation de la 8e CIRA tenue en 2008.

Il est désormais Président de l'AFPP depuis le 22 mars 2012. Et ce pour trois ans, jusqu'en 2015. Rappelons que la présidence de l'AFPP est tournante entre représentants de ses trois collèges.

(1) Anciennement ENSAM (École nationale supérieure agronomique de Montpellier), et plus récemment « Agro Montpellier ».

(2) Unité mixte de recherche Centre de biologie pour la gestion des populations.

Explication de sigles

ACTA = Le réseau des instituts des filières animales et végétales (anciennement Association de coordination technique agricole).

Anses = Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.

CETIOM = Centre technique interprofessionnel des oléagineux métropolitains.

FNLON = Fédération nationale de lutte contre les organismes nuisibles aux végétaux.

IBMA France = branche française de l'IBMA, International Biocontrol Manufacturers Association, Association internationale des fabricants de produits de biocontrôle.

INRA = Institut national de la recherche agronomique.

IRSTEA = Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (anc. Cemagref, Centre national d'étude du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts).

MAAF = Ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt.

UIPP = Union des industries de la protection des plantes.

UPJ = Union des entreprises pour la protection des jardins et des espaces publics.

L'AFPP, fonctionnement et bureau

L'Association française de protection des plantes est une structure interprofessionnelle. Les adhérents, des personnes physiques, sont répartis en trois collèges :

• Collège 1, secteur public/service public : ministères, agences (ex. Anses) recherche publique (ex. INRA, IRSTEA), enseignement (écoles d'ingénieurs, enseignement agricole public, université) ;

• Collège 2, profession agricole : agriculteurs et leurs organisations (ex. chambre d'agriculture, instituts techniques, réseau FNLON) ;

• Collège 3, secteur privé fournisseur de produits et services : entreprises fabricantes de produits phytos (et leurs unions UIPP, IBMA France, UPJ), de leur matériel d'application et de matériel de protection, entreprises de distribution et/ou d'application de ces produits, laboratoires privés d'analyses, prestataires de services (ex. en expérimentation, formation...)

Le bureau reflète cette répartition. Revoici la composition de celui élu en mars 2012(1) :

• Président : Serge Kreiter, collège 1 (enseignement-recherche Montpellier SupAgro) ;

• Vice-présidents : Alice Couteux, collège 2 (institut technique ACTA) ; Marc Delattre, collège 3 (distribution coopérative) ; Marc Délos, collège 1 (MAAF) ;

• Secrétaire général : Philippe Michel, collège 3 (UIPP) ;

• Trésorier : Hervé Michi, collège 3 (UIPP et IBMA) ;

• Membres : Dominique Ambrosi, collège 3 (prestation de service) ; Odile Crépin, collège 2 (réseau FNLON) ; Fabien Lagarde, collège 2 (institut technique Cetiom) ; Pascal Poels, collège 3 (Syngenta Agro) ; Laurent Thibaut, collège 1 (Anses).

(1) Voir Phytoma n° 653, avril 2012, p. 5.

RÉSUMÉ

Contexte : Serge Kreiter, Président de l'AFPP élu en 2012 pour trois ans, présente sa vision et ses projets pour cette association.

- RÉALITÉS : S. Kreiter a trouvé une association interprofessionnelle ouverte, indépendante et dynamique, qui joue un rôle de société savante dans le secteur de la santé végétale. Elle est ouverte aux débats mais ne prend pas partie dans ces débats. S. Kreiter veut le faire savoir.

Il souligne le rajeunissement de l'association (dont il fut un des artisans, déjà avant son élection) et sa féminisation.

- PROJETS : Par ailleurs, S. Kreiter veut :

– accentuer l'internationalisation de l'association (ex. pour les conférences, intensification de l'ouverture à des communications de chercheurs étrangers et généralisation de la traduction simultanée) ;

– élargir l'offre de formation : l'association, habilitée pour le certiphyto (catégories citées dans l'article) propose de nouveaux thèmes en formation continue (ex. « Protection intégrée et biocontrôle » proposé à l'automne 2012 et, vu son succès, reconduit en 2013) et ouverture vers la formation initiale (réflexion lancée).

- MOTS-CLÉS : AFPP, Association française de protection des plantes, société savante, interprofessionnelle, pluridisciplinaire, indépendante, rajeunissement, internationalisation, formation, Certiphyto.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEUR : * M. DECOIN, Phytoma.

CONTACTS, LIEN UTILE :

– m.decoin@gfa.fr

– afpp@afpp.net & www.afpp.net

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